Haïti : d’une mondialisation à une autre ?

par ZEN
lundi 18 janvier 2010

Tragédie, espoirs, rêves...

Devant tant de souffrances, de désespoirs, d’exaspérations aussi devant la lenteur, la difficulté et le manque de coordination des secours, on reste sans voix, partagés entre accablement et espoir, le chaos étant aussi dans nos esprits et dans nos coeurs meurtris.
Accablement devant l’ampleur du drame qui affecte ce pays déjà trop injustement et si souvent frappé par la nature aveugle et les événements de l’histoire.
Espoir, face à la réaction internationale, relativement rapide et large, qui donne à penser que la solidarité internationale, malgré les rivalités, les querelles de préséances et de prestige, peut se montrer efficace et pourrait l’être tout autant pour tant de tâches urgentes plus "ordinaires" de par le monde...
On se prête à rêver, comme toujours après des traumatismes de ce genre, comme après une guerre, que le cours des choses pourrait changer et que cette opération, inédite par son ampleu, pourrait être le signe d’une remise en question fondamentale des instances internationales
Mais n’est-on pas là en train de rêver les yeux ouverts, comme hallucinés par ce qui nous frappe tous au coeur de notre humanité ?

- Le processus de mondialisation sans règles ni contraintes est à juste titre souvent dénoncé comme facteur de déstabilisation (délocalisations, notamment) et de crises, dans ses aspects financiers. La réaction internationale, rarement aussi large, au drame haïtien, donne à penser et à espérer une autre forme de relations entre grandes puissances, qui ne se fassent plus sous le seul signe de l’intérêt, de la rivalité ou de l’affrontement armé
L’ONU y retrouverait son vrai sens...

Si les grandes nations sont inefficaces devant les grands problèmes peu spectaculaires et durables que sont la sous-nutrition d’une partie de l’humanité, par exemple,la réactivité internationale a été impressionnante face à cet événement ponctuel
"...La réaction internationale à ce séisme, considéré par l’ONU comme le pire désastre depuis sa création, a été rapide. L’organisation a déjà reçu 268,5 millions de dollars de promesses d’aide, et espère atteindre la somme de 562 millions de dollars (391 millions d’euros). Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, est arrivé dimanche en Haïti. Il a qualifié le séisme de "plus grave crise humanitaire depuis des décennies". A l’initiative du Mexique, le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunira lundi pour étudier la situation en Haïti. La présence de Ban Ki Moon est attendue, d’après un communiqué du ministère des Affaires étrangères du Mexique.___Si les Etats-Unis ont pris la tête de l’aide en Haïti, l’Union Européenne compte annoncer des engagements financiers pour la reconstruction du pays. Une réunion des ministres européens de la diplomatie de l’UE est prévue lundi. L’union appellera à une conférence internationale sur le sujet, et montrera sa "volonté de travailler sur les besoins immédiats du pays mais aussi sur l’avenir et la reconstruction", a indiqué la porte-parole de la présidence espagnole de l’UE à Bruxelles, Cristina Gallach, dimanche." (Europe1)

Cependant on a manqué l’occasion d’agir de concert, comme le remarque La Croix :
"...Le quotidien belge Le Soir déplore, pour sa part, qu’à l’heure des secours, « l’Union européenne a raté une occasion d’exister ». « Et ce n’est pas sans effet pour les Haïtiens, écrit Maroun Labaki, car une aide européenne « unifiée » aurait été infiniment plus efficace que les déploiements parallèles, voire concurrents auxquels nous assistons. Las ! Les discours incantatoires sur l’Europe se fracassent trop souvent sur la réalité, aussi vite que les édifices affolés de Port-au-Prince ». A l’appui de ses propos, le commentateur relève que la Commission européenne a reconnu vendredi avoir appris « par la presse » l’initiative de Nicolas Sarkozy, proposant à Barack Obama la tenue d’une conférence internationale pour la reconstruction et le développement d’Haïti. « Interrogé, le porte-parole de Catherine Ashton, la nouvelle haute représentante de l’UE, a simplement répondu : « je ne suis pas au courant ».

Peut-on craindre des risques de mise sous tutelle d’un pays longtemps dominé ?
Rony Brauman répond face à l’urgence :
"...Les différents intervenants que sont les donateurs, les organisations internationales et les agences des Nations Unies, devront se rendre au siège de l’ONU pour annoncer ce qu’ils font. Ils seront répartis dans les zones géographiques où ils pourront entrer en action. C’est comme cela que marche la coordination. Nous sommes pour l’instant au stade où les gens font ce qu’ils peuvent à l’endroit où ils peuvent et, compte tenu du chaos, c’est de toute façon, beaucoup mieux que rien.

- Pensez-vous qu’il y ait un emballement et une course effrénée à la générosité de la part de ces donateurs ?
Il y a un emballement bien sûr, mais je ne le dirais pas de façon trop critique. La situation impose d’aller vite et, entre la rapidité et l’emballement, la nuance n’est pas toujours très facile à faire. Les besoins sont énormes et urgents en Haïti. On se précipite à travers le monde pour tenter d’y répondre. Il y a certes des arrières-pensés de positionnement et de stratégies d’images de la part des grandes puissances, mais n’oublions jamais qu’un pays qui aide est un pays qui affirme sa puissance. Cela fait tout simplement parti du jeu politique.
-Un pays comme Haïti peut–il être un terrain d’affrontements diplomatiques pour les puissances occidentales dans ce moment précis ?
Je ne parlerais pas d’affrontements mais de rivalités. Je prends l’exemple de la Chine qui envoie des sauveteurs et des soldats en Haïti. Elle entre en rivalité directe avec les États-Unis dans ce qu’il est convenu d’appeler leur arrière- cour.
Les catastrophes naturelles permettent toujours aux stratégies politiques et diplomatiques de jouer. Il n’y a pratiquement pas d’exception à cela, dans la mesure où le pays sinistré est ouvert. Il y a eu des catastrophes à guichet fermé si l’on peut dire, comme celui qui s’est produit en Chine en 1974 et qui a fait entre cinq cent mille et un million de victimes selon ce qui a été rapporté. Personne n’en sait vraiment rien, parce que c’était la grande époque maoïste et les choses se sont passées à huis clos, parce qu’on ne pouvait pas entrer dans le pays. Mais dans un pays ouvert, on observe des rivalités et des jeux politiques.
Cela fait partie de la catastrophe elle-même. Ce serait naïf d’attendre d’un pays qu’il se comporte comme une ONG. Un État défend un certain nombre d’intérêts...
"


Haïti - Aide humanitaire et solidarité

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Croix-Rouge française
 

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