Haïr la haine

par alinea
jeudi 21 avril 2016

« L'hexagramme signifie d'une part une percée après une longue tensions accumulée, comme la brèche qu'un fleuve fait à travers ses digues, comme un nuage qui crève. Sur le plan des situations humaines, c' est l'époque où les hommes vulgaires sont en voie de disparition. Leur influence décroît et une action résolue fait que le changement des conditions amènent la percée. Ce signe est rattaché au troisième mois ( avril-mai).

Le jugement

La percée.

On doit résolument faire savoir la chose à la cour du roi.

Elle doit être annoncée conformément à la vérité.

Danger.

On doit informer sa propre ville.

Il n'est pas avantageux de recourir aux armes.

Il est avantageux d'entreprendre quelque chose.

 

Même si dans une ville, il n'y a qu'un homme vulgaire à la place d'autorité, il peut accabler les hommes nobles. Même si dans le cœur une seule passion reste nichée, elle peut obscurcir la raison. La passion et la raison ne peuvent coexister, c'est pourquoi un combat sans merci est indispensable si l'on veut établir le règne du bien.

Toutefois il existe dans le combat résolu du bien pour écarter le mal, des règles déterminées qui ne doivent pas être perdues de vue si l'on veut obtenir le succès.

  1. La résolution doit reposer sur l'union de la force et de la bienveillance.

  2. Un compromis avec ce qui est mauvais n'est pas possible ; le mal doit en toutes circonstances être discrédité ouvertement. De même les passions et les défauts personnels ne doivent pas être embellis.

  3. Le combat ne doit pas être mené par la violence. Là où le mal est stigmatisé, il pense à recourir aux armes et si on lui fait le plaisir de lui rendre coup pour coup, on a le dessous, car on est soi-même impliqué dans la haine et la passion. C'est pourquoi il importe de commencer par sa propre maison et prendre garde aux défauts que l'on a soi-même stigmatisés. Ainsi les armes du mal s'émoussent d'elles-mêmes quand elles ne trouvent pas d'adversaires. Et même nos propres défauts ne doivent pas être combattus directement. Tant que nous luttons contre eux, ils demeurent victorieux.

  4. La meilleure manière de combattre le mal, c'est un progrès énergique dans le bien.

 

De même, dans le développement de son caractère, il veille à ne pas se raidir et à ne pas s'entêter, mais à demeurer réceptif aux impressions par un constat et rigoureux examen de lui-même. »

 

Kouai/ La percée ( la résolution) Yi King.

 

La sagesse orientale, la sagesse chinoise en l'occurrence, ne demande aucun autre commentaire ; tout le monde n'y est pas sensible, l'occidental moins que quiconque, mais le comprendre est pourtant à la portée de tous.

Nos dirigeants sont des médiocres corrompus, -seul le médiocre peut être corrompu- ; l'impunité la plus totale dans laquelle ils agissent est devenue institutionnelle, ils en oublient très facilement pourquoi on les a mis à cette place. Le « pour quoi » leur échappe. Ils créent leurs lois et payent et flattent les médiocres corrompus qui les servent.

Nous le savons, nous n'avons rien à attendre d'eux. Mais ils ont le pouvoir politique, le pouvoir des armes et, aujourd'hui, plus fort que tout, le pouvoir de l'argent. Ce pouvoir de l'argent qu'ils servent, eux-mêmes payés, flattés pour lui être fiables.

Nous le savons, nous savons à qui et à quoi nous avons affaire ; une fois ceci acquis, nous pouvons en déduire notre moyen d'action.

Quand le pouvoir politique était tout puissant, nous pouvions compter sur le seuil au delà duquel il fléchirait pour garder sa suprématie, et obtenir quelques poignées de queues de cerises, s'en contenter un moment, les jeux étaient, nous semblait-il, ainsi de toute éternité. Le conquis restait conquis et se réactualisait à coup de mobilisations populaires chaque fois qu'il nous fallait le mettre à jour. Mais le chacun du « nous » peu à peu acquit son content, mais quand la courbe s'infléchit dans une descente inéluctable parce qu'elle suit les lois naturelles de la vie, il s'agit de récupérer ce qu'on nous a ôté. Tout le monde sent bien qu'il ne s'agit pas là de la même énergie à mettre en œuvre et comme la stupéfaction n'a pas gagné tout le monde en même temps, le laisser faire nous a vite amenés très bas. C'est la conséquence pure et simple de s'en remettre à d'autres pour diriger nos vies ; l'attention et la vigilance dissipées en de multiples leurres nous apparaissent donc comme pas faciles à retrouver. Oui, elles se dissipent encore sur de nombreux leurres. Oui, les luttes se laisseront encore acheter, à défaut de savoir y faire, par des poignées de queues de cerises qui ne rassasient pas mais calmeront la faim, le temps peut-être d'y voir plus clair si nous ne perdons pas le tracé du chemin.

Nous en sommes au début du chemin alors même que la meute nous est lâchée dessus, nous sommes pressés, nous sommes en retard, il faut faire vite alors que nous n'avons pas commencé à réinventer ! Oh si, quelques-uns, et ça se dit et ça se sait mais aucune cohésion n'est encore engrangée. Mais dans un monde où l'on a fait croire à chacun qu'il le valait bien, ce chacun a tendance à s'arrêter sur ses certitudes acquises à bas prix, construites sur des manques, des à-peu-près et peut-être surtout sur un ego peu humble. Où l'on a besoin de parler avant d'avoir écouté, de croire savoir avant d'avoir appris, un mouvement dans l'enfance comme l'enfance d'aujourd'hui. Et dans cette urgence, dans ce peu de temps qui nous est imparti, il semble qu'ils sont nombreux à pouvoir suivre n'importe qui. Paradoxe. Ce « faire confiance » sous prétexte de colère et de jeunes énergies me fait penser à l'école où l'on pense que l'enfant aurait tout d'acquis. De rien il saurait tout, comme par magie. Il n'y a que ce leurre qui ait été appris.

Dans quel monde voulez-vous vivre ? Et qu'êtes-vous prêts à faire pour y parvenir ? Qui me répondrait ? Une lutte contre une proposition de loi que l'on veut empêcher de naître. C'est déjà ça, mais si on se retourne, si l'on voit tout le mal déjà fait, est-ce que cela suffit ?

Et si l'on regarde de l'autre côté des frontières, là où les effets se font sentir en interne ? Quels seraient les mots d'ordre ?

Vus de ma fenêtre les comportements de ceux qui ont des convictions sont les mêmes, quelles que soient les convictions ; les comportements de ceux qui n'ont pas de convictions sont les mêmes, quels que soient ceux qu'ils suivent un moment. Les comportements de ceux qui apprennent puis savent qu'ils ont encore tout à apprendre sont les mêmes. Mais qu'est-ce qui change le monde ? Les convictions ou les comportements ?

C'est un peu lié, remarquez bien ; les convictions attirent déjà un type d'individus de même nature, elles bouchent yeux et oreilles et font dire n'importe quoi. Les convictions ont besoin d'être alimentées et détestent être démenties, toute l'énergie de celui qui les abrite est dépensée dans ce but ; pour ce faire, il filtre le réel de manière à le transformer en aliments et en éructe les résultats de manière à s'imposer et empêcher toute contestation, et bien sûr tout démenti. Un démenti qu'il ne saurait pas refuser mettrait à bas toute sa construction mentale, ce qui, on en convient, serait intolérable. Aussi s'exerce-t-il à parler le premier et le plus fort et à ridiculiser et faire taire quiconque oserait se dresser devant lui. C'est vrai pour toute conviction, vous l'aurez compris. Le dialogue, l'échange que permet la curiosité n'ont ici aucune place. Les convaincus ne disent pas que des bêtises, mais ça tourne très vite en rond parce que pour être convaincu il faut une certaine dose d'ignorance et surtout maîtriser son domaine ; on ne peut maîtriser qu'un domaine restreint. Les convaincus haïssent ou adoptent, ils ne se posent pas de question, ou bien ne le montrent pas, et on ne peut les prendre au piège de leurs contradictions car le convaincu est très proche de la manipulation, ou de l'outrecuidance. Et ils le peuvent et se le permettent que parce qu'ils sont conforté, par le pouvoir, ou par la force donnée par leur groupe. Aucun doute n'est permis, aucune mise en doute n'est permise.

Ils sont pléthore, majoritaires et à chacun la sienne.

La conviction hors combat, est un abus de pouvoir, une agression car elle se pose en vérité. C'est un bouchon.

La haine donc est propre aux convaincus ; de leurs bons droits, de leurs vérités ils font des remparts.

Pour ma part, j'ignore la haine, la rancoeur, la rancune, la vengeance ; ce n'est pas que je sois sainte, c'est juste que je sais que cela ne sert à rien, que c'est une énergie perdue, une fatigue inutile pour un but futile, infantile ; c'est juste que je n'ai pas assez d'importance et que je me contente de dire ce que je vois et ne me le permets que parce que j'ai appris qu'on était libre de le faire, ce qui est faux d'ailleurs parce que la censure délatrice n'a pas besoin d'ordre venu d'en haut, les convaincus le font très bien tout seuls. C'est juste parce que j'en comprends les motifs.

Sinon, je haïrais la haine.

(La haine ne s'imagine pas, ni ne s'illustre !)


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