Humour et politique

par Denis Langlois
vendredi 9 mars 2007

La campagne électorale manque singulièrement d’humour. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sarko, Sego, Bayrou, Le Pen et Cie ne sont pas des rigolos. On se prendrait à regretter les saillies volontaires ou non d’un Georges Marchais ou le programme surréaliste d’un Ferdinand Lop qui promettait de supprimer les wagons de queue dans les trains et de prolonger le Boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer.

Il se trouve que personnellement, depuis plusieurs années, après avoir écrit des livres sérieux comme « Les Dossiers noirs de la police française » et « Le Guide du militant », j’écris des aphorismes, ou plutôt des pensées hasardeuses, que j’espère humoristiques. J’en publie régulièrement dans des revues. Histoire d’égayer cette campagne décidément tristounette, je vais extraire en vrac de ma production quelques textes concernant la politique. Je compte sur les réactions des lecteurs, mais surtout sur leur indulgence. L’humour comme l’art est difficile. Heureusement il y a bien longtemps que le ridicule ne tue plus personne.

La plus douloureuse expérience que peut faire un militant politique, c’est de se tromper de meeting, d’assister à la réunion d’un parti de droite, quand on est de gauche et vice-versa, et de ne s’en apercevoir qu’en sortant.

"Prépondérance espagnole", "prépondérance française", "prépondérance anglaise", "prépondérance américaine". Personne n’avait prévu qu’un jour le Liechtenstein dominerait le monde et que sa prépondérance serait aussi difficile à prononcer.

Un réformateur peut-il laisser les cabinets dans le même état qu’il les a trouvés ?

Les riches n’ont pas de chance. On vole davantage les voitures de sport Ferrari à injection automatique que les chaussures de marche Pataugas en toile imperméabilisée.

On n’agit que parce que l’on ne connaît pas ses motivations profondes. Qui oserait se présenter à l’élection présidentielle s’il savait que c’est pour se venger de s’être fait piquer son seau à faire des pâtés de sable dans la cour de la maternelle ?

La faiblesse des idéologies révolutionnaires (et de bien d’autres) par rapport aux religions, c’est qu’elles promettent un paradis sur terre et que l’on peut vérifier le résultat.

Il voulait mourir pour des idées, le sort qui à ses yeux avait le plus de panache. Il ne lui restait plus qu’à trouver des idées.

Dieu est mort, Marx est mort, le veau d’or est mort. Mais le plus emmerdant, c’est que le moteur de ma camionnette est mort.

Il était curieux de tout. Au moment des élections, il s’intéressait non seulement à la couleur des bulletins de vote, mais aussi aux résultats.

Aussitôt sa soupe avalée, son dîner expédié, il piquait du nez dans son assiette. Il comprit que le Grand Soir n’était pas pour lui et renonça à adhérer à la Ligue communiste révolutionnaire.

Grand-père a fait les barricades de la rue Gay-Lussac. J’aime bien quand ses copains de mai 68 viennent à la maison. Sur la toile cirée de la cuisine, ils reconstituent la bataille en alignant des allumettes, des cigarettes et des capsules de bouteilles. Mais ce que je préfère, ce sont les cars de police qui sont représentés par des paquets de chewing-gums.

La classe ouvrière est une catégorie sociale qui présente cette particularité de n’exister que deux mois tous les quatre ou cinq ans au moment des élections.

Il sentit passer tout près de lui le vent de l’Histoire et courut chez Hermès acheter une écharpe en cachemire.

Fabriquer des gadgets inutiles pour acheter d’autres gadgets inutiles que les autres fabriquent, c’est assurer l’avenir des éboueurs et des gestionnaires de décharges.

On ne dira jamais assez la vertu enthousiasmante des textes révolutionnaires. "L’Internationale" a suscité beaucoup plus de vocations aventureuses que le "Manuel des fonctionnaires titularisés et assermentés du département de Saône-et-Loire".

Le désir de changer le monde est toujours pris de vitesse par l’urgente nécessité de changer le joint de la machine à laver qui fuit.

Quand il arriva au pouvoir, il fit une déclaration surprenante : "Je dirai toujours la vérité". Sur les paquets de cigarettes, il y avait déjà inscrit en grosses lettes "Fumer tue", il imposa la même chose sur les bouteilles d’alcool "Boire tue" et sur les voitures "Conduire tue". Pourquoi ne fut-il pas réélu quand il envisagea de tatouer sur la peau des nouveaux-nés "Vivre tue" ?

Le contre-pouvoir renversa le pouvoir et l’on commença à se demander comment renverser le contre-pouvoir.

Avoir été assassiné est pour un Président la seule façon de rester quelques décennies dans l’Histoire.

Les guerres s’arrêtent généralement quand les chefs s’aperçoivent que le dernier hélicoptère qui leur permettra de fuir risque de ne pas pouvoir décoller.

"Je ne suis pas candidat". Tout le monde comprit qu’il allait se présenter.

Il est incontestable que les footballeurs ont beaucoup plus la cote que les hommes politiques. Avez-vous déjà vu les vignettes-photos de l’équipe ministérielle proposées dans les boîtes de "Vache qui rit" ?

Lorsqu’il s’aventurait à parler politique dans un repas de famille, sa femme lui décochait discrètement mais fermement un coup de pied dans les chevilles. La dernière campagne électorale fut terrible pour lui. Il la termina à l’hôpital avec un oedème aggravé.

Le problème majeur de notre société, c’est que les pauvres ont envie de devenir riches et que les riches ont envie de rester riches.

N’avouez jamais, on pourrait vous croire.


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