Il n’y a pas de solutions pour l’avenir dans un monde de cons

par Bernard Dugué
mercredi 20 avril 2011

La société française ne peut plus évoluer vers un progrès social, humain, culturel. Elle suit sa pente descendante comme du reste l’Occident. Le mal est plus profond qu’on ne le pense. Ni la mondialisation, ni le réchauffement, ni le nucléaire, ni des tas de choses évoquées par d’ignares journalistes ne sont à la racine du lent effondrement de la civilisation européenne. Le mal réside dans le cerveau des gens, dans l’esprit complètement dévoyé par le mercantilisme chez les uns, l’idéologie chez les autres, les peurs pour beaucoup. Bref, pour faire court, il y a une classe dominante qui prend la meilleure part au profit et occupe les directions du système. La prospérité de cette classe ne peut perdurer qu’en misant sur l’ignorance et la bêtise des gens qui assurent les fonctions productives du système, ces gens qui la plupart, obéissent au même système de valeurs façonné par les puissants. Le confort, le luxe, l’hédonisme, le profit. Ces valeurs matérialistes érigées en symboles du paradis sur terre ne sont accessibles qu’à une minorité. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Pour accéder aux niveaux supérieurs, il faut être bien né, de parents dotés d’une bonne fortune et d’un minimum de culture, ou bien de talents congénitaux qu’un parcours bien géré avec des opportunités saura conduire vers les professions les plus profitables.

Certes, cette idéologie n’est pas partagée par tous mais elle domine. Un autre monde est possible mais il faudra qu’il s’organise autour d’autres valeurs. Notamment avec la culture, l’éducation et l’accès à l’intelligence. L’ignorance est la cause de l’oppression des peuples. Elle peut aussi devenir la cause de la destruction de la civilisation mondiale, une fois passé le milieu du 21ème siècle.

Le mal du siècle est double. D’un côté le mode accusatoire qui pointe l’attention distraite sur des responsables désignés, des coupables, des fauteurs nettement cernés. D’un autre côté le mode des solutions vendues mais appliquées à des problèmes qui n’ont pas de solutions. Ces deux modes se combinent. Le mode accusatoire est souvent populiste. Il cible les esprits faibles en les rendant esclaves de l’expertise et de l’idéologie pour le plus grand bénéfice de ceux qui vendent leurs solutions. Il y a les intellectuels, les politiques, les directeurs, les managers, les financiers. Tous se payent copieusement en proposant de fausses solutions.

Le libéralisme n’est pas la cause des maux contemporains. Le libéralisme n’est pas une idéologie à la base. Ce n’est qu’un mode de fonctionnement de l’économie, avec ses avantages, ses défauts et ses règles. L’Etat n’est pas plus que le libéralisme la cause des maux contemporains. L’Etat garantit le bon fonctionnement d’une société, en la préservant des excès, des incivilités, en garantissant une sécurité généralisée sans laquelle il n’y aurait pas de liberté. L’Etat et le marché ne sont pas des idéologies mais des structures. C’est quand le sens de l’existence épouse ces structures pour y demeurer et s’y enfermer qu’elles deviennent des idéologies. Le soviétisme était obsédé par la performance technique et le souci de l’organisation bureaucratique comme si c’était là le salut du communisme et du bien être matériel universel et fraternel. Si le pendant idéologique de l’Etat fut le soviétisme, le pendant idéologique du marché est le mercantilisme, devenu hégémonique à notre époque.

Le mercantilisme n’est pas à proprement parler une idéologie. C’est un mode méta-idéologique plaçant la recherche de l’intérêt personnel et du profit en première position, devant toutes les autres valeurs. Les classes dominantes cherchent à maximiser un niveau de vie déjà élevé, consacrant toute leur énergie à cette quête. Les exploités n’ont pas le choix, ils tentent de survivre. Du coup, les luttes sociales sont inexistantes. Les étudiants ne se révoltent plus contre cette université qui devient une caserne trop souvent gouvernée par des petits chefs de la science qui exercent leur chantage au diplôme. Plus tard, le diplômé subira le chantage à l’emploi. Les classes aisées ne s’ouvrent plus aux valeurs. L’action éthique et désintéressée se noie sous le tsunami de l’intérêt mercantile. Le monde sombre parce que le seul souci des gens est l’argent. La faute n’incombe pas au libéralisme mais au mercantilisme. Mélenchon est un clown.

En conséquence, le mode accusatoire anti-libéral ne vise qu’une structure spéciale, celle de la haute finance et de la spéculation, alors que c’est le mercantilisme généralisé et implanté dans la société qu’il faudrait pointer. Mais il est plus facile de s’exonérer de ses tares et de rendre une poignée de dirigeants responsables du marasme. Le nationalisme accusera les étrangers, la mondialisation et chez nous, l’Europe. La droite abjecte accuse les assistés. Elle invente la figure du chômeur qui vit comme un pacha avec ses allocations, en incitant le bon travailleur qui se lève tôt à aboyer. Les écolos croient que la crise écologique et climatique est responsable du mal contemporain. Les écolos sont à la limite du psychotique. Ils seraient prêts à expliquer la crise financière à partir du réchauffement. Ils s’imaginent que la croissance verte est la solution à la crise. Ils sont obsédés et leur horizon s’apparente à un soviétisme vert.

L’UMP et le PS veulent augmenter le pouvoir d’achat. Mais il n’y a pas de solution pour augmenter le pouvoir d’achat. Alors c’est qu’il n’y a pas de problème. En vérité, le problème, ce sont les inégalités. La seule solution étant de redistribuer, de prendre aux revenus élevés pour diriger vers les bas revenus. Cette option est impensable car le mercantilisme règne. Les politiques d’ailleurs montrent l’exemple. Ils n’ont cessé d’augmenter leurs revenus. Les écolos font croire que le réchauffement est un problème. C’est pour vendre leur solution, les uns en se faisant élire, les autres en louant très cher leurs services d’expertises et leurs gadgets censés servir le développement durable. Qui en vérité se présente comme un emmerdement durable. La dernière mesure étant l’interdiction de certaines catégories de véhicules dans les centres-villes. Le climat n’est pas un problème. La décroissance se trouve face à des contradictions. Les gens veulent de plus en plus de pouvoir d’achat mais ils voudraient que les pays émergents n’accèdent pas au même niveau de vie. Il n’y a pas de solution au pouvoir d’achat, sauf à déshabiller Pierre pour habiller Paul. La seule augmentation du pouvoir d’achat n’est possible que pour une minorité et se fera au détriment des autres. Sarkozy tente de séduire les travailleurs pauvres. A se demander si le président les considère comme des pauvres cons.

Il n’y a donc aucune solution aux problèmes contemporains. Parce que le mercantilisme domine et fonctionne de concert avec la connerie humaine que le système a fabriquée. Mais n’en déplaise à Jean-Marie Le Pen, nous vivons mieux que sous l’Occupation. Néanmoins, autant que je me souvienne, les gens étaient aussi heureux dans les années 1970 et au début des années 1980. Que conclure ? Que trente ans d’effort n’ont apporté aucun surcroît de bonheur. C’est dire si le progrès humain est bloqué. Il n’y a pas de solution dans une société gagnée par le mercantilisme, la vénalité et minée par la connerie !

Une note d’espérance cependant. L’inverse est aussi vrai. Il y a plein de solutions dans une société de gens intelligents !


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