« Il y a de plus en plus de misère cachée »

par CHALOT
jeudi 24 janvier 2019

Interview réalisé par Jean-François Chalot.

lire le numéro spécial de "Familles laïques" la couverture est en photo

Le 29 novembre dernier, le CNAFAL a rencontré Julien Lauprêtre, le Président du Secours populaire depuis 1958

1/ Pouvez-vous nous dire ce qu'est le Secours Populaire aujourd'hui ?

Le secours populaire a été créé en 1945, avec plus d’un million de membres, 82 000 bénévoles, l’activité est grande. Nous sommes des généralistes de la solidarité.

Dans le domaine alimentaire, 180 millions de repas ont été distribués l’année dernière. L’accès aux soins avec le concours des médecins du Secours populaire. De grandes campagnes pour les vacances, avec nos Journées des Oubliés pendant le 15 août. Donc, une grande activité dans tous les domaines et au niveau international.

Nous avons créé le mouvement « enfants copains du monde » qui rencontre un grand succès. Afin que les enfants apprennent à s'aimer plutôt qu’à s’entretuer, à se rassembler plutôt qu’à se fuir.

Cette année, nous avons ouvert 31 villages enfants-copains du monde, 18 en France et 13 à l'étranger.

Le principe est de regrouper des enfants de toutes nationalités. Cette année, les enfants de 50 pays étaient réunis. Ces séjours permettent aux enfants de mieux se connaître et trouver des idées pour développer la solidarité. Ces structures s'appelaient initialement des villages enfants copains du monde vacances. Suite au récit dramatique d'un enfant, ce terme a été supprimé.

Ainsi, la structure du Bénin récolte de l'argent pour acheter des poubelles pour les hôpitaux de leur région. Des enfants philippins ont, quant à eux, décidés de créer un groupe de musique pour apporter de l'argent à leur association.

Les enfants font fi des appartenances religieuses.

Au niveau international, nous avons une multitude de partenaires qui nous permettent d'être plus efficaces et réactifs, en cas de catastrophe naturelle, par exemple.

Notre idée est de mondialiser la solidarité.

2/ Quelle est selon vous la réalité de la pauvreté ? On parle de plus en plus de la grande pauvreté…

Je confirme qu'elle gagne du terrain dans toutes les régions. Dans toute la France, nos bénévoles sont sur le terrain. Les personnes âgées font de plus en plus souvent appel à notre banque alimentaire ainsi que les familles monoparentales. On note aussi une augmentation de jeunes. Nous avons créé un réseau de solidari-bus qui se déplace sur les campus universitaires pour apporter de quoi se nourrir aux étudiants. Un phénomène nouveau aussi, des personnes de la classe moyenne se trouvent à venir au secours populaire suite à un accident de la vie.

Trois millions de personnes ont sollicité l'aide du SPF, en 2017.

Il y a de plus en plus de misère cachée.

Le SPF demande une participation minime afin que les "demandeurs" ne se sentent pas dans une situation d'assisté.

La montée des idées racistes est très préoccupante pour le SPF.

Le Secours populaire déplore que les exemples d’actes positifs ne soient pas plus mis en lumière.

Pour l'alimentation, le SPF est en partenariat avec des restaurateurs et des boulangers qui font des actions pour la pauvreté. Le SPF a soumis une idée pour que les boulangers, pendant l’épiphanie, vendent leurs galettes au bénéfice du Secours populaire.

Les bénévoles sont de plus en plus nombreux. Une des priorités est de fonder un mouvement européen. Pour cela, un colloque a été organisé à Bruxelles. Avec 400 jeunes européens.

Le Secours populaire revendique sa totale indépendance au niveau politique, quel que soit le pouvoir en place. L’idée est d’aiguillonner les pouvoirs publics.

Ainsi, nous avons réussi à sensibiliser le Président de la République sur le problème des enfants qui ne partent jamais en vacances. Des enfants ont été reçus à l’Elysée, suite à cette initiative.

Nous sommes l’avocat des pauvres.

50 000 enfants sont partis en vacances avec le SPF. Grâce à lui, certains enfants ont vu la mer ou bien la Tour Eiffel pour la première fois.

3/ Au niveau national et départemental, nous avions lors de nos permanences de surendettement beaucoup de personnes endettées par le crédit il y a 5, six ans. Désormais, on constate que les personnes qui viennent sont pauvres.

Oui, nous faisons le même constat, et nous aidons aussi les personnes qui ont eu des coupures d’électricité. On travaille aussi sur l’éducation populaire, aider les gens à s’en sortir pour user de leurs talents : avec des ateliers cuisine, …

4/ Les majeurs qui sortent de l'ASE ne sont plus pris en charge et dorment dans le rue avec les risques qui sont liés. Une proposition de loi est en cours, mais pour l’instant que faire ?

Des mesurettes sont prises. Ces jeunes sont dans des situations dramatiques. Il faut faire jouer la solidarité. Nous sommes présents dans des campus universitaires. Nous sommes partenaires avec la Fédération des Maisons des lycéens.

Début décembre, des jeunes de cette Fédération, déguisés en père noël verts, sont allés au Parlement Européen pour alerter les membres du Parlement Européen sur le maintien de l’aide alimentaire, en faisant semblant de manger dans une assiette vide.

Nous invitons les jeunes à venir nous voir pour trouver conjointement des solutions.

5/ Dans nos associations, nous avons un véritable réseau entre associations mais comment se faire reconnaître par les institutionnels ?

C'est une bataille continue pour le rôle et la place des associations humanitaires dans la société. Elles ont un rôle fort et ont un besoin de soutien et d’écoute, sans que l’on touche à leur indépendance.

Le bénévolene peut pas prendre du repos durant les vacances. Il faut s'organiser pour que les structures soient ouvertes 24h/24h.

6/ Parlons gilets jaunes, beaucoup de personnes des classes moyennes se soulèvent, et si les pauvres s’y mettaient ?

Avec les gilets jaunes, on sent à travers les témoignages que la misère grandit et de nombreuses personnes disent désormais qu'elles sont forcées d’aller au Secours populaire. C’est le reflet d'une précarité montante.

 


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