Hommage à un Héros : quelles mesures nationales efficaces après la mort du Lt-Colonel Arnaud Beltrame ?

par Renaud Bouchard
lundi 26 mars 2018

« Notre pays est miné au-dedans, attaqué au-dehors. L'étranger est chez nous, par infiltration souterraine.

Je vois le sentiment national débilité ou indécis, le défaut total d'esprit public, un conformisme du désordre qui a toute la sottise qu'il prête au conformisme de l'ordre.

Aucune indignation, aucune réaction seulement un peu vive de personne : la France est un fromage mou, où l'on entre, que l'on taille comme on veut.

On m'a reproché quelquefois de n'avoir pas beaucoup d'amour, mais j'ai de l'indignation qui est une forme de l'amour. »

Henry de Montherlant, Service Inutile, Paris, B. Grasset, mars 1935

« J’aime ceux qui font face. Et le mouvement même de faire face », écrivait Henry de Montherlant.

Moi aussi.

Monsieur le Président, Monsieur le ministre de l’Intérieur, Monsieur le Premier ministre, la France vous regarde et quelque chose me dit qu’elle n’attendra pas indéfiniment l’arme au pied.

Au moment où dans le grand relativisme général des choses on se prépare à « commémorer » Mai 68, où la profanation de la Basilique-cathédrale de Saint-Denis par un « collectif de sans-papiers » honteusement escortés d’un élu de la République ne suscite que des réactions de veulerie, où un quotidien se pourlèche les babines en saisissant l’occasion rêvée de mettre en cause l’institution militaire en pointant du doigt les dérives de certains, voici qu’un acte héroïque vient une fois de plus rappeler à la France et à ses citoyens qu’il existe encore des gens pour qui le fait de « servir » et de s’engager signifie simplement la possibilité d’être toujours prêt à n’importe quel moment à faire preuve de courage quitte à perdre la vie – leur vie –, pour défendre celles de leurs concitoyens.

On lira le bel article, simple, sincère, profond, que vient de publier le quotidien Sud-Ouest en hommage au lieutenant- colonel Arnauld Beltrame qui s’est livré à un assassin en échange de la libération d’un ou plusieurs otages, lors de l’attaque du Super U de Trèbes, vendredi 23 mars 2018, un acte d’honneur et de courage dont on voit que le ravisseur avait manifestement une haute idée en le tuant.

https://www.sudouest.fr/2018/03/24/attaques-dans-l-aude-qui-est-arnaud-beltrame-le-gendarme-tombe-en-heros-4311504-4697.php

On lira aussi l’hommage mérité que vient de lui rendre le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale :

« L’ensemble des drapeaux et étendards de la gendarmerie sera mis en berne aujourd’hui. Ce décès en mission nous rappelle la valeur de l’engagement qui est le nôtre, au quotidien, pour protéger la population.Toutes nos pensées accompagnent son épouse et ses proches. Richard Lizurey » GendarmerieNationale (@Gendarmerie) 24 mars 2018

II- Et ensuite ?

Hé bien ensuite on se dira que peu importent les déclarations du chef de l’État qui a rappelé le "sang-froid exceptionnel" et les "vertus militaires" illustrées de manière "éclatante" par le lieutenant-colonel Beltrame, des vertus dont il a fait preuve tout au long de son brillant parcours, "ses aptitudes au commandement, de sa disponibilité, de son infaillible implication qui étaient appréciées de tous, notamment dans le développement de la capacité contre-terroriste des unités de gendarmerie de l’Aude", comme l’a encore souligné le président.

"Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est mort au service de la nation, à laquelle il avait déjà tant apporté. En donnant sa vie pour mettre un terme à l’équipée meurtrière d’un terroriste djihadiste, il est tombé en héros" – Emmanuel Macron.

On se dira que peu importe encore cet hommage tristement convenu du ministre de l’Intérieur :

« Mort pour la patrie. Jamais la France n’oubliera son héroïsme, sa bravoure, son sacrifice. Le cœur lourd, j’adresse le soutien du pays tout entier à sa famille, ses proches et ses compagnons de la @Gendarmerie de l’Aude. pic.twitter.com/I1h8eO7f9a — Gérard Collomb (@gerardcollomb) 24 mars 2018

On se dira tout cela car par-delà cette fausse compassion, on aura compris que ces paroles démonétisées viennent en réalité de dirigeants politiques qui ont perdu toute légitimité pour les tenir.

On se dira encore que ces « belles paroles » creuses avec mines de circonstances, hommage national, cérémonie aux Invalides, minute de silence, sonnerie Aux Morts, citation à l’Ordre de la Nation, décoration posthume, discours de circonstance, drapeaux sur les cercueils, familles endeuillées, mots de consolation du Président ne serviront à rien, une fois de plus.

On se dira que si personne ne regrettera la mort d’un assassin auquel on n’aurait naturellement pas manqué, fût-il resté vivant, de trouver toutes les circonstances atténuantes pour comprendre et excuser son crime, chacun, comme tous les proches des victimes innocentes et du héros qui leur a sacrifié sa vie, aura en revanche à cœur de regretter l’affreuse disparition de ceux dont les trois vies furent fauchées en se rendant le plus simplement du monde par une belle après-midi dans un magasin : Jean Mazières, Christian Medves et Hervé Sosna.

Le fait est que la situation, dans sa froide vérité, est bien en effet une fois de plus celle de la reconnaissance et de l’aveu explicites d’une immense incompétence, d’une immense incapacité et pour dire les choses, d’une absence de courage de la part de ceux qui - politiques -, devraient avoir à cœur de défendre la France et ses citoyens et qui ne le font pas, n’ayant pas le courage de désigner clairement l’ennemi - la peste islamique -, et de prendre sans faillir, sans trembler, la seule décision qui s’impose désormais depuis trop d'années et qui consisterait, après avoir très clairement identifié l’ennemi intérieur, de décider de l’éliminer froidement et sans état d’âme avant qu’il n’agisse.

Ainsi éviterait-on d’entendre une fois encore la réponse du ministre de l’intérieur Gérard Collomb à propos de l’assassin Redouane Lakdim, Marocain de 26 ans, fiché S depuis 2014…

« C’était un petit délinquant, il était connu pour deal de stupéfiants mais on ne pouvait pas dire qu’il allait être un radical qui allait passer à l’acte ». ​‌« Nous l’avions suivi et nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation, mais il est passé à l’acte brusquement. »

Un "chic type", sans doute, certes un peu "dealeur" à ses heures perdues, mais souriant, aimé de ses voisins, pieux, bon musulman, menant par ailleurs une vie exemplaire, sans embrouilles, prévenant avec les vieilles dames, jamais avare d'un coup de main, animateur de la section sportive du coin et qui "avait des tas de projets", dira-t-on peut-être encore au sujet d'un criminel déjà passé par la case prison et dont la place n'aurait jamais dû être en France.

« Nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation, mais il est passé à l’acte brusquement..."

Fatalitas ! Vous pensiez, M. le ministre, mais vous pensez mal et voilà que vous vous êtes trompé, tout comme vos prédécesseurs, comme si vous ne saviez pas ce qu’il en est réellement du comportement de ce type d’individus que d’autres ont parfaitement identifié et prévu.

Un officier est mort en héros. Des citoyens français ont été assassinés. D'autres ont été blessés.

Une sorte de "faute à pas de chance", n'est-ce pas ? ou encore de circonstances malheureuses imputables au danger qu'il y aurait pour chacun d'entre-nous de "se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment, face aux mauvaises personnes", sans doute, comme dans la vie quotidienne ? et de ne pas avoir compris que "nous devrions nous habituer à vivre désormais face au terrorisme", comme l'avait en son temps déclaré M. Manuel Valls...

http://www.lefigaro.fr/politique/2015/01/23/01002-20150123ARTFIG00199-valls-aux-adolescents-habituez-vous-a-vivre-avec-le-terrorisme.php

III- L'explication est irrecevable. Elle l'est tout autant que l'étalage d'incompétence-crasse, de veulerie, de pusillanimité, de refus de tirer les enseignements d'une réalité aveuglante face à un comportement qui fait quotidiennement le lit du cancer et des métastases qui affaiblissent le pays.

Et quant à tous ceux qui vont bientôt sortir de prison, va-t-on là encore "anticiper" ou laisser courir, comme à l'accoutumée, dans l'attente de voir plusieurs centaines de fauves motivés par une volonté de vengeance prendre le contrôle de ce qu'ils considèrent comme étant la savane, leur savane, leur jungle : la France, et d'y faire couler le sang ?

http://www.europe1.fr/societe/la-france-bientot-confrontee-au-probleme-des-djihadistes-liberes-3529310

"Tous les détenus radicalisés quittant la détention ont vocation à faire systématiquement l'objet d'une 'note de signalement' diffusée aux services de renseignement partenaires, promet-on au ministère de la Justice. On essaie d'anticiper chaque sortie", confirme-t-on Place Beauvau.

"Pour chaque individu, un service leader est désigné. A charge pour lui de 'lever le doute' ou de confirmer la dangerosité avant de faire le nécessaire : écoutes, surveillance, fiche S…" Près de 12.000 personnes inscrites dans le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) font déjà l'objet d'un "suivi actif" de la part des services. "

http://www.lejdd.fr/societe/dici-2020-60-des-revenants-djihadistes-seront-liberables-3528950

On a vu ce qu'il en était de l’efficacité de toutes ces mesures cosmétiques, comme si un bracelet électronique, une assignation à résidence ou un "fichage" pouvaient empêcher quiconque d'enfreindre une mesure d'interdiction ou l'empêcher de commettre un crime.

Qui peut sérieusement croire qu'il existe des effectifs suffisants pour surveiller 12000 personnes, leurs complices, leurs familles, leurs amis, leurs sympahisants ?

Mais le meilleur est encore à venir car nous n'avons pas encore vu ce qu'une lecture attentive des indications qui suivent peut laisser entrevoir au regard de l'inflation des "cas à traiter".

Réalise-t-on bien en effet qu'entre 2014 et 2016, le nombre de saisines de C1, la section antiterroriste du parquet de Paris – appelée à devenir un parquet national antiterrorisme – a tout simplement été multiplié par trois, passant de 78 à 240 ?

Sait-on bien qu'à la date du 18 décembre 2017, voici donc trois mois, pas moins de 473 dossiers étaient toujours en cours, soit à l'instruction (245), soit en enquête préliminaire (228), pour 174 déjà clôturés ? (Au point que cette hausse considérable pourrait conduire le ressort de la cour d'appel de Paris à se doter d'une cinquième section d'assises et d'une chambre d'appel supplémentaire).

Sait-on encore que toujours à la date du 18 décembre 2017, alors que 225 personnes avaient déjà été jugées, 424 individus étaient mis en examen dans des dossiers liés au terrorisme islamique et 810 – dont certains sont probablement décédés – étaient visés par un mandat d'arrêt ou un mandat de recherche ?

Sait-on que les procédures concernent également une centaine de mineurs ?

Comment croire que "les spécialistes" puissent sérieusement "s'accorder à dire" selon l'expression bien connue, " qu'à l'exception de femmes et d'enfants – qui devront être pris en charge –, (et sans doute « réinsérés », avec les excuses de la République, sans doute) "il n'y aura pas de retour massif de djihadistes, ces derniers – environ 700 Français ou résidents signalés dans la zone – préférant combattre jusqu'à la mort sur place ou se relocaliser sur d'autres fronts (Afghanistan, Lybie, etc.) ?

Lire en ce sens http://www.lejdd.fr/societe/dici-2020-60-des-revenants-djihadistes-seront-liberables-3528950

Conclusion temporaire

Il serait en effet intéressant, prudent et salutaire pour le Chef de l’État, son ministre de l’Intérieur et surtout le Premier ministre, chef du gouvernement, constitutionnellement chargé de déterminer et conduire la politique de la nation, qu’ils aient rapidement une idée très précise des sentiments profonds qui traversent très certainement les effectifs de la Gendarmerie Nationale (101.000 membres), mais aussi ceux de la Police nationale (145.500 membres) , ceux des Forces armées (330.000 membres) comme une grande majorité de Français, lesquels, bien que fidèles et particulièrement légalistes, doivent certainement se dire - et cela commence à faire beaucoup de monde -, qu’il est urgent d’arrêter les machines et de déclarer très officiellement qu’il est grand temps d’extraire la racine du mal et de se débarrasser des éléments nuisibles que la France aura trop longtemps supportés sur son territoire, par la faute et avec la complicité comme l'aveuglement et la faiblesse de ses dirigeants, avec une patience admirable.

Ainsi la mort héroïque du Lt-Colonel Beltrame comme celle des autres malheureuses victimes n’aura-t-elle pas été un service inutile.

« J’aime ceux qui font face. Et le mouvement même de faire face », écrivait Henry de Montherlant.

Moi aussi.

Monsieur le Président, Monsieur le ministre de l’Intérieur, Monsieur le Premier ministre, la France vous regarde et quelque chose me dit qu’elle n’attendra pas indéfiniment l’arme au pied.

 

Sources :

Sur Montherlant

https://www.fabula.org/colloques/document1316.php

https://www.lexpress.fr/culture/livre/montherlant-demode_798562.html

Article du quotidien Sud-Ouest

https://www.sudouest.fr/2018/03/24/attaques-dans-l-aude-qui-est-arnaud-beltrame-le-gendarme-tombe-en-heros-4311504-4697.php

"Accoutumance" au terrorisme

http://www.lefigaro.fr/politique/2015/01/23/01002-20150123ARTFIG00199-valls-aux-adolescents-habituez-vous-a-vivre-avec-le-terrorisme.php

Libération des djihadistes

http://www.lejdd.fr/societe/dici-2020-60-des-revenants-djihadistes-seront-liberables-3528950


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