Grèce, corruption à tous les étages ?

par RivDustan
mercredi 1er octobre 2014

La page Wikipédia de la Grèce n’évoque pas le thème de la corruption. Pas une ligne, pas un mot, l’occurrence est absente. Etrange, à en juger par l’importance prise par cette perversion dans la crise qui frappe le pays depuis 2007. Si un « coordinateur national pour la lutte anticorruption » flambant neuf a été nommé il y a quelques mois, le pays reste toujours en proie à de nombreux fléaux connexes : comptes publics truqués, dépenses publiques non maitrisées, évasion fiscale massive, tout y passe. La Grèce est-elle sur la bonne voie ? Difficile à dire. 

 
Une quête de transparence difficile
 
Officiellement, la Grèce cherche à se racheter une conduite, consciente de ses travers. La nomination d’un coordinateur national pour la lutte anticorruption ne dit pas autre chose. Mais ce n’est pas tout. Un mécanisme, répondant au nom de système Diavghia (clarté) a été mis en place. Il contraint les administrations à montrer patte blanche, en publiant sur Internet toutes leurs décisions et passations de marchés. Sections policières dédiées et procureurs spécialisés sont également venus se greffer à la brigade financière, brigade dont les prérogatives ont été étendues. 
 
En marge de la déclaration de patrimoine annuelle des députés, des contrôles systématiques devraient être organisés, des campagnes de prévention pour le changement des mentalités orchestrées. A l’origine de ces initiatives, l’ancien procureur général de la Haute Cour, qui compte enrayer « la grande et la petite corruption » en s’aidant des 90 millions d’euros que Siemens s’est engagé à mettre sur la table dans le cadre du règlement de l’affaire de ses caisses noires. Si tant est que l’Allemand paye. 
 
Las, avec des si, on mettrait le Parthénon en bouteille. En attendant, il faut bien se rendre à l’évidence. Les mesures prises jusqu’à présent ne suffisent pas. A en croire le classement établi par Transparency International fin 2013 sur la base de l’Indice de perception de la corruption, la Grèce est toujours le pays de l’Union européenne le plus corrompu. 
 
Un constat également tiré par Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS, qui rappelle que « son indice est de 3,8, au niveau de la Roumanie et de la Bulgarie alors que la Grèce est dans l'UE depuis 29 ans et dans la zone euro. La Grèce est même au-dessus de la moyenne mondiale qui est à 5 (moins l'indice est élevé, plus l'Etat est corrompu). » Avant d’enfoncer le clou : « C'est proprement scandaleux, surtout que le pays a largement bénéficié des fonds communautaires. Pour l'exemple, le parallèle avec l'Irlande est saisissant. La Grèce a reçu deux fois plus de fonds de soutien de Bruxelles que l'Irlande. Mais, avec les différences de gestion, vous avez d'un côté un pays qui s'est bien développé avec un indice à 8, et de l'autre la Grèce en crise avec un indice de corruption très élevé. »
 
L’Olympiakos d’Evangelos Marinakis, exemple type ? 
 
Les raisons d’un niveau de corruption si élevé ne sont pas à aller chercher loin. Une grande partie de l’aide communautaire a été détournée, notamment dans le cadre d’une facilitation de l’accès à des services publics, santé en tête. Pourquoi plus de détournement en Grèce qu’ailleurs ? La corruption y est devenue « quasi-culturelle », toujours selon Pierre Verluise, qui ajoute qu’il faut également y voir une contingence géographique : plus un pays est au nord-ouest, moins il est corrompu. La Grèce se trouve au sud-est de l’Europe. CQFD. 
 
Dans l’actualité récente, un nouveau parfum de scandale a défrayé la chronique, illustrant à lui seul le sentiment d’impunité qui anime un certain nombre de Grecs. Olivier Kapo, ancien joueur du club de football de Levadiakos évoluant aujourd’hui en Pologne, vient de se livrer dans les colonnes de So Foot sur son expérience dans la République hellénique, et son témoignage est ahurissant. Si l’âme d’une nation devait se juger à l’aune de la qualité et de la probité de son championnat de foot, celle de la Grèce serait violemment gangrénée. Entre matchs truqués, contrats bidons, niveau de jeu médiocre, menaces de mort, salaires non versés et manque de professionnalisme général, l’ancienne gloire de l’AJA a voyagé au bout de l’enfer. 
 
Ses déclarations coïncident avec la possible implication d’un certain Evangelos Marinakis, président de l’Olympiakos F.C, dans une affaire de corruption d’envergure. Andreas Koreas, procureur en charge du dossier, écrit ainsi : « L’évaluation du contenu de conversations téléphoniques montre que le président (de l’Olympiakos F.C, ndlr) et ses proches collaborateurs ont approché et tenté de manipuler des officier de police, des juges, des politiciens et d’autres hommes de pouvoir du pays pour servir leurs intérêts, leur promettant en échange de services d’importants postes au sein du club une fois qu’ils quitteraient leurs fonctions dans le secteur public ».
 
Bref, voilà qui accable Marinakis, homme par ailleurs réputé, toujours selon l’instruction, pour ses méthodes douteuses à l’égard de la presse, confinant à l’intimidation. Que faire pour que de tels personnages, contrôlant pouvoirs publics et médias, cessent de pulluler en Grèce ? L’Union européenne doit se montrer plus stricte, passer des accords de surveillance avec le pays, comme elle l’a fait avec la Roumanie notamment. Elle doit cesser de détourner le regard, donnant blanc-seing aux escrocs de tout poil quant à l’utilisation des fonds communautaires qu’elle a elle-même débloqués.

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