Habiter le voyage

par GIRARD Pierre Benjamin
mardi 30 mai 2017

La containérisation du monde est un processus connu qui s’est accéléré après la Seconde Guerre mondiale. Le container s’est à ce jour imposé dans les circuits de production et de distribution mondiaux et apparaît comme un des outils principaux de la mondialisation. Il est le symbole des échanges internationaux et prend une place prépondérante dans les paysages urbains et portuaires des Nord et des Sud. 
Le container est également au centre de nombreux débats sociaux, environnementaux, économiques et géographiques. Il est la figure de proue du grand capital et s’est immiscé, dès son apparition à la révolution industrielle, dans les sociétés nouvellement industrialisées d’Europe et d’Amérique.

Depuis la fin des années 70, le container a intégré les milieux artistiques et notamment architecturaux pour devenir un outil design utilisé par certaines élites urbaines. Il participe aux phénomènes de gentrification des grandes villes et devient un outil de réhabilitation et de réappropriation de friches industrielles. On le retrouve dans les cités universitaires d’Amsterdam et du Havre notamment. Destiné au départ à un usage indifférencié de masse, le container devient un bien adapté à des contextes et à des usages précis. Il est devenu une interface entre terre et mer, mais également entre capitalisme et société. Ainsi, et d’un point de vue critique, l’économie, sauf si encadré par l’État, vient imprégner tous les aspects de la vie à commencer par l’habitation. Habitat flexible et flexibilité marchande.

« Cette fois encore, l’événement fut particulier à l’Angleterre ; cette fois encore, le commerce maritime fut à l’origine d’un mouvement qui affecta le pays tout entier ; et cette fois encore ce furent des améliorations menées sur la plus grande échelle qui causèrent des ravages sans précédent dans l’habitation du petit peuple » (Polanyi, la grande transformation, 1983).

Les analyses et les réflexions ambivalentes sur l’objet container suscitent la curiosité du géographe. En effet, le container s’est entaché d’une réputation critiquable à bien des égards. Il est au cœur de polémiques environnementales (pollution des porte-containers, recyclage des containers usagés, etc.), économiques (outil du grand capital, etc.), sociétales (quelle place pour les logements container ?) et juridiques (le container est souvent assimilé juridiquement à de l’habitat précaire et à du logement mobile. Dans le cas des résidences universitaires du Havre, les locataires craignaient de voir disparaitre leur droit de vote. Cela pose également des questions concernant les APL). Les débats sont justes et les détracteurs du container légitimes.

Cependant, il possède le mérite de surprendre. Son utilisation actuelle allie pratique et esthétique. Mobile, modulable, il s’amuse à installer de l’infini dans du fini.
Le container dispose d’un pouvoir sur l’imaginaire non négligeable. Il incarne le voyage, la mobilité, l’anonymat, l’antimonde et est devenu l’image d’Épinal du transport maritime associée aux aventures de Tintin ou aux œuvres d’Hugo Pratt. La transformation progressive du container en objet artistique ou d’habitat est directement soutenue par sa dimension allégorique. Il joue le rôle du nomade sédentaire. Nous le voyons toujours immobile, entassé dans les ports alors qu’il ne cesse de naviguer. Il amène du Nord dans le Sud et du Sud dans le Nord.

Le container est par conséquent devenu un objet incontournable au 21ème siècle. Ses utilisations sont multiples. Les créations par son détournement compensent aujourd’hui, en partie, les aspects critiquables de ce dernier. Pour cause, de nombreux projets d’habitation fleurissent dans le monde et en Afrique notamment. Prolongeons encore et encore le voyage.

Pierre Benjamin GIRARD, géogir conseilsgeogir.fr


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