Halte au renvoi des immigrés dans leurs pays !

par La râleuse
mercredi 23 octobre 2013

Prenant fait et cause pour des camarades étrangers scolarisés renvoyés dans leur pays d’origine avec leur famille, voilà ce que clamaient des étudiants dans la rue ces derniers jours.

Une clameur à laquelle s’associaient des personnes bien intentionnées, interviewées sur les trottoirs par des journalistes ou participant à des forums sur les ondes des radios.

Tous reprochant sa politique anti-sociale au gouvernement.

Tous ne l’exprimant pas mais faisant sentir à celles et ceux qui ne protestaient pas contre l’expulsion de familles en situation irrégulière que leur attitude, dictée par un égoïsme répréhensible, cautionnait un gouvernement policier. 

Chacun est libre de son jugement et je suis pour la liberté d’opinion et d’expression.

Cette liberté que j’accorde aux autres, je me l’accorde à moi-même d’où, le 18 octobre, publié sur ma page Facebook à propos des immigrés en situation irrégulière refoulés dans leurs pays, un post qui se terminait ainsi :

«  - Qu’elle serait leur position à toutes les belles âmes si le gouvernement français décrétait :

 « D’accord, il n’y aura plus d’étrangers refoulés, plus de reconduite aux frontières mais pour que la France puisse offrir des camps pour loger, nourrir, soigner décemment toutes les personnes accueillies, nous devons créer un nouvel impôt à prélever sur TOUS les revenus sans exception.  »

- Que serait-elle la réaction de ces étudiants dans la rue si on leur demandait de reverser 50 % de l’argent destiné à leurs loisirs qui leur est remis chaque mois par leurs parents afin de pouvoir financer l’enseignement scolaire des enfants d’immigrés ? »

Suite à cette publication, une jeune femme m’a, entre autre, écrit, le commentaire suivant : « ... le terme de "camps" me désole. »

Je crois ne pas me tromper en traduisant sa « désolation » par « indignation » et suis pratiquement certaine qu’elle n’aurait pas été choquée si j’avais usé du terme « aires de logements » au lieu de « camps ».

Parce qu’elles sont ainsi les personnes sensibles qui se scandalisent d’un mot pour mieux nier sa réalité, qui se scandalisent qu’on expulse une étudiante dont la famille n’a pas obtenu autorisation à vivre en France, mais qui se scandaliseraient encore plus si l’État prenait cette famille en charge.

Attention, je ne cautionne pas certaines méthodes policières plus adaptées à mon sens à l’arrestation de criminels emmenés en centres de détention qu’à une action ferme mais courtoise s’agissant de personnes à conduire en centres de rétention. Mais il n’en demeure pas moins que la question se pose :

Maintenant pour en revenir à cette jeune femme qui se « désole » que j’envisage des camps pour y loger des immigrés dans des conditions décentes, je m’inquiète de tant de manque de pragmatisme. Je m’inquiète du nombre de français si plein de sollicitude qui semblent ignorants de la réalité des problèmes de logements en France.

Ont-ils jamais vu les reportages avec ces tentes plantées sur les bords de Seine par « Les enfants de Don Quichotte » ? Et s’ils les ont vues, ont-ils cru à un documentaire sur le tourisme à Paris ? Ont-ils entendu parler de ces réquisitions sauvages d’immeubles inhabités par le « Collectif Jeudi Noir ? » ? Et, si oui, l’action leur a-t-elle paru anecdotique ? Ont-ils entendu parler de la loi DALO (qui désigne l’État comme le garant du droit au logement) obtenue grâce à la ténacité de Cécile Duflot et si compliquée à appliquer qu'elle n'a que le mérite d'avoir été votée.

Oui, renvoyer chez eux des étrangers qui demandent asile dans l’espoir d’une vie meilleure en France que dans leur pays est cruel. 

Alors, pour comprendre les raisons d’une telle mesure, je propose de transposer l’histoire d’une famille à celle d'un pays.

Par exemple, l’histoire d’une famille composée de Marc, Sophie, et Jonathan, demeurant en banlieue bordelaise, dans un petit appartement de quatre pièces. 

Lui est agent commercial, Sophie, employée dans un salon de coiffure. Jonathan, le fils, est un lycéen de 15 ans, étudiant passable et grand amateur de jeux vidéos auxquels il consacre une grande partie de ses heures de loisir.

Les salaires réunis du couple leur procurent une aisance moyenne et mari et femme s’entendent bien nonobstant quelques agacements inhérents à tous les couples et conséquence de travers de chacun.

- Ainsi, Marc s’agace mais ne pipe mot quand Sophie discute trop longtemps au téléphone avec sa mère l’empêchant d’entendre le commentateur sportif à la télévision.

- Sophie n’exprime pas plus son irritation quand, chaque soir, lorsque Marc rentre à la maison, elle doit systématiquement ranger derrière lui veste et chaussures qu’il sème entre l’entrée et la salle de séjour où il se sert un verre avant de s’écrouler dans un fauteuil.

Lorsqu’Albert, frère de l’un d’eux, sans emploi depuis la fermeture de son entreprise et qui arrive en bout de ses droits aux allocations chômage, fait appel à leur générosité parce qu’il ne peut plus payer son loyer et se voit frapper d’expulsion de l’appartement qu’il habite au Havre avec sa famille, Marc et Sophie, qui disposent d’une chambre d’amis n’hésitent que le temps de consulter Jonathan avant de proposer de les héberger, lui, sa femme, qui n’a jamais travaillé à cause d’une santé trop fragile, et son fils de 14 ans. 

Jonathan a bon cœur. Comment pourrait-il refuser de partager sa chambre avec un cousin qu’il n’a vu que trois ou quatre fois. Et peu importe de ne rien savoir de lui si ce n’est qu’il joue au foot et a une réputation de bûcheur. Ils ont presque le même âge, ils devraient bien se trouver des goûts communs.

Seulement, voilà, après six mois de cohabitation, l’impondérable survient. Alors qu’Albert n’a toujours pas retrouvé de travail (et ce n’est pas faute de chercher) la société qui emploie Marc se délocalise pour aller s’implanter en Roumanie. Marc qui refuse de s’expatrier est licencié.

Un an après, la crise sévissant, Marc et Albert sont toujours en situation de chercheurs d’emploi. Même avec l’allocation chômage de Marc ajoutée au salaire de Sophie, le train de vie change quand les revenus doivent faire vivre non pas trois mais six personnes. La situation n’est pas précaire mais elle devient préoccupante.

Aussi, abandonnés les projet de vacances à la mer et à la montagne, terminées les sorties au restaurant, supprimées les inscriptions en clubs sportifs. Et avec les restrictions, les aigreurs surgissent.

La présence d’Albert et des siens devient vite une source d’irritations.

- Marc, non fumeur, ne supporte plus l’odeur de tabac qu’Albert traîne derrière lui en dépit du fait qu’il a la politesse de ne jamais fumer dans l’appartement. Mais quand on est chômeur et qu’avec une famille on subsiste grâce à la charité de parents, on ne « clope » pas chez eux.

- Sophie remâche sa rancœur lorsqu’elle s’oblige à écouter les jérémiades des clientes tout en songeant que la femme d’Albert, même si elle s’occupe du ménage et de préparer les repas est, au même moment peut-être, peinarde chez elle, en train de regarder un téléfilm. 

- Marc et Sophie s’exaspèrent des brillants résultats scolaires du fils d’Albert alors que Jonathan, moins assidu aux études, se contente d’une pénible moyenne en dépit des objurgations de ses parents.

- Jonathan peste contre lui-même d’avoir été assez stupide pour accepter la présence chez lui d’un cousin qui, en plus de lui valoir des reproches constants de ses parents, est vite devenu plus populaire que lui auprès de ses copains en se montrant un très bon partenaire de foot.

Cet exemple a juste pour but de démontrer qu’il est plus facile d’accueillir les personnes dans le besoin quand on ne manque de rien. Mais quand on est soi-même en difficulté, à moins d’avoir vocation pour la sainteté, on se sent beaucoup moins charitable. 

Même un saint d’ailleurs peut comprendre cela. Ainsi le conseil de Saint Paul à son ami Timothée dont cette maxime traduit le propos : « Charité bien ordonnée commence par soi-même. »

Oui, il est cruel de renvoyer dans leur pays des étrangers parfois très bien de leur personne, des étrangers qui, pour certains, dans un autre contexte pourraient être bénéfiques à la France. Mais, et je pose la question, quand un bateau est déjà surchargé, doit-on obéir à son cœur ou à sa raison quand veulent y monter de nouveaux passagers, des passagers fuyant même parfois un danger mortel, sachant que la surcharge va le faire immanquablement couler ?

 


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