Hôpitaux psychiatriques, ultimes arme de bienséance ?

par Michel Koutouzis
samedi 20 février 2010

 Il fut un temps, c’était l’époque des goulags, ou le régime soviétique envoyait chez les fous ses opposants politiques. En effet, il fallait être dérangé pour ne pas adhérer à l’espoir obligatoire de la dictature du prolétariat. Encore très jeune, dans des soirées branchées à Athènes on écoutait pour s’éclater radio Tirana et sa vision paranoïaque du monde, oubliant dans notre insouciance juvénile que pour le peuple albanais, cette vision du monde était leur réalité non opposable. C’est loin tout cela, on oublie vite surtout que nous sommes submergés, ces derniers trente ans, par la cascade d’événements géopolitiques qui ont changé notre monde. C’est peut-être pour cela que les excuses de Tiger Woods, après celles de tant d’autres qui se auto accusent de trop fumer, trop boire, trop baiser, trop tromper leurs femmes, nous font sourire. Pas moi. Qu’un athlète fasse son mea culpa de « over sex » auprès de ses sponsors (par le biais de ceux faits à sa famille), qu’il déclare qu’il va « se soigner » dans une institution spécialisée aux addictions, me donne, au contraire, la chair de poule. A l’heure qu’il est, je n’ai pas encore entendu un de nos philosophes, anthropologues, sociologues et tutti quanti s’offusquer, sonner la sonnette d’alarme contre cette dictature du politiquement correct qui, par des armes financières et de « bien pensance », renvoie ses élites télévisuelles se faire soigner la tête. Est donc socialement fou quiconque ose vivre intensément ses désirs, ses envies, ses sens, malgré le fait que l’ensemble des superstructures idéologiques (on a les mythes que l’on mérite) fait leur éloge.
 

La télévision peut allègrement faire l’éloge de rouge à lèvres scandale, de parfums opium, de café désir, d’after shave androgynes, de sodas éjaculatrices et j’en passe, elle ne critique pas moins les héros de notre temps (artistes, acteurs, athlètes etc.) qui les prennent au mot. Pire : les sponsors qui utilisent ces héros les punissent dès lors qu’ils passent de la promotion au fait (accompli). Ne nous trompons pas : cette mise en marche schizophrène ne les concerne pas exclusivement. Les consommateurs d’images et de valeurs encadrées (nous tous) sont priés de vivre cette dualité où il est permis de fantasmer mais interdit de vivre. Conduire désormais une voiture « urbaine » ou gonflée à bloc, telle qu’on vous le propose, peut vous conduire en prison, ou pire, chez le psy. Dans le monde tel qu’il se dessine, il y aura plus désormais des délinquants, mais des malades. Malades de prendre au mot ce qu’on lui propose ou d’assouvir sa frustration de ne pas pouvoir l’avoir. A moins de créer un avatar dans une autre vie électronique. Mais attention, même là, la police de moralité a installé des succursales…


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