Immigration ce mal qui nous ronge ?
par ARTEMIS
mercredi 17 octobre 2007
Il y a des écrits que je refuse de cautionner par mon silence.
Aussi, Je me suis décidée à prendre ma plume pour interpeller tous ceux qui déversent sans vergogne leur bile xénophobe et leur intolérance dans les commentaires qu’ils déposent sur ce site ou ailleurs...
J’ai pu lire les mots « invasion, immigration massive, les immigrés prennent la place des Français, coûtent cher à la société, ruinent notre économie ».
Je rappellerai à tous ceux qui pensent que les étrangers sont de trop, qu’ils profitent du système, qu’ils génèrent la quasi-totalité de la délinquance, certains faits de notre histoire collective et principes de simple bon sens qui devraient les amener à plus de réflexion et de modération dans leur propos.
Selon les chiffres de l’Insee, la France comptait en 2004 (recensement) 4,9 millions d’immigrés (NB).
Ces chiffres ont été contestés et le chiffre de 6 millions avancé. Soit 10 % de la population.
Je ne rentrerai pas dans la polémique sur ces chiffres ni sur le caractère massif ou non de l’immigration, je rappellerai simplement :
I. Depuis plus d’un siècle les immigrés ont largement contribué à la construction de la France
Il suffit de se remémorer :
L’hémorragie des forces vives de la nation de la Première Guerre mondiale.1,4 millions d’hommes jeunes et dans la force de l’âge tombés sur les champs de bataille. En 1918, les campagnes francaises (la France était un pays rural en voie d’industrialisation à cette époque) manquaient cruellement de bras. Ce sont les ouvriers agricoles italiens qui ont sauvé l’agriculture des départements du Gers, de la Haute-Garonne et du Lot-et-Garonne.
La Seconde Guerre mondiale et la reconstruction. A partir de 1945, afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre et de répondre aux besoins de l’économie en pleine expansion, l’immigration des Espagnols, Portugais, Africains et, surtout, Maghrébins a été encouragée (accords bilatéraux de travail avec le Portugal, par exemple...) Pour anecdote, ce sont les patrons des usines qui organisent la venue par trains entiers des Polonais en France. Ces habitudes ont perduré jusque dans les années 1960.
Par millions, les immigrés sont venus grossir le contingent des travailleurs dans les filatures du Nord. Les grands travaux de construction de chemin de fer, de canaux et d’équipement portuaire, le bâtiment, les mines, l’industrie automobile, etc. Dans les années 1970, chez Renault un ouvrier sur cinq était Algérien.
Main-d’œuvre docile, s’il en faut, peu revendicative et dure à la tâche, main-d’œuvre qui acceptait de travailler dans des secteurs et des métiers que les Français avaient désertés. L’économie française avait un tel besoin de cette main-d’œuvre que tous les gouvernements successifs ont fermé les yeux sur l’immigration clandestine.
Les trente glorieuses, c’est-à-dire toute la période de reconstruction de la France avant le premier choc pétrolier, nous les avons connues grâce au travail de tous. Notre économie s’est forgée au labeur de nos étrangers.
Lisez le livre de Carlos Batista, Le Poulailler, fils de Portugais immigrés, il se fait le porte-parole de toute une génération : celle des enfants d’immigrés et raconte son enfance et la vie de ses parents.
"En tant que fils d’immigrés, on nous donnait le sentiment d’être des sous-Français. On nous conduisait directement vers l’apprentissage.
Ces violences, ce racisme peuvent être destructeur, chez un enfant dont le développement est aussi délicat qu’un poussin."
Après 1974, la crise économique a entraîné l’arrêt officiel de l’immigration, sauf pour les cas de regroupement familial et de droit d’asile.
II. Une immigration maîtrisée sera nécessaire à la France et à ses voisins européens pour soutenir la construction de l’Europe.
La France et l’UE sont confrontées à une crise démographique et au vieillissement de leur population.
Selon le « Population Reference Bureau » américain, il y aurait une très légère croissance jusqu’en 2025. L’UE culminerait alors à un peu plus de 460 millions d’habitants, avant de perdre 27 millions d’habitants en vingt-cinq ans pour s’établir à 435 millions d’habitants en 2050. En cinquante ans, elle passerait de 7,7 % de la population mondiale à 4,7 %. Dans le même temps, nombre de grands pays poursuivraient leur dynamique démographique (Inde, Chine...) En outre, la proportion élevée de personnes âgées représente une charge financière qui ne cesse d’augmenter.
L’immigration constitue aujourd’hui, dans la plupart des pays, le principal facteur de croissance. L’Europe a besoin d’une immigration forte pour assurer son avenir même s’il est déjà prévisible que cette politique d’immigration isolée ne sera pas suffisante pour enrayer un déclin démographique qui paraît inéluctable à terme.
Selon le Comité économique et social européen (CESE), « l’immigration, tant de personnes très qualifiées que de celles qui ont peu de qualifications, y compris de celles qui se trouvent en situation irrégulière, a des effets positifs qu’il y a lieu de mettre en évidence ».
L’enjeu consiste à trouver un compromis entre la satisfaction des besoins de main-d’œuvre, les perspectives démographiques et le respect des engagements internationaux.
Citons Kofi Annan : « en ce XXIe siècle, les migrants ont besoin de l’Europe. Mais l’Europe a aussi besoin des migrants. Une Europe repliée sur elle-même, ce serait une Europe plus dure, plus pauvre, plus faible, plus vieille. Une Europe ouverte et capable de gérer l’immigration, ce sera une Europe plus juste, plus riche, plus forte, plus jeune. »
I. Une immigration maîtrisée passe par une intégration réussie des immigrés.
Le rapport de la Cour des comptes de 2004 est accablant ce rapport met l’accent sur un triple échec :
- la
concentration d’une grande partie des immigrants dans des quartiers souffrant
de graves difficultés, phénomène auquel participe aussi la carte
scolaire ;
- la situation économique, sociale et personnelle d’un grand nombre
d’immigrants et de leurs enfants, en butte en outre à des pratiques
discriminatoires ;
- le poids de l’immigration irrégulière et des conditions de vie des étrangers
vivant dans cette situation.
En trente ans, les pouvoirs publics ont systématiquement paru incapables de s’adapter aux changements de l’immigration alors qu’elle passait, notamment, d’une immigration de main-d’œuvre (provisoire) à une immigration familiale (souvent définitive).
Je citerai un article du Monde du 24 novembre 2004 : « Le premier choc pétrolier de 1973 et la récession qui s’ensuivit apparaît avec le recul comme un tournant. Déjà fragiles, les populations immigrées s’installent dans un statut dégradé. Ce sont les premières frappées par le chômage, la vie chère, l’exclusion. La politique du logement mise en place a abouti à leur ségrégation urbaine. Le système scolaire, avec ses rigidités, n’est pas parvenu à intégrer massivement les jeunes ni à leur servir suffisamment d’ascenseur social. L’accès à l’emploi a été rendu problématique en raison tantôt du manque de qualification des demandeurs, tantôt à cause d’une discrimination à l’encontre de "minorités visibles". Cette myopie a eu pour conséquence de constituer un bloc non négligeable de la population ressentant de manière aiguë cette indifférence et ce rejet. Au point de finir par former une société en lisière, avec sa contre-culture ».
L’intégration qui désigne le processus par lequel les individus participent à la vie collective par l’activité professionnelle, l’apprentissage des normes de consommation, l’adoption de comportements sociaux et familiaux, l’établissement de relations avec les autres est un enjeu majeur. La politique d’intégration devra répondre au double objectif d’apporter aux immigrés les instruments qui leur permettent d’évoluer dans la société dans laquelle ils vivent et de développer leur potentiel, tout en préservant leur identité culturelle et ethnique, et de familiariser la population autochtone aux droits des immigrés, à leur culture, à leurs traditions et à leurs besoins.
La nation est formée de populations diverses par leur culture, leur milieu social, leur religion, leur origine régionale ou nationale. Le respect du particularisme privé est inscrit dans les règles de la démocratie.
Nous devrons nous interroger toutefois sur le degré de reconnaissance des croyances et des identités individuelles, pour ne pas faire exploser la cohésion nationale, car il existe des domaines de confrontation entre le public et le privé. Le problème - politique - sera de définir ce qui appartient au public et ce qui relève du privé, ce qui revient à définir ce qui relève des choix politiques et juridiques et ce qui relève des choix individuels : foulard islamique, excision, revendications particularistes doivent-elles être reconnues publiquement, politiquement et juridiquement ?
Les pistes de réflexion sont nombreuses ; le chemin sera long et peut être douloureux.
Mais c’est à ce prix que nous pourrons avec humanisme et bonne volonté réussir.
NB : le Haut Conseil à l’intégration définit un immigré comme une personne née étrangère à l’étranger et entrée en France en cette qualité en vue de s’établir sur le territoire français de façon durable. Un immigré peut donc être Français s’il a acquis la nationalité française après son entrée en France par naturalisation, par mariage ou par filiation ; inversement, un étranger né en France ne sera pas considéré comme immigré.