« Ils ont tué Jésus ! » (1/2)
par P.-A. Teslier
lundi 17 juin 2019
C'était, pour cette personne, un sujet en apparence essentiellement religieux et banal. Pourtant, cette personne n'était pas de religion bouddhiste, ni hindouiste, ni taoïste, ni shintoïste, ni même musulmane... ni athée bien sûr !
Pour les grandes religions de notre époque, savoir qui a tué Jésus leur passe largement au-dessus de la tête, et elles s'en foutent. D'ailleurs, elles ne connaissent pas un Dieu nommé Jésus, à part la religion musulmane qui considère le susnommé comme un simple prophète du 1er siècle… du calendrier julien.
Il n'y a qu'une seule religion qui transmet par prosélytisme l'allégation "Ils ont tué Jésus !" !
Plus loin, dans le documentaire, Fritz Bauer, raconte que dans la cour de son école primaire, au début du 20ème siècle, dans une Allemagne pas encore nazie, ses camarades s'amusaient à le frapper en lui disant "Toi ou ta famille vous avez tué Jésus !". Fritz Bauer était juif.
Surprenant cet antisémitisme juvénile, n'est-ce pas, avec nos lunettes d'aujourd'hui ! Pourtant…
La religion qui véhiculait cette incroyable allégation, nous la connaissons tous et toutes, en Occident.
C'est la religion chrétienne ! Celle dont l'un des dieux est Jésus. Aucune autre religion ne pouvait d'ailleurs dire cela, car a priori pas du tout concernée par le sujet de l'antisémitisme.
Effectivement, la personne qui prononce cette phrase odieuse antisémite, dans le documentaire diffusé en Prime sur Arte, le 28 mai 2019, est un soldat allemand du 3ème Reich. Individu tellement inculte, ignorant et abruti qu'il n'a même pas conscience de l'absurdité de ce qu'il dit (voir "pourquoi" dans l'article 2/2, sûrement la semaine prochaine).
Pourtant, qu'il ait été luthérien, calviniste, évangélique, méthodiste, pentecôtiste, adventiste, mormon, quaker, témoin de Jéhovah… ou catholique, il priait sûrement Jésus tous les jours, allait peut-être même à la messe tous les dimanches. A coup sûr, il y communiait et faisait son Action de grâce, dite eucharistie (*). C'était apparemment un chrétien dans l'âme.
Un chrétien standard, en fait banal comme 93% des Allemand(e)s de son époque, à qui, visuellement, on "aurait donné le Bon Dieu sans confession", comme cela se dit dans l'univers chrétien.
Faut-il rappeler que 90% et plus, des européen(ne)s des années 30-40, français(e)s compris, étaient chrétien(ne)s. Les racines chrétiennes de l'Europe comme le prêchait récemment le candidat de la droite conservatrice : Xavier Bellamy.
Quand j'étais enfant, dans les années 50, mes parents catholiques romains…. me faisaient suivre les cours du catéchisme, à l'église de mon village. On y apprenait, notamment, qu'il y a quelque 2 000 ans, un juif marchait sur la mer (M :14-26). On y apprenait aussi qu'un juif nommé Juda Iscariote, avait trahi un autre juif nommé Jésus auprès des autorités religieuses, complices, paraît-il, des occupants romains dirigés par le dénommé Ponce Pilate. Puis, qu'entre Jésus Bar Abbas et le juif dénommé Jésus, la foule avait désigné ce dernier pour être crucifié par des soldats romains.
Pour l'enfant d'une huitaine d'années que j'étais, c'était un récit fabuleux, et tellement bien raconté et imagé par notre curé ! Notre curé, en fait un chanoine, voulait nous faire comprendre et vivre, à mots à peine cachés, que le peuple juif, tout le peuple juif, et donc pas seulement l'individu Juda Iscariote, était coupable de la mort d'un autre juif. Cet autre juif deviendrait un Dieu, le Seigneur de la religion chrétienne… quelque 400 ans après sa supposée mort, au milieu du 4ème siècle du calendrier julien, lors du Concile de Nicée.
Bon ! Pour l'enfant que j'étais, encore innocent et donc perméable à toutes les historiettes, c'était une histoire comme tous les enfants les aiment. Comme la Belle au bois dormant, le Petit Poucet ou l'attaque de la diligence par les Indiens. Mais, celle-ci était différente, car elle était racontée avec une grande passion. Notre curé vivait cette histoire comme si c'était la sienne, et il nous la rendait fantastique, bouleversante, voire même attachante.
Jésus y était le bon. Bar Abbas le truand. Ponce Pilate la brute épaisse.
Quant au juif Juda Iscariote, il deviendra le chien qu'on accuse de la rage afin de noyer et de maudire à tout jamais le Peuple juif.
A suivre.
Suite dans le prochain article 2/2 : Arrivé au collège, puis au lycée…
(*) Eucharistie "Ceci est mon corps... Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang... Faites ceci en mémoire de moi.". De fait, un rituel cannibale. L'hostie est le corps de Jésus, le vin le sang de ce même Jésus !
Crédit photo : parodie "Le seigneur ouvrit la mer…". Ainsi, il sauva le Peuple juif (E : 14-21à27). Plus tard, la légende et la tradition chrétienne veut que ce même Peuple tue le Seigneur…