Guerre, propagande, démocratie, élections présidentielles 2022

par Octave Lebel
lundi 7 mars 2022

Nous vivons à propos de la guerre en Ukraine sous un régime de 90% de propagande pour 10% d’informations.

Condamnés à choisir entre des propagandes ?

Y a-t-il des raisons de ne pas dire que Poutine a pris la lourde responsabilité de déclencher la guerre ? Y a-t-il des raisons de ne pas dire que les dirigeants de l’UE et de l’OTAN ont la lourde responsabilité pour partie avec les dirigeants ukrainiens d’avoir créé une situation contre-productive et menaçante à l’encontre de la Russie ? Y a-t-il des raisons de prendre pour argent comptant la propagande russe ou la propagande ukrainienne ou la propagande de l’UE ou la propagande étatsunienne ? La propagande médiatique qui domine notre pays a choisi un camp. Bêtement et hypocritement dans une invitation conformiste et suiviste sans même l’assumer explicitement. Il y a de quoi être pris de vertige en France en 2022 d’avoir à faire ce constat.

Cela commence à faire beaucoup dans un contexte de campagne électorale notamment avec un président/candidat qui à peine élu dans les conditions que l’on sait avait décliné en 2017 la proposition du président de la Commission Européenne de l’époque de décaler la présidence française du Conseil de l’Union Européenne chevauchant l’élection suivante. Ce qui a valu au président français actuel d’être traité aux yeux du monde entier en tant que délégué de l’UE et de l’OTAN de la manière dont nous l’avons vu grâce à la bonne idée personnelle et unilatérale d’intégration au commandement de l’OTAN prise par un de ses prédécesseurs qui avait oublié de nous parler de cette broutille lorsqu’il sollicitait la magistrature présidentielle. Le même, maintenant retenu de devoir s’expliquer par la grâce de la protection paradoxale d’un bracelet électronique l’enjoignant à la discrétion. On se demande ce qui soutient encore moralement et éthiquement notre république. Nous n’avancerons pas et nous ne progresserons plus sans répondre à ces questions et chercher des solutions.

 

L’alternative présidentielle.

Pour mémoire, l’élection présidentielle est la véritable élection européenne. Puisque que nous élisons aussi en même temps notre représentant au Conseil Européen, celui qui en Europe dans son pays a le plus de pouvoirs sans contre-pouvoirs opposables . Notre future politique européenne se joue ici dans un moment déterminant et très particulier dont l’essentiel des enjeux et la véritable nature des évolutions en gestation nous sont cachés. C’est la nature même et le fonctionnement de nos institutions qui le permet. Cette élection est donc aussi celle de la refondation de nos institutions dans un processus démocratique ou alors de leur reconduction avec ses avantages et ses inconvénients pour les uns et les autres. Autant le savoir et savoir ce que l’on veut.

Les choses ne pourront rester encore longtemps en état. Cela pose un problème politique et démocratique de fond dans un pays qui affiche le nécessaire respect du droit sous condition de démocratie en état de marche.

Il ne peut y avoir deux catégories de citoyens. Une minorité qui possède l’essentiel des médias et des moyens d’information proche d’un exécutif sans réel contre-pouvoirs opposables qui jouit visiblement des moyens de contrôle de la tonalité générale de l’information dans le service public de l’information et le reste de la masse non seulement tenue en respect et soumise mais invitée moralement à consentir et applaudir.

Il n’y aucune raison pour que nous consentions d’en rabattre sur la démocratie et les moyens de la faire vivre ni d’en concéder toujours un peu plus. Les limites de l’inacceptable ont été franchis visiblement avec une aisance et une facilité qui en dit long sur l’ancienneté du travail en coulisses et la préparation des esprits. Et évidemment elles seront encore repoussées en fonction de notre résignation et de notre passivité. Le cœur de la relation citoyen/représentant politique/journaliste est ainsi mis en pleine lumière et en cause. Il n’y aura plus d’échappatoire qui nous empêchera de mettre à plat la situation et d’expliciter les droits, les devoirs et les responsabilités partagées et celles de chacun.

Tous victimes des propagandes ?

C'est une banalité et une évidence de reconnaître la responsabilité pleine et entière de Poutine dans ce qu'il a entrepris. Pourtant il y a une injonction morale permanente d’entretenir le débat autour de la responsabilité de Poutine à grand renfort de psychologie de plateau télévisé nourissant des polémiques sans fin, empêchant opportunément une meilleure connaissance et réflexion à propos des autres causes plus anciennes, de l’escalade graduée et continue, des déterminants décisifs qui ont amené au cœur de l’Europe ce retour mortifère à la guerre et la division. Sous l’arbitrage et la supervision de forces qui n’avaient plus de raison d’être au cœur de notre continent européen, nous empêchant ou retardant la prise en main de notre souveraineté politique et économique dans une confédération de nations constituant un pôle européen.

Nous sommes actuellement sous les feux d’une propagande à double détente. L’escalade graduée et continue des déterminants décisifs qui ont amené au cœur de l’Europe cette catastrophe est elle-même en train de faire l’objet d’une révision de l’histoire. La Russie en tant que nation et peuple souverain est réduite à la prétendue folie de ses dirigeants ce qui permet d’effacer, de minimiser et travestir toutes les tentatives de la dominer ou de l’affaiblir en vue de son contrôle. Empêchant par là l’intégration qu’elle a recherchée au sein du continent européen et renforçant les pouvoirs autoritaires en son sein. Tout cela nous a menés dans ce phénoménal gâchis.

Soyons extrêmement vigilants et lucides. Nous avons déjà été confrontés à cette situation avec le même type de partenaire et ses classes dirigeantes dont la protection et la présence insistante n’est jamais gratuite et qui éprouvent le besoin et la nécessité selon elles du contrôle stratégique et économique de l’ensemble de la planète dont elles se pensent les élites dirigeantes désignées par l’histoire ou je ne sais quelle justification ou transcendance. Dans l’histoire des transcendances, il y en a de toutes sortes et je n’en connais aucune qui n’ait sa part sombre. On peut en dire autant des idéologies qui oublient qu’elles ont été créées par des êtres humains et qu’elles ne sont pas infaillibles non plus. Travaillons entre êtres humains responsables et raisonnables qui organisent et contrôlent mutuellement les conditions de leur vie collective. Cela s’appelle la démocratie qui n’est pas un idéal d’apparat ou de justification mais un long chemin concret à construire.

Une nouvelle élection en trompe-l’œil.

Certains parlent, empruntant la posture avantageuse du visionnaire qui a besoin d’apparences pour convaincre, de souveraineté européenne. Rappelons qu’un principe essentiel de la propagande est de faire croire si possible le contraire de ce que l’on se prépare à faire. Que chez nous l’habitude des sortants est de reprendre les mécontentements qu’ont suscités les politiques qu’ils ont menées pour les dénoncer et inventer des mesures emballantes y palliant sans toutefois jamais expliquer les raisons, les choix, les bénéficiaires, les rapports de force qui soutiennent ces politiques. Nous laissant pour plus tard la surprise de mesurer la profondeur de notre crédulité.

Les apprentis sorciers.

Un dernier point et non le moindre. Ecoutons ou lisons la déclaration de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée Nationale le 2/03/2022. Souhaitons que sa mise en garde contre l’irresponsabilité de ceux qui entretiennent l’escalade en prenant le risque de l’élargissement du théâtre de guerre ne reste qu’une mise en garde. Méfions-nous des aventuriers irresponsables qui eux leur forfait accompli ont toujours les moyens de se mettre à l’abri ou des calculs cyniques de ceux qui pensent que le rapport de force et l’opportunité sont des chances à saisir et qui jusqu’à présent n’ont jamais eu de compte à rendre à personne. Cela est arrivé plus d’une fois et tous les peuples le savent.

● Guerre en Ukraine : discours de Mélenchon à l'Assemblée nationale (1/03/2022) ou comment remettre les pendules à l’heure (11 mn).

https://www.youtube.com/watch?v=H5tRHt2UW0E

 ● Besoin d’un peu de clarté et de simplicité au milieu de la désinformation ambiante.

 Adrien Quatennens, député du Nord, coordinateur de la France Insoumise, est l'invité du 7/9 de France Inter du 4/03/22

https://www.franceinter.fr/emissions/le-7-9/le-7-9-du-vendredi-04-mars-2022

● « Comprendre le monde, que veut Poutine ? » Un regard décentré et instructif par la secrétaire perpétuelle de l’Académie Française, historienne spécialiste de la Russie, Hélène Carrère d’Encausse interviewée par Pascal Boniface directeur de l’Institut de Recherche Internationale et Stratégique. Loin de tous les partis-pris .Un regard intéressant sur la succession des générations. (23/02/22- 26 mn)

https://www.breizh-info.com/2022/02/24/180488/russie-ukraine-helene-carrere-dencausse-que-veut-poutine

 


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