Histoire du Christ, acte II, de Marc à Matthieu

par Emile Mourey
vendredi 16 octobre 2009

Je ne me fais aucune illusion sur l’accueil qu’on réservera à ce présent article. Mes contemporains n’ont plus l’agilité d’esprit des anciens juifs ; il leur faut des vérités simples voire simplistes. Je me trouve donc devant un dilemme pour développer mon argumentation. D’un côté, je suis bien conscient que ce n’est pas par des articles vite lus, vite oubliés, que j’emporterai leur adhésion. D’un autre côté, je me rends bien compte que la lecture des sept livres que j’ai écrits pour avancer dans cette recherche - soigneusement argumentés et référencés - demande une attention suivie dont l’homme moderne a perdu l’habitude.

 
C’est en ces termes que je concluais mon article précédent consacré très logiquement à Jean- Baptiste car, dans cette histoire, il y a un début ; et ce début, c’est Jean, surnommé le Baptiste. Jean-Baptiste a ouvert la voie au christianisme ; Paul l’a mis sur les rails. Voilà les deux personnages importants qu’il faut comprendre, et cela dans l’implacable logique de l’ Histoire.
 

En l’an - 4, la fin du règne d’Hérode le Grand s’achève dans les troubles. Les opposants fuient Jérusalem et se rassemblent dans des mouvements de résistance qui portent les noms symboliques d’Anne et de Marie http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=49157.

Relégué injustement au rang des apocryphes, le Protévangile de Jacques, véritable appel aux armes annonçant un Jésus à venir, nous fournit le texte inespéré qui précède les évangiles tout en les expliquant.

En l’an + 30, Jean-Baptiste reprend cet appel aux armes de Jacques en proposant à la grande communauté des Esséniens une profonde réforme dans un manifeste rédigé dans le plus pur style des textes pesher de la tradition juive ... c’est l’évangile de Jean.

Car Jean n’est pas le quatrième évangile mais le premier. Contrairement à tout ce qu’on a dit, il n’est pas le résultat d’une longue gestation ; il a été écrit dans le feu de l’action. Il est l’évangile de Jean-Baptiste http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=38064.

Dans son sens caché, comme dans son sens littéral, l’évangile de Jean (Jean-Baptiste) nous révèle un étonnant précurseur. Et voilà qu’à travers son texte s’ébauche le Jésus qui doit venir pour sauver le monde.

Un Homme se dresse sur la croix. L’évangéliste le dit "Fils de Dieu".

Ce "Fils de Dieu", est-ce la communauté sainte rénovée par l’enseignement du Baptiste ? à Qoumrân ? Est-ce un membre élu de cette communauté ?

Cette communauté de disciples qui proclame la toute puissance de sa foi, qui refuse les idoles et les lois romaines au risque du sacrifice inévitable, est-elle le sauveur annoncé par les prophètes ? Ce messie qui doit venir est-il un membre de cette communauté qui s’apprête à monter sur la croix comme l’agneau... comme l’agneau qui doit ouvrir à l’humanité la porte du ciel ?

Pourquoi Jean-Baptiste a-t-il été décapité et non crucifié comme l’exigeait la loi de Rome ? Salomé qui dansa sa valse hésitation devant Hérode ne serait-elle pas l’ancien salut de Yahwé dont se réclamait les communautés juives revenues de l’exil de Babylone ? Pourquoi la tête du Prophète fut-elle présentée à la pro-romaine Hérodiade sur un plat d’argent ?

Et voilà qu’une communauté des bords du lac de Tibériade reprend le flambeau tombé à terre. C’est cette communauté - ses oeuvres témoignent en sa faveur - c’est celle-là qui va tenter de construire le royaume de Dieu. L’évangile de Marc est un immense effort pour évangéliser les rives du lac de Galilée. La parole de Dieu (Jésus) se répand même jusqu’à Jérusalem. Mais l’échec subi devant Nazareth marque la fin de cette tentative ambitieuse de réforme et il ne reste plus au Fils de l’Homme (la communauté de Marc) qu’à mourir sur la croix à la face de son Dieu.

Trois ans après, la grande communauté essénienne récupère le mouvement populaire. C’est l’évangile de Luc. Luc se souvient. Il rappelle le grand combat et le sacrifice des martyrs des évangiles précédents. Mais recherchant la conciliation avec le pouvoir en place, il tempère les critiques. Le calme succède à la tempête. La nouvelle voie étend son influence jusqu’à Antioche. Son succès dépasse toutes les espérances.

La crise éclate en l’an 48. Elle était prévisible. Forte de son nouveau pouvoir, la nouvelle église se dresse à Jérusalem avec une violence sans pareille contre les Pharisiens et les Sadducéens rassemblés pour la première fois dans le même sac de l’opprobre, ainsi que contre les villes qui ne se sont pas converties. C’est l’évangile de Matthieu... véritable mise à jour, quatrième manifeste, et encore plus percutant. Conséquence inévitable, la répression s’abat sur les communautés saintes des Esséniens. Jésus qui vit dans l’esprit des disciples monte de nouveau sur la croix ; et pour la première fois, l’historien juif Flavius Josèphe confirme que cette crucifixion a bien eu lieu « Tibère Alexandre fit crucifier Jacques et Simon, fils de Juda de Galilée, qui du temps que Cyrénius faisait le dénombrement des Juifs, avait sollicité le peuple à se révolter contre les Romains » (Josèphe ne donne que les noms des personnages importants).

Oui, pour comprendre, il suffisait de remettre dans l’ordre les élémen ts de cette tragique odyssée qui nous est parvenue comme un puzzle dans son écriture cachée. Il fallait percer le vrai sens de certains récits qu’on a placés un peu vite sur les rayons poussiéreux des textes apocryphes. Mais il fallait surtout se remettre dans la tournure d’esprit de ces hommes qui, voilà bientôt deux mille ans, ont écrit cette Histoire avec leurs espoirs, leurs larmes et leur sang. 

Malheureusement, l’humanité est devenue bête et elle disparaitra probablement avant de comprendre l’essentiel de sa pensée, mais aussi sa funeste erreur de départ du texte de la Genèse : le soyez féconds, le multipliez vous, le remplissez la terre, et l’assujettissez ; le dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre... funeste erreur !


 


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