Immobilier résidentiel : expliquer la hausse pour anticiper la baisse

par picking
mardi 22 juillet 2008

Voilà près de dix ans que les prix de l’immobilier résidentiel explosent à coup de hausses annuelles à deux chiffres. Mais, depuis plusieurs mois, les signes d’un retournement de tendance se font plus visibles : baisse significative du volume des transactions et augmentation corrélative des stocks des agences immobilières et promoteurs, augmentation des refus opposés par les banques pour financer les acquisitions résidentielles, ou encore désertion des investisseurs institutionnels du marché locatif. Les dernières notes de conjoncture constatent même une baisse des prix dans un grand nombre de régions françaises.

Dans ce contexte, les candidats à l’accession peuvent adopter une attitude dogmatique et acheter le bien de leur rêve, persuadés qu’en période de crise l’immobilier est une valeur refuge qui ne baisse jamais, ou au contraire différer leur achat, persuadés que l’immobilier est une valeur en haut de cycle amenée à s’ajuster automatiquement à la baisse. Ils peuvent également adopter une attitude plus rationnelle et tenter d’identifier les facteurs de la hausse de ces dernières années afin d’analyser leur évolution à court ou moyen terme.

L’assouplissement des conditions de prêt a été l’élément déclencheur de la hausse

La hausse des prix de l’immobilier n’est pas un phénomène isolé, mais s’inscrit au contraire dans un contexte plus global de hausse des valeurs de la plupart des actifs due à l’afflux de liquidités sur les marchés.

Pour s’en convaincre, il suffit de comparer grossièrement la situation d’un acquéreur en 1995, point bas du marché immobilier, et sa situation à capacité identique en 2004, année de l’envolée spectaculaire des prix. En 1995, une résidence principale était généralement financée par un apport et un prêt sur quinze ans au taux de 8 % environ sans que l’endettement moyen du ménage ne dépasse 20 % à 25 % de ses ressources. En 2004, le financement pouvait être assuré sans apport ou presque avec un prêt sur vingt ans, vingt-cinq ans voire trente ans au taux de 4 % en moyenne. En outre, l’euphorie de ces années a conduit les banques à une certaine flexibilité dans l’appréciation du risque de l’emprunteur, crevant dans certains cas le plafond psychologique des 33 % d’endettement.

Dans ce contexte, un foyer qui déboursait une mensualité de 1 000 euros en 1995 pouvait débourser 1 400 euros en augmentant son taux d’endettement. Ce facteur, allié à la baisse des taux et à la hausse des durées d’emprunt, lui permettaient en 2004 de financer sur vingt ans un bien d’une valeur de 200 000 euros environ contre 100 000 euros environ neuf ans plus tôt. Coïncidence ou non, l’augmentation de la capacité d’achat des ménages correspond à peu près à l’augmentation des prix de l’immobilier durant cette période.

Dès lors, et contrairement à une idée répandue, les conditions attractives du marché du crédit n’ont pas profité à l’acquéreur de 2004 qui ne pouvait guère acheter un immeuble de meilleure qualité qu’en 1995 alors qu’il augmentait le coût de son crédit. Les grands gagnants de la hausse ont été les banques qui ont vu les montants et les durées d’emprunt augmenter, mais aussi et surtout les agents immobiliers, les notaires et l’Etat, tous trois bénéficiant d’une rémunération proportionnée au montant des transactions.

La forte demande et le cercle vertueux ont maintenu la progression des prix

Alors même que les taux d’intérêt avaient commencé à augmenter et que la capacité d’emprunt des ménages était parvenue à son maximum, les prix ont poursuivi leur hausse, dopés par une demande forte. Pour justifier ce déséquilibre entre offre et demande, les arguments le plus souvent invoqués tiennent des changements démographiques ou encore de la volonté de se loger et d’investir afin de faire face à un régime de retraite aléatoire. Est également régulièrement mis en avant le comportement moutonnier qui consiste à investir quand ça monte et désinvestir quand ça baisse.

Ces explications ne suffisent pourtant pas à expliquer que les particuliers aient préféré payer le plus souvent des intérêts d’emprunt d’un montant supérieur au loyer qu’ils auraient versé pour un logement équivalent ou investir dans la pierre pour un rendement net inférieur à celui d’un placement sécurisé. Le comportement des ménages a en fait suivi celui des investisseurs de cette période : lorsque l’argent est bon marché en période de hausse, le levier financier est démultiplié et augmente significativement le potentiel de gain en cas de revente. Avec une hausse annuelle des prix de l’immobilier résidentiel de 10 %, le gain pouvait être de 10 000 euros pour environ 7 500 euros investis en un an seulement, soit un rendement annuel de plus de 100 % !

Le durcissement des conditions de crédits implique une baisse mécanique de 8 %

Le plus connu des paramètres du durcissement des conditions de crédits auquel nous assistons est bien entendu la hausse des taux d’intérêt. En passant de 4,4 % en moyenne à 5,4 % anticipés pour les semaines à venir, la baisse de pouvoir d’achat immobilier s’établit mécaniquement à 8 %.

Plus subtiles sont ceux de ces paramètres qui découlent directement de la crise financière actuelle et qui participent très directement à l’aversion des banques au risque, banques qui ont désormais coupé le robinet du crédit pour le financement de la plupart des actifs, y compris immobiliers. Le taux de refus de prêt serait ainsi passé de 3 % à près de 20 % en quelques mois et les durées d’emprunt seraient sensiblement réduites. Cette nouvelle politique a pour conséquence d’exclure une grande partie des primo-accédants qui alimentent le marché en argent frais.

L’absence de plus-value immobilière à court terme pourrait accentuer la baisse

Dans un contexte de marché baissier, l’effet de levier financier devient négatif puisqu’avec une baisse annuelle de 8 %, un ménage pourrait réaliser une perte annuelle correspondant à la totalité de son investissement annuel. Comment justifier dès lors l’acquisition plutôt que la location, le placement dans la pierre plutôt que dans une épargne sécurisée ?

Si l’on ajoute à cela l’attentisme des ménages, comportement compréhensible en période d’incertitude et le basculement des psychologies, la baisse mécanique de 8 % pourrait bien devenir fantaisiste et le cercle vertueux pourrait bien se transformer en cercle vicieux.

Ainsi, si le marché immobilier français n’a pas connu les subprimes à l’américaine, le boom de la construction à l’espagnole ou le taux d’endettement à l’anglaise, il n’est plus à l’abri d’un retournement brutal dans les prochains mois.

Le plus sage en ces temps d’incertitude est donc de fuir les prédictions chiffrées à la virgule près des analystes et, de reprendre à son compte la formule du célèbre milliardaire Warren Buffett qui conseille de « n’acheter que ce que ce que vous seriez parfaitement heureux de détenir si le marché devait chuter pendant dix ans ».

Seul le plaisir n’a pas de prix !


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