Il n’y aura pas d’élections présidentielles de la République en 2012

par Pierre PEYRARD
lundi 10 janvier 2011

Il n’y aura pas d’élections en 2012. La France pendant les deux tours de mai 2012, viendra à reculons dans l’isoloir, comme dans une chambre d’enregistrement.

De quoi parlons nous ?

Notre pays a rendez-vous avec ses institutions. Nous avons le choix entre réélire le sixième Président de la Ve République ou élire le ou la septième. Puis nous élirons les députés, un mois plus tard. 

Président de la République. Attardons nous un peu sur le mot "République".

La "République", c'est la chose commune. La "res publica", bien précieux commun à tous les citoyens libres et égaux en droit (j'ajouterai comme en devoir). A la lecture de ces quelques lignes n'êtes vous pas choqué(e) par la désuétude dans les faits de ces concepts ?

Qu'est-ce qu'un "citoyen" aujourd'hui ? Comment se sent-il appartenir à la "Cité", de quel pouvoir dispose-t-il ? Est-il réellement "libre" ? Libre d'angoisser pour boucler son budget en fin de mois, libre de se sentir de plus en plus menacé de perdre son emploi chaque jour, libre de constater la dégradation du système scolaire public pour ses enfants, libre de faire plus de kilomètres pour aller se faire soigner, libre pour prendre un exemple concret de se résigner à ne pas pratiquer certains soins bucco-dentaires, car la Sécurité Sociale rembourse mal et les mutuelles, pas davantage... 

Et au delà de sa liberté, son appartenance au peuple qui lui fait ressentir la "fraternité" républicaine a-t-elle encore une signification, alors que le peuple lui même n'est plus souverain dans les faits ? (Abandon de la souveraineté à la BCE, traités européens...).

Le pouvoir en place à substitué l'individu salarié contribuable au citoyen. Dans son intérêt.

Le citoyen est donc également un contribuable. La plupart du temps salarié, ou même petit patron à son compte, il a vu son pouvoir d'achat se transformer au fil des années en peau de chagrin pendant qu'une infime minorité d'autres placés au sommet de la pyramide sociale ont bénéficié d'un bouclier fiscal. C'est probablement cela, l'égalité républicaine dont se réclame le Président actuel, deuxième concept inscrit aux frontispices de nos écoles et autres bâtiments publics que nous ne regardons plus.

Mais le citoyen est cependant encore libre de refuser de regarder des émissions de télévisions contrôlées par le pouvoir ou les amis industriels du pouvoir. Il peut encore surfer sur internet pour aller chercher une information "libre" et "indépendante", quand bien même il devra supporter cette année une augmentation de la TVA des offres des fournisseurs d'accès. Il peut même s'il en a envie, produire lui même l'information, ou la désinformation... Juste retour des choses après tout.

"Fournisseurs d'accès" voila un beau concept !

Car au fond, l'entreprise Wikileaks dont on pourra toujours contester l'initiative n'est-elle pas aussi celle d'un fournisseur d'accès à la connaissance ? En brisant le tabou du secret, en bousculant l'administration américaine, en violant ses secrets diplomatiques, Wikileaks a permis aux citoyens du monde entier d'envisager prendre leur revanche. 

Internet est un outil formidable qui n'obéit pas à la règle du mass media "one to all"... mais "one to one". Alors justement, je pressens aujourd'hui une inversion de courant. Un mouvement "alternatif" si j'ose dire, non plus du haut vers le bas, mais de millions de bas vers eux mêmes, pour remonter d'une façon ou d'une autre vers le haut.

En France donc, alors que la "pensée unique" voudrait que les élections de 2012 soient pliées, déjà jouées d'avance, que nous n'échappions pas au contexte de la "mondialisation", aux diktats financiers des agences de notation, à la nécessité de réformer toujours plus en réduisant la sphère publique, c'est-à-dire justement ce qui nous relie les uns aux autres dans l'espace public républicain, je pressens, je commence même à constater ici ou là une inversion de courant. Car nous écrivons, nous nous lisons, nous nous reconnaissons. Nous ne nous sentons plus seuls, isolés dans nos indignations chères à Stephane Hessel.

Jusqu'à présent tout se décidait en haut, pour notre plus grand bien, et nous bénéficions du bien-fondé des choix de nos élites éclairées que nous mandations pour nous servir.

Aujourd'hui, c'est du bas de la pyramide que remontera la reconstruction civique et républicaine dont nous sommes dépossédés. Car nous n'avons plus le choix. Ou nous nous résignons, à subir l'inexorable nivellement de nos sociétés par le bas, sonnés, mis "ko" par le mouvement financier apatride ultra-libéral incontrôlé, bénéficiant au passage de notre soutien lorsqu'il s'est lui même mis en péril, ou nous allons au-delà de l'indignation, nous résistons en nous saisissant du rendez-vous électoral républicain pour en faire "autre chose".

Car si nous le voulons, une belle occasion nous est donnée.

Les primaires socialistes, ne seront pas autre chose que cette immense opportunité de faire de l'entrisme citoyen, de débattre, quelques soient nos couleurs politiques au fond. Ce qui compte, aujourd'hui, c'est de débattre, de construire, pour ne pas dire de "reconstituer" des institutions à la France qui aient un vrai sens. Les primaires socialistes se présentent à mes yeux comme un outil "fournisseur d'accès" à la restauration de la souveraineté du peuple. La République des citoyens, contre le pouvoir.

C'est pour cela que je le redis ici : Il n'y aura pas d'élections présidentielles de la République en 2012. Car il n'y a tout simplement plus de République. A nous de la régénérer. De créer un mouvement embryonnaire, qui par effet boule de neige pourrait déboucher qui sait sur une assemblée constituante de la VIe République.

A défaut, il y aura un simulacre de démocratie, influencé par une marée de sondages, des débats tronqués car contrôlés à la télévision et des slogans réducteurs au service de l'oligarchie dominante. 


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