Hortefeux : une défense à géométrie variable
par Imhotep
samedi 12 septembre 2009
L’article que j’avais écrit était court car il me semblait que cette vidéo se suffisait à elle-même, cependant il est impossible de taire les circonstances peu reluisantes de celle-ci et de ne pas s’attaquer à une défense à géométrie variable du ministre des basses œuvres et manœuvres qui est contredite de façon indubitable par l’intégralité des images diffusées par la chaîne Public Sénat.


Avant de revenir sur les images-mêmes et sur la défense de Brice Hortefeux, défense qui a utilisé successivement deux arguments différents dont aucun des deux ne tient la route une seconde, il faut revenir à l’histoire de cette vidéo qui nous est révélée, entre autre, par Olivier Toscer ici.
Dès la publication par le Monde de cette vidéo ces images ont rapidement été cataloguées comme volées - et comme si le fait qu’elles le fussent auraient changé quoique ce soit à leur contenu. Ainsi en serait-il d’images policières d’un escroc qui n’auraient pas de valeur démonstrative de la crapulerie de son auteur si elle étaient « volées » ? - avec cette technique UMP bien connue de discréditer la source pour en discréditer le contenu. Du reste Jean-François Copé, le magnifique, a insisté pour dire que c’était avec un téléphone portable. J’espère qu’à la suite de ce qui suit il va en avoir suffisamment honte pour faire des excuses publiques aux deux chaînes parlementaires. Ces images ont été prises par une équipe missionnée par les deux chaînes parlementaires Public Sénat et LCP. Elles ont mis leurs moyens en communs pour aller filmer les journées UMP à Seignosse. Il ne s’agit donc ni d’images volées, ni de téléphone portable et ce en plus au vu et au su des deux protagonistes (des trois) Copé et Hortefeux. On verra dans le journal télévisé de Public Sénat la journaliste dire que les deux amis ont chacun jeté un coup d’œil à la caméra, ce qui veut dire qu’ils savaient sa présence.
Les deux Leclerc (Gilles pour Public Sénat et Gérard pour LCP) ont chacun à leur tour refuser de diffuser ces images pour des prétextes qui sont fantaisistes pour l’un et pseudo-moraux pour l’autre. La vérité est donc que ces deux chaînes dépendant des élus du peuple ont volontairement voulu cacher ces images aux Français ce qui, là aussi, demande des explications et des sanctions.
La première censure vient de LCP et de son patron qui argue qu’il manque de temps pour contacter le ministre et contextualiser ces images(« A 21h30 [dimanche, ndlr], je découvre qu’une équipe de Public Sénat a tourné de son côté cette fameuse séquence où Brice Hortefeux lâche cette phrase. Et donc on se concerte avec Gilles Leclerc (patron de Public Sénat, NDLR). Mais nous n’avons pas le temps matériel de faire un sujet autour de cette séquence. Nous ne pouvions pas diffuser la séquence comme telle, sans recontextualiser et sans incruster des sous-titres. On prend donc la décision de ne pas la diffuser ».). Argument totalement invalide car cette vidéo n’est pas publiée ni le lundi soir, ni le mardi soir, ni le mercredi soir, ni le jeudi soir ni même le vendredi soir lors d’un journal. Entre le dimanche et le mercredi soir, veille de la publication par le Monde, il avait largement le temps d’avoir le ministre au téléphone.
La seconde censure vient de l’autre patron, celui de Public Sénat (il faut savoir que les deux se sont bien sûr téléphonés). Il argue que cela est une responsabilité qu’il ne veut pas prendre car les propos sont saisis à la volée et cela risquerait de stigmatiser une population (Contacté par Liberation.fr, Gilles Leclerc, PDG de Public Sénat explique avoir pris la décision de ne pas les diffuser car cela « aurait représenté une lourde responsabilité vis-à-vis d’une certaine communauté. »). Les journalistes sont pour la publication et demandent des explications écrites à Leclerc (texte ici). Et alors que ces images viennent d’une équipe de Public Sénat, cette chaîne bien que les grandes autres télévisions montrent la vidéo sauf TF1, non seulement ne montrent pas la vidéo mais donne en seul contre-point les déclarations d’Hortefeux (En interne, la rédaction de Public Sénat s’étonne également qu’après avoir renoncé, dimanche, à diffuser les images du dérapage, Brice Hortefeux ait bénéficié d’une invitation à venir présenter sa version des faits jeudi soir dans le journal de 22 heures de Public Sénat. « Scandaleux », estime notre source.) Libération. Cela fait hurler les journalistes qui fait un communiqué :
11/09/09
Communiqué de la SDJ de Public Sénat
Comme l’a fait savoir notre direction, Public Sénat a bien enregistré la séquence mettant en cause Brice Hortefeux aux universités d’été de l’UMP à Seignosse.
Gilles Leclerc a décidé de ne pas diffuser ces images. Une large majorité de la rédaction était pour les passer.
Suite à une AG tenue dès mardi soir, une lettre a été adressée à Gilles Leclerc dans laquelle nous lui faisons part de notre incompréhension et lui demandons de répondre à un certain nombre de questions concernant sa vision de la ligne éditoriale de Public Sénat vis-à-vis des politiques et du pouvoir.
Le bureau de la SDJ.
On voit donc que cette affaire en contient trois :
- les propos d’Hortefeux
- le comportement de deux chaînes dépendant des deux assemblées représentant théoriquement le peuple qui occultent volontairement des informations contre la nécessaire mise au jour de propos inacceptables et contre ses propres journalistes
- les explications d’Hortefeux et les lignes de défense du gouvernement, de l’UMP, du premier ministre.
Les deux premiers éléments ayant été traités, je vais m’atteler au dernier. On a vu qu’au delà du fond la forme a voulu être discréditée : images volées. On voit que même le directeur de Public Sénat, lui-même, alors qu’il ne s’agit d’aucun vol d’images et, comme dit plus haut, quand bien même cela serait cela ne changerait en rien le caractère scandaleux des propos tenus - et qu’en est-il de la fameuse transparence gouvernementale ? - met en cause la diffusion de la vidéo pour cette raison de forme de l’obtention des images. Copé va jusqu’à dénier une réalité en parlant de téléphone portable alors que les preuves sont là qu’il s’agit bien d’une caméra et que la chaîne public Sénat les diffusent en le confirmant. Ils n’ont peur de rien à l’UMP (Union Pour le Mensonge). Evidemment immédiatement après c’est Internet qui est en cause, le lieu de tous les vices (cf les wouaf wouaf(s) de Lefebvre). Après le dénigrement du moyen d’avoir pris ces images (en plus mensonger) voilà que c’est leur diffusion qui mis en cause : Jean-François Copé s’en est pris au traitement journalistique de cette affaire, estimant que "si on met sur un pied d’égalité des images comme celles-ci avec des vrais reportages, il y a un risque de discrédit pour votre profession [les journalistes] et la nôtre [les hommes politiques]. Cela ouvre le débat du rôle qu’on doit laisser à Internet dans la diffusion de telles vidéos", a-t-il avancé. Le Monde
Mais heureusement Internet devient une sorte de rempart contre le silence coupable. Internet - et ce n’est pas la première fois - qui pousse les lâches et les inféodés à faire apparaître un peu de vérité. Et même s’il est vrai qu’Internet est une arme effilée à double-tranchant, Internet engendre au moins ses propres anti-corps car il y a toujours quelqu’un quelque part pour trouver une faille et que lorsque le mal est fait il ne reste jamais absolu (je ne parle pas des crimes ou autres mais de vérités et de mensonges). Cette diffusion tardive par les télévisions, la non diffusion par TF1, de cette vidéo va mettre un peu plus à mal la crédibilité de ceux qui sont censés nous informer et va par contre coup donner la part belle au poison qui par ailleurs fait du dégâts que tout est faux du moment que c’est à la télévision. En tout cas à la suite du reportage sur Faurécia par la RTB cette nouvelle affaire ne va qu’amplifier l’impression qu’en France nos journalistes sont en-dessous de tout.
Il faut noter que sarkozy, lui, s’en fout complètement. A la suite d’une question d’un journaliste voici sa réponse (Le Post) : "Moi, j’essaye vraiment de me concentrer sur mon travail. Je demande à chacun de le faire. Il y a tellement de réformes, tellement de difficultés... Ce que j’en pense, c’est que j’ai vraiment peu de temps à perdre avec ça", a conclu le chef de l’Etat, selon LCI.fr. A son habitude, lui il travaille et donne au passage une leçon aux autres de faire le leur. Pour le coup il a raison les journalistes de TF1 auraient dû faire le leur. On voit comment il traite cette affaire qui pourtant secoue quelque peu le monde politique. Comme d’habitude il traite tout ce qui le gêne par le mépris, l’agressivité et l’arrogance.
Hortefeux a usé de deux défenses succinctes et successives qui ne cardent pas avec le cadrage des images et du son. Tout d’abord il aurait parlé de photographes, ou de clichés. En étudiant les propos cela ne tient pas debout une seconde. Le sens même des phrases ne voudrait rien dire. Quelle signification aurait le mot prototype pour un cliché dans le contexte ? Et même en français prototype et cliché sont synonymes au figuré.
En second argument Hortefeux explique qu’il parlait en fait d’Auvergnats. Rien que le fait qu’il change d’argument prouve que ceux-ci ne valent pas tripette. Car il ne peut s’agir à la fois de clichés, de photographes et d’Auvergnats. Cela seul suffit à prouver que ces réponses sont nulles et non avenues. Mais, pas chien, il faut aller au fond des choses. Et avec la diffusion intégrale de la séquence plus aucun doute n’est permis. Plus aucun. Il n’y a pas comme l’aurait dit le comparse involontaire de cette très triste farce des coupes bien faites pour piéger le ministre. Petit aparté : ce n’est pas parce que ce charmant jeune-homme ne se sent pas attaqué que c’est un argument. Il ne peut répondre pour l’ensemble des personnes concernées et il est pris dans une affaire qui le dépasse. On connaît le syndrome de Stockholm. Et que peut-il dire d’autre ? Il est militant UMP, cela vous dit quelque chose ? Il a son quart d’heure de gloire, il veut une photo avec le ministre de l’intérieur et des ordures, il ne va quand même pas cracher dans la soupe. Il se sent choyé, qu’on bouscule le respect et la morale n’est pas son problème. Et il est sincère je suppose dans ses déclarations. Sa vidéo à lui est-elle volée ? On le voit qui hésite. L’émotion ? ou un trou de mémoire ?
Voici la retranscription de la vidéo en gras les propos d’Hortefeux et soulignés les mots précédant ses réponses qui ne permettent aucun doute quant à quoi elles se réfèrent. Le commentaire de la journaliste ne laisse aucun doute également sur le fait que les deux lascars savaient car elle précise que le caméraman attend la fin de la conversation pour pouvoir les interroger plus tard ce qu’il fera. On voit au début des images les deux coups d’œil furtifs d’abord d’Hortefeux, puis de Copé vers la caméra qu’il regardera plus tard encore plus franchement une seconde fois. On comprend mieux pourquoi Copé défend l’ami de son ennemi politique interne car il est mouillé par sa complicité, ses rires. Il est coupable par non dénonciation et par participation passive ou semi active puisqu’il rit.
- Monsieur le ministre c’est possible de faire une photo s’il vous plaît ? (Amine)
- Ah non parce que moi, passées les 20 heures, je ne suis plus payé.
Rires
- N’oubliez jamais un truc, il est Auvergnat (Copé)
- Je suis Auvergnat …
- Il est Auvergnat (Copé)
- inaudible
- C’est un drame ! (Copé)
- C’est un drame
- Bon enfin, je vais faire une exception
- Bon moi je me mets entre les deux (Amine)
- Oui parce que moi, il y a aucun problème, moi je suis très facile (Copé)
- Oh Amine, Amine, Amine Bravo (un illustre inconnu)
- Amine, mine (des voix féminines)
- Ah ça Amine, ça, c’est l’intégration à, ça c’est l’intégration ! (inconnu)
- Amine franchement (inconnue)
- Il est beaucoup plus grand que nous, ça va pas du tout !
- inaudible (Copé)
- Lui il parle arabe ! (inconnu)
Rires
- Ne vous laissez pas impressionner (Copé)
- Ces des socialistes infiltrés (inconnu)
- On l’aime bien (inconnue)
- Il est catholique (idem)
- il mange du cochon et bois de la bière (idem)
- Ah oui (Amine)
- Ah mais ça ne correspond pas du tout au prototype alors. C’est pas du tout ça !
Rires
- c’est notre petit arabe (même inconnue)
- Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. Allez bon courage.
La succession des phrases ne laisse aucun doute. Maintenant nous attendons :
Plainte des diverses associations.
Et par la nouvelle jurisprudence Hortefeux mise à la retraite d’office sans solde de lui-même par lui-même.