Impôts locaux, de taxes en taxes et surtaxes, TROP c’est TROP !... Faut-il une insurrection fiscale ?

par Daniel MARTIN
lundi 31 octobre 2016

D’un projet de taxe spéciale d’équipement régional (TSER) « enterré » provisoirement, quand après l’avoir été démenti, l’idée de taxer les propriétaires occupants refait surface

François Hollande nous ressort de temps à autre sa tarte à la crème de baisse des impôts. Mais de quels impôts parle-t-il ? Des impôts sur le revenu, bien sur. Ne s’agit-il pas, en fait, qu'un écran de fumée ?... Quand on sait que toutes les ponctions faite sur les impôts locaux, en particulier la taxe d’habitation et la taxe foncière ne cessent d’augmenter… Après que de très nombreuses communes aient augmenté en 2015 de façon très sensible les impôts locaux, parfois jusqu’à 15 % voire beaucoup plus, François HOLLANDE et son Gouvernement sont à la recherche de la création d’un nouvel impôt, par le biais de la fiscalité locale. Après avoir provisoirement « enterré » la Taxe Spéciale d’Equipement Régional (TSER), suite à une rumeur qui circulait sur les réseaux sociaux de taxer les propriétaires selon la valeur de leur résidence principale, en fonction d’un loyer qu’ils paieraient s’ils y étaient locataires, Le secrétaire d’État au Budget, Christian ECKERT, avait démenti formellement à l’Assemblée nationale cette information et indiqué que ce n’était qu’une rumeur sans fondement. Mais qu’en est-il vraiment ?

Les démentis des Ministres n’engageraient-ils que ceux qui les écoutent ?

Cette semaine, l’Observatoire français des conjectures économiques dans une note intitulée « quelles réformes de l’imposition sur le capital pour les hauts revenus ? », il est indiqué que la France possède l'un des plus forts taux moyen de prélèvement sur le capital, mais que l’un des grands absents de cette taxation est... le logement principal. INCROYABLE ! Quand on sait que dans ce domaine la France bat des records d’imposition en Europe

Cet institut des conjonctures économiques semble ignorer que dans notre pays le logement est particulièrement taxé. Taxe d’habitation, taxe foncière sur le bâti, taxe foncière sur le non bâti, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, surtaxe sur les terrains non bâtis concernant certaines agglomérations dites à habitat tendu, etc. Mais qu’importe, parmi les pistes de réformes pour y remédier il songe à faire payer des prélèvements sociaux aux propriétaires occupants. Il s’agirait donc d’ajouter au revenu taxable d’un propriétaire, le loyer réel qu’il percevrait s’il décidait de louer sa résidence principale.

En clair, il s’agirait d’ajouter un revenu fictif aux propriétaires correspondant aux montants des loyers qu’ils auraient payés pour occuper le logement, puis de fiscaliser ce revenu.

Vous avez fait des sacrifices toute votre vie pour acquérir votre logement, pour vous mettre à l’abri, vous et votre famille. A cause de quelques économistes et des fiscalistes qui se posent régulièrement la question : faut-il ajouter à votre revenu imposable les loyers fictifs (ou implicites) correspondant à l’occupation du logement ?... une telle proposition est immédiatement perçue comme une aberration, ce qui est normal, mais pas pour ces spécialistes du sujet qui peuvent parfois s’égarer, tellement ils sont loin de la réalité et ne se rendent pas compte que votre droit de propriété est aujourd’hui menacé par leurs propositions. Pire encore, vos enfants, ou vos héritiers, seront taxés à leur tour chaque mois sur le bien que vous leur transmettrez…

Il y a quelques mois, Michel SAPIN, actuel Ministre de l’économie et des Finances avait également affirmé être opposé à ce qu’il qualifiait alors de « folle rumeur »… Mais ne nous a-t-on pas habitué dans un passé récent à des démentis des Ministres qui n’engageaient que ceux qui les écoutaient ? Rappelons nous ce Ministre du Budget qui déclarait « les yeux dans les yeux » : … « Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant. » … On a vu par la suite, ce qu’il en était… 

Pourquoi taxer les « loyers implicites » ?

Deux arguments sont invoqués : la justice fiscale et la neutralité fiscale. Les loyers payés par des particuliers locataires ne sont pas déductibles du revenu imposable. Les propriétaires, eux, occupent gratuitement leur logement mais en retireraient un avantage en nature non imposable. Selon nos grands penseurs de la fiscalité équitable, il faudrait donc ajouter au revenu du propriétaire la valeur estimée de cet avantage en nature. Le propriétaire serait ainsi dans la même situation fiscale que le locataire. Pour ces spécialiste de la » la justice fiscale et la neutralité fiscale » cette différence de traitement entre locataire et propriétaire est analysée comme une injustice.

 Aberration de plus et fausse solution à l’équité fiscale.

Les situations de propriétaire et de locataire sont très différentes à beaucoup d’égards, déterminer l’appréciation de l’équité n’est pas simple, sinon impossible. Rappelons que le propriétaire de son logement est déjà soumis à un impôt sur le capital immobilier avec la taxe foncière, à laquelle peut s’ajouter une surtaxe sur les terrains non bâtis concernant certaines agglomérations dites à habitat tendue. En plus il a la responsabilité de l’entretien et de toutes les réparations importantes et coûteuses de son logement. Il convient de noter également que l’évolution récente de la fiscalité a été très défavorable au propriétaire accédant. Les intérêts d’emprunt faisaient l’objet d’un crédit d’impôt qui a été supprimé.

On peut souligner que les locataires, suivant leur situation, peuvent bénéficier d’aides publiques, notamment les locataires à revenus faibles, bien que depuis juillet 2016, les aides au logement ont subi deux « coups de rabot » qui affectent plusieurs centaines de milliers de bénéficiaires. Leur aide au logement a soit diminué, soit a été complètement supprimée.

 Selon Eurostat, environ 60% des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale, 16% des ménages bénéficient de logements sociaux et payent donc un loyer très inférieur au prix du marché. Les autres, soit environ un quart des ménages, sont locataires au prix du marché, mais peuvent bénéficier de prestations publiques type APL (aide personnalisée au logement). La situation est loin d’être simple et il est donc difficile, sinon impossible de se prononcer sur le degré d’équité, dont le pouvoir politique, appuyé dans ce domaine par une myriade de « spécialistes » à son service, cherche en vain d’imposer de nouvelles recettes fiscales sur les impôts fonciers au nom de la justice fiscale… Qui n’est rien d’autre qu’une aberration fiscale de plus…

Aberration fiscale et impact économique

Ce type de fiscalité qui se traduirait par une nouvelle forme de taxation des propriétaires de leur logement aurait incontestablement une incidence défavorisant l’accession à la propriété des logements. Elle aurait de fait un impact négatif important sur le secteur du bâtiment qui se traduirait par une baisse d’activité avec de nombreux chômeurs à la clé... Actuellement, l’activité du bâtiment comporte un grand nombre d’entreprises artisanales travaillant sur de petits chantiers de maisons individuelles et d’appartements (réparations, constructions ou rénovations). Pour 2015, la Fédération française du bâtiment (FFB) fournit les chiffres suivants : 380 300 entreprises de moins de 11 salariés sur un total de 401 100 entreprises, dont 94 100 micro-entreprises. Le secteur emploie 1 051 000 salariés.

Croissance démographique avec densification des centres urbains et étalement des zones périurbaines n’est pas pour autant synonyme d’accession à la propriété

Avec une population qui ne cesse de croître, à laquelle s’ajoute des vagues de migrants les besoins en logement ne cessent également d’augmenter, mais cela s’accompagne-t-il pour autant d’une croissance de l’accession à l’habitat ? A priori on pourrait dire oui, mais qu’en est-il réellement ?

Par exemple, entre 2002 et 2012 la population Française s’est accrue de 6,5 %. (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1429) alors que d’après les statistiques de l’INSEE, pendant la même période le taux de ménages français qui est propriétaire de sa résidence principale augmente très légèrement d’année en année, 58.2 % de propriétaires en France en 2012, contre 56.1 % en 2002. Soit une progression de 2,1% ( http://www.immobilier-danger.com/Faut-il-toujours-plus-de-653.html)

Ajouter un revenu fictif aux propriétaires correspondant aux montants des loyers qu’ils auraient payés pour occuper le logement, puis de fiscaliser ce revenu et dans certaines agglomérations dites « à habitat tendu » où est appliquée une  surtaxe sur les terrains non bâtis n’encourage guère à devenir propriétaire dans ces zones d’habitat.

De plus, l’idée de créer une  surtaxe sur les terrains non bâtis concernant certaines agglomérations dites à habitat tendu est scandaleuse.

Rappel : Entrée en vigueur en 2015, cette mesure censée « permettre la libération du foncier et la construction de logements » dans quelque 600 communes avait entrainé la surtaxe sur les terrains non bâtis constructibles situés dans les zones "tendues". Modifiée en 2016, mais également en 2017 afin d'empêcher les dérives apparues en 2015, selon un amendement au projet de loi de finances rectificative déposé par le gouvernement. Il change le calcul de la valeur locative (la base d'imposition) de ces terrains, actuellement majorée de 25 % puis de 5 €/m². Le texte créait à partir de 2016 un abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Au-delà, la majoration de 25% était maintenue et celle de 5 euros par mètre carré suppriméeEn 2017, la règle des 25% sera supprimée et une nouvelle majoration de 3 €/m² sera créée.

Les collectivités locales (communes et intercommunalités) auront toutefois la possibilité d'en fixer le niveau entre 1 et 5 €/m², ainsi que de supprimer l'abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Ce dont certains Maires ne se priveront pas en prétextant une baisse des dotations de l’Etat… Les promoteurs de cette mesure qui aggrave considérablement la fiscalité locale de ceux qui possèdent une parcelle ou partie de terrain constructible, mais non bâti, dans l’une des vingt-huit agglomérations dites tendues comme Paris, Toulouse, Lyon, Montpellier, Lille, Marseille, Aix en Provence, où la demande de logements est supérieure l’offre, estiment que cela contribuera à la libération du foncier et à la construction de logements dans les zones où les tensions immobilières sont les plus fortes.

Cette surtaxe est proprement inique.  Certains propriétaires concernées par cette disposition fiscale ont vu ou verront leur impôt exploser dans des zones où le foncier est rare. Des taxes foncières qui passent ainsi pour des particuliers de quelques centaines d’euros à plusieurs milliers… Le journal « Le Parisien » citait l'exemple d'un chef d'entreprise dans l'Essonne dont la taxe foncière est passée de 451 euros à 71.051 euros pour une parcelle de 35.000 mètres carrés… C’était faire fi de la contrainte particulière d’une entreprise qui a forcément besoin de surface non bâtie pour ses besoins annexes.

La surtaxe sur les terrains non bâtis concernant certaines agglomérations dites à habitat tendue ne peut que contribuer à un emballement démographique des zones urbaines concernées.

Non seulement ce type de surtaxe entrainera la densification urbaine, avec par voie de conséquence également l’étalement urbain et d’une manière plus générale contribuera à un emballement démographique dans les centres villes incompatible avec une meilleure qualité de vie pour les habitants. Certes, plus on développe l’habitat, plus il y a des recettes fiscales… Si on y ajoute la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) qui peut varier très sensiblement quand on franchi certains paliers par rapport au nombre d’habitants dans une commune, la boucle est bouclée…

Les impôts locaux, prélevés par les collectivités locales, sont nécessaires pour l'entretien des infrastructures locales ou le fonctionnement de services utiles aux communes qui les prélèvent, mais qu’en est-il ?

J’ai déjà eu l’occasion de rappeler que c'est effectivement la motivation avancée dans tous les pays d'Europe. Les taxes et l’impôt local correspondent théoriquement à la rémunération d'un service. C'est le cas dans les autres pays, mais pas en France, les contribuables peuvent le constater, c’est une bizarrerie bien française de plus sur le principe. Les propriétaires doivent payer les taxes qui correspondent aux équipements et les occupants celles qui sont liées à l'utilisation de services. Or, par exemple, la taxe pour le ramassage des ordures ménagères est intégrée en France à la taxe foncière qui est payée seulement par les propriétaires. La loi prévoit que le propriétaire bailleur peut récupérer cette taxe des ordures ménagères sur son locataire. C'est d'ailleurs la seule, mais c'est tout de même illogique. Autre bizarrerie Française avec la redevance télé qui est un impôt d’Etat également intégré à la taxe d’habitation, impôt local, que tous les citoyens ne payent d’ailleurs pas, y compris parmi ceux qui paye la taxe d’Habitation…

Les collectivités locales ayant de plus en plus besoin de liquidités, ne se sont pas gênées pour augmenter les taux de taxe foncière très largement au-dessus de l’inflation. Le produit de ces taxes a augmenté de 69,4 % entre 2004 et 2013, soit de 28 à 47,5 milliards d’euros.

Au niveau Européen, la France est la championne des impôts locaux, ce qui semble aller de pair avec le nombre d’élu(e)s et collectivités locales. Pour rappel : Au 1er janvier 2015, on recense 2.133 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre sur le territoire français, dans lesquels sont regroupées les 36.614 communes. Parmi ceux-ci, on dénombre 11 métropoles, 9 communautés urbaines, 226 communautés d'agglomération, 1 884 communautés de communes et 3 syndicats d'agglomération. La France détient la palme avec 41% du total des communes de l’Europe. Avec 618.384 élus, elle détient de très loin le record du monde, ce qui représente 1% de la population française. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont 4 fois ½ de moins de parlementaires pour 4,7 fois plus de population. En France, on a un élu pour 104 habitants. Au Royaume-Uni avec 24.000 élus, c’est un élu pour 2.600 habitants. L’Allemagne quant à elle, compte 30 % de parlementaires par habitant en moins que l’Assemblée nationale française !!!

Pour conclure

Comme je le rappelais dans un précédent article, outre la suppression du « mille feuille « à la Française et le nombre d’élu(e)s correspondant, à l’instar des autres pays Européens qui s'en sortent plutôt mieux que les Français, il faut créer un seul impôt local équitable qui fait payer à tous les citoyens réellement les services locaux, préserve la Biodiversité, lutte contre les pollutions et encourage les économies d’énergie, en excluant certaines taxes ou redevances qui doivent relever de la fiscalité de l’Etat. Il faut également redéfinir des nouvelles règles pour l’octroi de la DGF aux communes pour éviter qu’un Maire soit tenté par une expansion démographique constante sur sa commune. En fonction de la superficie et des contraintes géographique, pour stopper la densification de l’habitat, il faut que le montant par habitant de la DGF soit majoré ou minoré de manière à encourager les Maires à prendre des dispositions pour fixer un seuil d’habitants au-delà duquel sa commune ne peut plus en recevoir et qui doit se traduire par l’arrêt momentané de toute nouvelle construction… La problématique démographique avec des déséquilibres d’une zone d’habitat à l’autre doit être intégrer prioritairement dans toute réforme de la fiscalité locale.


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