Il faut en finir avec le 11-Septembre !

par Bernard Dugué
vendredi 12 septembre 2008

Hier, les deux candidats à la présidentielle unis pour une commémoration sacrée, une trêve quasi-religieuse, censée abolir les différences entre les démocrates et les républicains, venus dire à leur pays et par voie médiatique qu’ils sont des Américains. Pendant ce temps, les soldats de l’Otan se font tuer, les GI comptent leurs morts par milliers en Irak et l’Iran risque d’être bientôt dans la cible des missiles américains. Les citoyens réfléchissant dans le monde pensent sans doute que les Etats-Unis sont dans un bad trip et qu’il faut observer avec attention l’évolution de la situation. Si les citoyens ne s’occupent pas de politique, alors c’est la politique qui s’occupent d’eux pendant que les médias les occupent avec des histoires de starlettes !

J’aimerais ouvrir un débat. Faut-il en finir avec le 11-Septembre ? Cette question ne suppose pas qu’on raye cet événement des livres d’histoire. Bien au contraire, les attentats du WTC s’inscrivent dans les faits marquants de l’histoire récente, comme du reste l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais. Ce fut le début de l’extension planétaire d’une guerre déjà mondiale, avec les nations européennes, dont l’Allemagne nazie, et la Russie. Il est avéré que l’Allemagne et le Japon étaient les nations coupables d’agression et d’exaction et que le monde libre se devait de riposter. Et d’en finir avec hélas les moyens que l’on sait. Le 11-Septembre est considéré comme un nouvel Pearl Harbor par les Américains. Penser ainsi, c’est commettre une erreur de sens et Dieu sait où peut amener une fausse interprétation (soit par négligence ou par malveillance)

Acte 1 Le sens de l’impact du 11-Septembre sur la société américaine. Cette interrogation est importante. Elle engage l’avenir. Ces attentats sont la conséquence de multiples causes et enchaînement de processus, mais s’ils prennent une grande importance, c’est par l’impact sur la société américaine, ses dirigeants et ce qui en découle pour le monde. Ce qui à nos yeux paraît gênant, c’est cette vénération, cette mise sur un piédestal de cet événement comme fondateur de la société américaine après 2001, un événement érigé comme un mythe, non pas qu’il soit imaginaire, mais par sa fonction symbolique ayant pénétré les esprits et les gouvernants. Il n’est pas bon qu’une nation se cristallise autour d’un fait négatif. Prenons la France, les valeurs qu’elle défend sont jusqu’à preuve du contraire la liberté, la fraternité, l’égalité. Des valeurs associées à une victoire civile et martiale, la prise de la Bastille. Or, le 11-Septembre, ce fut un échec, un traumatisme pour les Etats-Unis. Passée la compassion, il serait temps de retourner à la raison et de signaler les risques pour une nation à installer le sens de son histoire récente dans un événement traumatisant. Il n’y a pas de meilleur exemple que la défaite de 1918 et le traité de Versailles qui s’est indélébilement inscrit dans le peuple allemand et surtout ses dirigeants. On connaît la suite. Certes, on ne peut comparer ces deux périodes, mais le fait est que cette crispation des Etats-Unis sur le 11-Septembre, cette obsession à ramener la dépouille d’un Ben Laden ayant peut-être disparu définitivement du circuit, cette inscription du 11-Septembre dans une théologie politique sacralisant un axe du bien et désignant un ennemi maléfique ; tous ces ingrédients ne vont pas dans le sens d’une géopolitique menée raisonnablement. Il fallait entendre GW Bush parler de ces attentats comme le signe d’un monde nouveau et d’une guerre que doit mener les Etats-Unis. Le monde n’a pas tellement changé après 2001, sauf dans la représentation que s’en donnent des politiciens proches de la psychose ! Pour finir, une pensée pour les 3 000 morts, mais aussi un recadrage, car combien de morts tués par balle dans cette société américaine très violente et le spectacle de ces gens mis à la porte de chez eux, ces meubles, ces équipement ménagers jetés dans la rue, s’étendant à perte de vue dans les lotissements populaires… alors, relativisons, l’Amérique est aussi menacée en son intérieur par des puissances maléfiques, les armes en vente libre, la voracité des financiers...

Acte 2 Le Procès du 11-Septembre. Par Procès, on désigne à la fois un processus systémique ayant conduit à ce tragique événement, mais aussi l’instruction qui permet d’en expliquer autant que faire se peut les causes. Les historiens trancheront-ils ? Il y a deux volets, les attentats dans leur réalisation. La thèse du complot ne tient pas la route. Même si on peut soupçonner quelque complicité au sein du renseignement américain. Et plus raisonnablement une négligence. Plus instructif serait de remonter aux talibans et aux soutiens qui ont permis à ces individus déglingués de prendre le pouvoir en Afghanistan. Cette histoire remonte à la guerre d’Afghanistan issue de jeux sordides de pouvoir, avec une Amérique soutenant le Pakistan pour contrer une Inde non alignée. L’Union soviétique intervient pour appuyer un régime laïc autoritaire qu’elle avait soutenu alors que Jimmy Carter, conseillé par le sinistre Brzezinski, décidait de soutenir les opposants à ce régime de Kaboul. Nous sommes à la fin de la guerre froide. Une fois les Soviétiques partis, la bataille se joue et les talibans, soutenus et armés à l’origine par les Etats-Unis, prennent le pouvoir avec des desseins douteux et voilà Al-Qaïda qui a son terrain (terreau) d’entraînement. Il est bon de rappeler ces faits et de signaler que, si les Talibans sont arrivés au pouvoir, c’est avec la participation des Américains (qui n’ont pas voulu cette situation, mais qui, avec leurs œillères hégémonistes et vindicatives, n’ont pas beaucoup réfléchi, comme d’ailleurs pour l’Irak). Sans pour autant dire qu’ils méritaient les attentats. Les Etats-Unis ne sont pas coupables, mais responsables. Il reste aussi à établir les raisons de cette lutte en Afghanistan. Nécessité du monde libre contre l’URSS ou bien revanche des Américains après le retrait du Vietnam ? Revanche, vengeance, orgueil national, voilà le ressort qui justifie en 2008 tous des soldats morts, en service commandé certes, mais sacrifiés, sans compter les milliers de civils et pour quoi au juste ? Pour servir les fantasmes d’une administration américaine avide de vengeance et d’hégémonie planétaire ? Cette question, elle n’a pas de réponse, même si les uns sont certains de l’avoir.

Entracte, aphorismes et énigmes

On dit du rugby qu’il est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen.

Peut-on dire de l’Amérique en 2008 qu’elle est une nation démocratique éprise de liberté, mais gouvernée par des voyous ?

Vengeance, dessein supérieur, séparatisme. N’est-ce point un mot réunissant l’Allemagne nazie, l’Amérique après 2001, Israël ?

Et l’Ancien Testament dans tout ça ?

La France, une nation démocratique gouvernée par des imbéciles ?

Les cordonniers sont les plus mal chaussés, les démocraties seraient-elles les plus mal représentées ?

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Acte 3 Le sort de nos soldats qui dépend de beaucoup de choses. Et notamment d’un débat démocratique qu’on ne voit pas trop se dessiner au Parlement, mais beaucoup plus sur le net. Le seul questionnement c’est pourquoi on se bat ? La version officielle et téléologique, je répète, téléologique, c’est la lutte contre le terrorisme. On aimerait bien avoir l’avis de connaisseurs pour nous dire si cette guerre en Afghanistan est de nature à empêcher des attentats comme ceux de Madrid ou de Londres récemment. On peut aussi s’interroger sur les déclarations de Mme Aliot-Marie qui, ce 11-Septembre 2008, nous révèle que dix Français, mazette, sont engagés dans les forces talibanes et qu’Al-Qaïda recrute dans nos prisons et qu’il faudrait établir des manuels pour détecter les mutants parmi nos jeunes. N’est-ce pas là la manière (munichoise ?) de célébrer la version officielle américaine et, pour le dire ouvertement, de s’aplatir face aux décideurs du monde logés à la Maison-Blanche, en appuyant implicitement la « vérité mythique » de l’après-11-Septembre ?

Le mot de la fin, pour revenir au 11-Septembre, c’est qu’il faut à un moment oublier, non pas rayer de la mémoire, mais oublier tous les ressentiments liés à un drame ou une tragédie comme le savait le sage Platon. D’ailleurs, un autre sage de notre temps, un certain De Gaulle, l’avait aussi compris. Mais avant d’oublier, il faut instruire le procès de ce qui a engendré toute cette histoire, la guerre froide, les talibans, les attentats.


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