Immigration illégale : contre le principe du quota d’expulsions

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 12 septembre 2007

Ce mercredi 12 septembre 2007, Brice Hortefeux convoque les préfets « mauvais élèves » qui n’ont pas atteint le nombre voulu d’expulsions de clandestins afin de les « remobiliser ».

Ce n’est pas nouveau, mais ce qui m’étonne, c’est l’absence de réaction sur le sujet.
L’immigration clandestine est un acte illégal. Elle doit être réprimée au même titre que d’autres actes illégaux. Ce qui est donc très normal.

La spécificité d’un immigré clandestin (ou, autrement dit, d’un "sans-papiers"), c’est qu’il se cache. Justement pour éviter d’être reconduit à la frontière. Parfois, il réussit à trouver du travail. Forcément au noir, pour la même raison. Parfois même, il met ses enfants à l’école. Le plus discrètement possible.

Nous pouvons toujours discuter des conditions pour avoir sa carte de séjour, pour devenir réfugié, ou pour être naturalisé français. Être plus ou moins laxiste. Selon des considérations éthiques ou électorales.

Mais il est normal de refuser l’entrée en France des personnes qui ne correspondent pas à ces conditions.

Certes, la loi a laissé certaines personnes entre deux statuts. Notamment les parents d’enfants nés en France qui sont, donc, Français, mais pas leurs parents, et que la France ne peut décemment pas renvoyer dans leur pays d’origine si les enfants ont le droit de rester et d’être scolarisés.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait ainsi régularisé un grand nombre de "sans-papiers". Pour conforter un point de vue moral. Malheureusement, cet appel d’air a créé de nouvelles immigrations clandestines.

Refuser purement et simplement la régularisation dans bien des cas est également contraire à tout considération humaine, comme ce très bon élève kazakh qui a failli être expulsé en juin 2006 malgré le soutien unanime de tout son lycée (enseignants et direction).

Régulariser au cas par cas, sans bruit, sans couverture médiatique me semblerait donc être la meilleure solution.

Il n’empêche que pour les autres cas (moins litigieux), il est nécessaire d’appliquer la loi. C’est-à-dire de reconduire à la frontière les immigrés clandestins.

Là où je m’étonne, c’est d’abord qu’on puisse donner une estimation du nombre des immigrés clandestins : entre deux et quatre cent mille personnes seraient en situation irrégulière en France. Comment les autorités le savent-elles ? Connaissent-elles ces personnes ?

Mais mon étonnement est encore plus grand dans l’objectif fixé par le gouvernement, plus particulièrement par le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement Brice Hortefeux. Ou plutôt par le président Nicolas Sarkozy.

En effet, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait fixé en janvier dernier l’objectif de vingt-cinq mille expulsions pour l’année 2007. Le 20 août 2007, Brice Hortefeux avait admis lui-même qu’il serait très difficile d’atteindre cet objectif.

Encore une fois, nous pouvons discuter de la manière d’interpeller et de reconduire à la frontière les personnes en situation irrégulière (manière forte, douce, charter, sous escorte, etc.) et c’est toujours dommageable à l’image de la France d’utiliser la méthode brutale.

Mais ce qui me choque, c’est le principe même d’instituer un quota de reconduites à la frontière.

Car cette démarche ne résout aucun problème (on nous dit qu’il y a au moins 200 000 clandestins et on ne demande à en expulser que 25 000 par an, pourquoi pas plus ? Les 175 000 autres seraient-ils plus chanceux ?).

Elle ne fait qu’attiser injustice humaine et honte.

C’est comme si on décidait qu’on voulait absolument arrêter au moins 25 000 voleurs par exemple cette année. C’est une conception totalement planificatrice, étatique et dirigiste de la réalité sociale et humaine du pays.

Elle aboutit à de sérieuse dérives.

Ainsi, ce préfet dans le nord-ouest de la France, qui expliquait en mars dernier qu’il ne pouvait rien faire (pour améliorer la situation de jeunes scolarisés en situation irrégulière et qui, pourtant, ont eu un comportement exemplaire en France) avant l’élection présidentielle (pour ne pas donner électoralement l’impression que le gouvernement était laxiste).

Ou dans cette autre préfecture, où l’on racontait que pour atteindre l’objectif, à la fin de l’année, ils allaient reconduire à la frontière un certain nombre de personnes connues déjà de ses services en sachant pertinemment que trois jours après, celles-ci reviendraient clandestinement en France.

Bref, cette politique de quota d’expulsion n’a assurément aucune efficacité dans le long terme, mais garantit une vitrine politique qui peut se révéler peut-être utile à la popularité du gouvernement, mais affligeante pour les valeurs humanistes de la France car de nombreuses destinées humaines sont ainsi mises à mal avec ce médiocre jeu.

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