« Il est beau mon facho, il est beau ! »

par Bloom Ulrich
jeudi 13 juin 2013

Ou comment l’extrême-droite ne manque pas de sinistre fraîcheur, même quand sur les réseaux sociaux elle se prétend "ni de droite ni de gauche". Il est bon mon nazillon, il est bon !

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Rassemblement Saint-Michel

Le cas Le Pen®

Commençons par le cas Marion Anne Perrine, dite Marine : elle affirme que l’entreprise familiale Le Pen® n’a « aucun rapport » avec les crânes rasés des JNR liés à la mort de Clément Méric. Sur les plateaux, à l’instar d’un Christophe Barbier (L’Express), on ne se risque guère à la contredire, quand bien même il est évident que la présidente du FN semble oublier volontairement 4 points :

1/ le FN soutiendra prochainement, aux élections municipales, l’illustre Robert Ménard, fondateur de l’asso Reporters sans frontières (c’est dire à quel point l’idéologie des Le Pen® a infiltré les milieux journaleux…) ; ce même Ménard qui, le 15 mai de cette année, se livrait à une conférence de presse au sein du « Local », siège des JNR ;

2 / Marion Anne a déjà visité en personne le Local des JNR, à l’occasion d’une soirée où l’on mange des « cochonnailles » et où l’on écoute de la musique « européenne » - il est vrai que d’un point de vue rigoureusement musical, Marion Anne est familière des valses de Vienne dansées au pas de l’oie. En outre, elle ne s’est pas offusquée, lors de sa visite, des sanguinaires peintures néo-nazies qui ornent le Local. (Voir photos et explications ici.) Et nul journaliste ne l’interroge à ce sujet.

3/ Ensuite, Marion Anne ne s’étend guère sur la visite des JNR à Henin Beaumont durant la campagne des législatives. Elle oublie avoir salué le leader des JNR Serge Ayoub au même titre qu’elle ne se souvient évidemment pas de cette déclaration sans ambiguïté du dit patron : « Je suis particulièrement content que la locomotive qu’est le FN marche parce que les wagons suivront ». Ah, les bons vieux convois ferrés de l'extrême-droite... Un trait d'esprit ne tue personne !

4/ Enfin, les Le Pen® viennent d’investir, comme candidat FN aux municipales à Nantes, un ex de IIIème Voie, bande de petits copains des JNR. Mais toute ressemblance est évidemment fortuite...

Au vu de ces éléments, libre à tous les lecteurs de se forger leur opinion quant aux « oublis » de Mme Le Pen et au silence de certains médias dominants. Paraît-il que tout le monde a droit à sa « liberté de penser », même quand celle-ci entraîne liberté de mentir, de tabasser, de tuer. En 1995 déjà, la mort était un "fait divers".

De l’omission volontaire au sophisme triomphant

Bon, ok, prêtons crédit à la parole lepéniste, puisque de puissants médias s’inclinent. Qu’en est-il maintenant des crânes lustrés qui naviguent autour de la SARL FN ? Eh bien, ceux-ci sont passés maîtres dans l’art de la sophistique, qu’on leur sert l’occasion de pratiquer sur de clinquants plateaux (TV). Ainsi, quand nos amicaux fronts luisants ont le culot de renvoyer dos à dos « les extrêmes » (auxquels ils n’appartiennent évidemment pas), les journalistes ne s’interrogent guère avant de reprendre en boucle leurs formules : évoquer des bagarres « extrême-gauche contre extrême-droite », c’est évidemment facile et folklorique, et peu importe si cela atténue la portée d’un crime.

Pis : les judicieuses analyses journalistiques tournent à l’enquête de cour d’école pour savoir « qui-c’est-qui-a-commencé » et relativiser par là, probablement inconsciemment, la faute philosophiquement originelle de coups mortels généreusement distribués par une armoire skinhead à un jeune homme de 60kg. Or donc, cette inconscience de la parole journalistique marche main dans la main avec les arguments fascistes (en gros : « ce sont ces salauds d’extrême-gaaauchistes qui ont commencé et tant pis pour eux si avant de se moquer de nos croix gammées ils n’ont pas fait un peu de muscu »), et visiblement pas grand monde dans les rédactions ne s’en émeut.

On a pu récemment entendre de charmants nazillons réclamer la « dissolution du Front de Gauche » - rappelons que Clément Méric n’a jamais appartenu au Front de Gauche - en même temps que l’UMP demandait la « dissolution des organisations d’extrême-gauche ». Christophe Barbier, le monsieur qui oublie de poser les bonnes questions à Marion Anne, n’écrivait-il pas voici un an un édito intitulé : « Pour en finir avec Mélenchon » ? On évoquera également les organisations d’extrême-droite participant au défilé Le Pen® du 1er mai, dont les facétieux participants chantonnaient en chœur « Mélenchon au goulag ! »… C’est ainsi que toutes les omissions se recoupent et constituent un rance mensonge haineux patiemment distillé, destiné à brouiller les valeurs et à niveler la confrontation politique par le bas. Précisément ce qu’en Grèce Antique on appelait : la sophistique.

« Les sophistes développent des raisonnements dont le but est uniquement l'efficacité persuasive, et non la vérité, et qui à ce titre contiennent souvent des vices logiques, bien qu'ils paraissent à première vue cohérents […] Les sophistes ne s’embarrassaient pas de considérations quant à l'éthique, à la justice ou à la vérité. »

Plus c’est gros plus ça passe.

Le stade ultime de cette sophistique, c’est de se nier elle-même : la haine se prétend victime, ce qui lui permet de se travestir pour mieux… se répandre dans un cadre légitime. Légitime comme dans « légitime défense », sauf qu’au départ, de « défense » il n’y avait point… puisque arborer, par des tatouages, des attitudes ou des tenues vestimentaires son appartenance à une tribu néo-nazie constitue déjà une attaque. Dur à suivre comme logique, mais c’est leur but : embrouiller les pistes. Tout est dans la rhétorique, la répétition inlassable (plus un mensonge est gros, mieux il passe ; plus il est répété, mieux on y croit), le retournement de situation. Ne leur parlez surtout pas des messages qui circulent sur les réseaux sociaux, notamment celui-ci aperçu sur Twitter : « Ce n’est qu’un début. Gauchistes, nous vous aurons jusqu’au dernier ». Il vous répondront que ce n’est pas eux et que de toute façon ce n’est pas grave, c’est les gaaauchistes qui ont commencé en envoyant un type à peine mineur se faire tuer par… du mobilier urbain. Imparable.

Il est affligeant d’entendre la sophistique fasciste tourner en boucle dans les grands médias, médias dont on sait qu’ils sont en grande partie responsables de la montée en flèche des Le Pen®, en 2002 comme en 2012. Contre cette connivence assumée ou non (l’extrême-droite à laquelle on offre des tribunes sera la première à s’écrier qu’on l’empêche de s’exprimer), il convient d’être le grain de sable, tout d'abord sur internet. L’extrême-droite a très bien compris, depuis la création des premiers sites participatifs et autres journaux en ligne, qu’internet était un haut-lieu de propagande. Quitte à troller. La gauche consciente peut y remédier : faire œuvre philosophique contre la sophistique.

Le temps presse sur tous les terrains : la haine, poursuivant son petit bonhomme de chemin, se nourrit de ses propres méfaits. Courage et prenez soin de vous.


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