Hommage ŕ Liu Xiaobo, mort pour la liberté

par Daniel Salvatore Schiffer
vendredi 14 juillet 2017

HOMMAGE A LIU XIAOBO,

MORT POUR LA LIBERTE

 

Le dissident chinois Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix, distinction qui lui fut attribuée le 8 octobre 2010, vient malheureusement de s'éteindre, victime d'un incurable cancer du foie, dans un hôpital d'une province au nord de la Chine, sans même avoir pu bénéficier, comme le préconisaient les médecins occidentaux, des soins nécessaires à son fragile état de santé. Mais ce qui, à notre conscience d’homme libre, rend cette mort d’autant plus révoltante et pénible à la fois, par-delà son indéfectible dignité, c'est que cet intellectuel de haute volée, dont l’un des maîtres à penser fut un autre célèbre opposant à la dictature communiste, Vaclav Havel, est mort après une effroyable agonie, subie presque entièrement en prison, d'où il n'aura été finalement libéré sous condition, après presque huit ans de réclusion, que tout récemment. C'est dire l'ignominie, plus encore que l'atroce et injuste sort sur le plan humain, que les autorités chinoises, impitoyables comme à leur triste habitude, lui auront infligée là, pendant autant de temps et, surtout, ces dernières et douloureuses années !

 

C’est, en effet, le 25 décembre 2009 déjà, date hautement symbolique puisque c’est le jour de la Noël pour la chrétienté, que Liu Xiaobo fut arrêté manu militari, sans ménagement ni même de procès, par les autorités politiques de son pays. Son prétendu « crime » aux yeux de ces infâmes tortionnaires d’un autre âge ? « Incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat » : accusation certes aussi grotesque que sommaire, à l’encontre de cet homme épris seulement de liberté, mais pour laquelle il fut néanmoins condamné, sans possibilité d’appel, à rien moins que onze ans d’incarcération !

 

DANS LES PAS D’UN AUTRE CELEBRE DISSIDENT : VACLAV HAVEL

 

Adieu, donc, très cher Liu ! Je regrette profondément, aussi sincèrement qu’amèrement, que tes pairs, ces frères d’armes philosophiques parmi lesquels j’ai l’honneur de me compter, n’aient pas pu te délivrer à temps, malgré leurs nombreux et incessants appels à ta libération (http://tempsreel.nouvelobs.com/opinions/20101008.OBS1022/tribune-liu-xiaobo-du-prix-de-la-liberte-au-prix-nobel-de-la-paix.html), de ce pan d’enfer sur terre où tes ignobles geôliers t’avaient aussi cruellement, aussi misérablement et aussi aveuglément, confiné. Honte à eux !

 

Rien n’est toutefois perdu pour toi, Liu, bien au contraire ! Car, comme l’écrivit un jour très justement un autre de nos amis naguère emprisonnés lui aussi pour ses seules idées, Vaclav Havel précisément, « l’amour et la vérité triompheront de la haine et du mensonge ». Cette lumineuse phrase, le cher Vaclav, à qui je venais de rendre visite chez lui peu de temps après sa propre libération de sa prison pragoise, la prononça, alors qu’il annonçait son heureuse candidature à la présidence de la Tchécoslovaquie, le 16 décembre 1989, soit un peu plus d’un mois, à peine, après l’historique et fracassante chute, advenue le 9 novembre 1989, du Mur de Berlin…

 

Ainsi, très cher Liu, puisse donc, en ce qui te concerne également, ton exemple de courage moral nous servir encore et toujours, sans jamais faillir face à nos combats pour cet imprescriptible droit qu’est celui de la liberté des peuples, de modèle pour tout humanisme digne de ce noble et beau nom : illustre et immortel comme, désormais, le tien !

 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

 

*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » et « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à Bowie » (Alma Editeur).


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