Hydroxychloroquine : deux questions cruciales restent sans réponse

par Jean-Paul Tisserand
mercredi 3 juin 2020

Cette tribune libre, publiée à titre strictement personnel, ne saurait engager en rien le Centre national des indépendants et paysans.

L’hydroxychloroquine (ou chloroquine) fait ces jours-ci l’objet de contestations et de contre-contestations d’une importance extrême, avec le célèbre article du Lancet et les critiques dont il fait l’objet, de la part de partisans comme d’adversaires du protocole Raoult. Au-delà, cette nouvelle controverse, qui donne aux autorités de nombreux pays du monde (dont la France) un bon prétexte pour interdire tout traitement à la chloroquine, m’amène à évoquer deux questions de bon sens.

 

Le taux de mortalité du coronavirus serait faible, de l’ordre de 1 à 2 % des personnes infectées. Le Pr Raoult, dans une étude contestée, a trouvé un taux de mortalité de 0,5 % chez les patients âgés. D’autre part, on a mis en avant le fait que les effets secondaires du protocole Raoult, éventuellement mortels dans certains cas, enlèveraient tout bénéfice thérapeutique à ce traitement, l’idée, simple au fond, étant que tout ce qui serait éventuellement gagné grâce à lui serait plus ou moins perdu à cause de ses effets secondaires. La difficulté du bilan est accrue par ce fait que le coronavirus est une maladie à faible taux de mortalité – ce fait étant lui-même contrebalancé par son caractère hautement contagieux, qui eût fait monter le nombre des morts à plusieurs centaines de milliers dans un pays tel que la France, dans l’hypothèse où aucune mesure sanitaire n’eût été prise.

 

Cela étant, le taux de mortalité du virus est extrêmement variable en fonction de l’âge. Il est donc clair, d’un simple point de vue logique, qu’il serait absurde d’administrer le protocole Raoult à des patients jeunes s’ils sont infectés sans présenter de symptômes graves, car il leur ferait probablement courir plus de risques que le coronavirus lui-même. Le cas des patients âgés (et bien sûr ne présentant aucune contre-indication à l’utilisation de la chloroquine) suscite bien d’autres interrogations. En particulier, il est probable que, si le taux de mortalité du coronavirus croît avec l’âge, le taux de mortalité éventuellement lié aux effets du protocole Raoult croît lui aussi de la même manière. Mais si cette croissance suit un rythme plus rapide pour le premier taux que pour le second, il est possible de déterminer un âge à partir duquel le protocole Raoult aurait un bénéfice thérapeutique indiscutable.

 

Un autre point est celui de l’usage de la chloroquine en quantités normales, selon le protocole antipaludique classique. Différents médecins soulignent, de façon très crédible, que les effets secondaires de la chloroquine augmentent très rapidement (c’est-à-dire plus que proportionnellement) avec les doses consommées, et que l’association entre la chloroquine et l’azythromycine en augmente elle aussi très fortement les effets secondaires. Cela peut être extrêmement dissuasif pour un patient qui se sait infecté sans avoir pour l’instant développé la maladie, et plus encore pour une personne qui ignore être infectée ou non. Dans ces deux cas, on peut s’interroger sur l’intérêt de prendre de la chloroquine en se limitant aux doses prescrites dans le cadre d’un simple traitement anti-paludique, qui a été administré à de très nombreux patients depuis des décennies. D’aucuns veulent y trouver la raison pour laquelle on a observé peu de cas de coronavirus dans les régions les plus chaudes de la planète, où la consommation de la chloroquine est plus développée ; d’autres y voient plutôt le rôle de la chaleur elle-même, qui serait néfaste au coronavirus. En tout cas, lorsque Donald Trump, dont on se gausse systématiquement sans plus savoir pourquoi, déclare en avoir consommé à titre préventif, il s’agit bien plus probablement d’une consommation suivant les doses classiques d’un traitement antipaludique, que d’une consommation élevée similaire à celle du protocole Raoult.

 

Il est étonnant que presque rien n’ait été dit sur ces deux questions, qui devraient être centrales dans la réflexion sur l’utilisation contre le coronavirus de la chloroquine, associée ou non à l’azythromycine. N’étant pas médecin, et encore moins spécialiste en épidémiologie, je peux méconnaître les recherches qui auraient été faites dans ces directions. Si tel était le cas, les opinions que j’exprime ici pourraient être complétées ou réfutées autant que l’on voudra. Mais un tel manque d’information serait aussi le signe d’une grande carence de la communication au sujet d’une question qui concerne chacun de nous, et que trop de scientifiques auraient voulu réserver à un cénacle de spécialistes, en laissant le public dans l’ignorance la plus absolue.

 

 

Jean-Paul Tisserand

 


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