« Il faut rendre constructibles les terrains inondables » !

par Fergus
vendredi 5 mars 2010

Cette phrase dont on mesure aujourd’hui toute l’irresponsabilité à la lumière des évènements survenus le week-end dernier en Charente-Maritime et en Vendée n’a pas été prononcée par un quelconque quidam au comptoir d’un bistrot, mais par Nicolas Sarkozy lors d’un discours officiel tenu le 3 mars 2009 devant caméras et micros...

Pire : cette phrase, assénée avec son arrogance habituelle par le président de la République, venait après les attaques répétés du même Sarkozy durant la campagne électorale de 2007 contre la loi littorale qu’il convenait, selon lui, d’« assouplir ». Aujourd’hui, Sarkozy fait preuve d’une compassion (réelle ou feinte) en rapport avec le drame subi par les victimes de la tempête et avec la légitime émotion ressentie par une majorité de nos concitoyens. Et il affiche sa volonté de renforcer l’application des textes et de débloquer des fonds pour consolider les ouvrages de protection.


Dans ce domaine comme dans les autres, nous avons donc affaire à un opportuniste qui a dit tout et son contraire, au gré des sondages ou au gré, au propre comme au figuré, de l’action du vent. Qui peut encore lui accorder le moindre crédit ?


Autre question : comme se fait-il que Jean-Jacques Brot, le préfet de Vendée, n’ait pas été suspendu de ses fonctions ? Voilà un homme qui disposait, bien avant que la tempête ne frappe les côtes françaises : 1) du coefficient des marées (il est calculé et connu un an à l’avance) ; 2) de l’annonce par Météo-France d’une très forte dépression synonyme de surcote significative de la marée (élévation du niveau des eaux) ; de la prévision, toujours par Météo-France, de vents d’ouest tempétueux interdisant l’écoulement des rivières et susceptibles de provoquer des vagues de marée potentiellement submergeantes.


Qu’a fait le préfet de Vendée ? Probablement de nombreuses interventions ici et là dans le cadre de ses responsabilités habituelles. Mais il n’a pas pris la décision qui s’imposait et qu’il pouvait imposer aux maires irresponsables de L’Aiguillon et La Faute : faire évacuer les zones submersibles dans lesquelles ces élus ont construit des lotissements au mépris du Plan de prévention des risques.


En cela, le préfet de Vendée porte une très grave responsabilité. Une responsabilité partagée, au sommet de l’État, par ceux qui le maintiennent en poste, de l’Élysée à la place Beauvau.


Nicolas Sarkozy ne s’est pourtant pas toujours montré si tolérant envers les préfets. Rappelons-nous le sort réservé en janvier 2009 à Jean Charbonniaud, préfet de la Manche, démis de ses fonctions pour n’avoir pas suffisamment fait taire les cris hostiles des manifestants venus accueillir à Saint-Lô un président aux oreilles chatouilleuses. Rappelons-nous également le sort fait en septembre 2008 à Dominique Rossi, préfet coordinateur des services de sécurité en Corse, coupable, pour avoir sagement voulu éviter des affrontements entre policiers et militants nationalistes, de n’avoir pas su protéger la pelouse de l’« ami Christian Clavier ».


Chatouilleux pour lui-même et ses amis, notre monarque l’est à l’évidence beaucoup moins lorsqu’il s’agit de Français ordinaires, de gens comme vous et moi qui ne connaîtront jamais les honneurs du Fouquet’s. Des gens qui sont aujourd’hui en deuil de 53 des leurs. Des Vendéens qui pleurent aujourd’hui des parents, des amis, des voisins confrontés comme eux au déchaînement des éléments mais surtout à l’incurie d’un petit nombre d’élus ou de hauts fonctionnaires.


Mais tout cela est sans réelle importance, et le préfet de Vendée pourra continuer d’admirer les roses trémières qui ornent le jardin de sa préfecture : que sont ces morts en regard des quelques huées de Saint-Lô ou de quelques mètres carrés de pelouse piétinée dans le jardin de Christian Clavier ?
 
 

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