Il faut enterrer Descartes

par Bernard Dugué
mardi 1er juillet 2014

JPEG Descartes représente à juste raison la figure déterminante de la Modernité dans la mesure où il est à l’origine non seulement d’une méthode scientifique mais aussi d’une ontologie dont les conséquences se font encore sentir au 21ème siècle. Le modernisme cartésien a été déterminant pour le devenir des sciences naturelles, il repose sur trois piliers. Le réductionnisme, le mécanisme et la dualité pensée étendue. En résumant, ces trois piliers ont abouti à un paradigme moderniste dont les principes se résument en quelques formules. La Nature est aveugle, elle est composée d’un ensemble de mécanismes, elle s’étudie en séparant les parties puis en recomposant l’ensemble, elle diffère en essence de la pensée humaine. On saisit parfaitement le geste de Descartes et son aboutissement. Le triomphe de la science réductionniste a même fini par écorner le dualisme ontologique si bien qu’avec la méthode épistémologique visant à « naturaliser » l’esprit, les sciences cognitives et les neurosciences optent pour une vision physicaliste et mécaniste de la conscience. Non sans quelques fortes réticences venant du monde de la psychologie et la philosophie.

L’héritage de Descartes se dessine sous deux angles, l’utilisation intensifiée d’une Nature calculable et manipulable mais aussi la conception mécaniste, réductionniste d’une Nature aveugle. On trouve ces conceptions en biologie, avec les gènes, dans l’évolutionnisme, avec la sélection mécanique, en physique, avec les différentes mécaniques et notamment la relativité générale qui repose sur des bases cartésiennes. Ce qui est envisageable, c’est que la cosmologie d’Einstein soit fausse du point de vue physique et ontologique, même si par un heureux hasard les calculs astronomiques sont exacts. Le fait que cette cosmologie puisse tenir reposerait alors sur la croyance quasi religieuse dans le big bang.

Dans un autre domaine, l’adhésion à la conception aveugle et mécaniste de la Nature repose sur ces « miracles modernes » que sont les victoires de la technologie et l’efficacité de certains traitements chimiques sur les maladies. Par ailleurs, le fait de tout ramener à la sélection naturelle suppose un impensé utilitariste. Autrement dit, tout ce qui est présent dans la nature est le résultat d’une sélection si bien que rien n’est gratuit, spontané, imaginé dans la Nature. Même la morale serait la conséquence d’une sélection naturelle à l’échelle des sociétés. Le darwinisme du 20ème siècle est devenu une conception bourgeoise intégrée dans la culture athéologique de notre époque. L’esprit bourgeois : tout ramener à l’utilitaire et au maîtrisable ; refuser le mystère et l’incertain. L’homme est seul dans l’univers a décrété Monod. C’est inexact mais les bourgeois l’ont cru.

Après ces quelques remarques somme toute banales pour un observateur lucide de notre temps, il nous faut annoncer que les trois piliers du cartésianisme ont servi à bâtir un univers utilitaire, utile, assorti d’une conception de la Nature mais que, pour parvenir à une vision exacte de la Nature, il faut se passer de ces piliers, voire les détruire comme de vieilles barres HLM inhabitables ou des béquilles devenues inutiles pour avancer dans la connaissance. La méthode réductionniste ne convient plus, tant en dynamique quantique qu’en cosmologie quantique. La vie ne se réduit pas à un mécanisme aveugle. Il y a de la finalité et quelque chose de même essence que la pensée dans le vivant. D’ailleurs, même la matière possède les attributs de la pensée. Il ne reste que l’étendue immatérielle pour s’opposer à la pensée et à la « matière ». L’ontologie cartésienne est décédée. La science cartésienne est replacée dans son cadre de validité avec ses limites. La connaissance de la Nature et de l’Univers passe par une science non cartésienne. Il faut enterrer Descartes.


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