Impôts locaux : Une aberration fiscale française à laquelle il faut mettre un terme

par Daniel MARTIN
samedi 15 juillet 2017

La France championne d’Europe pour la taxation de l’immobilier

Si une fiscalité locale existe bien dans les autres pays Européens, de façon très inégale par ailleurs, la France est la championne des impôts locaux,plusieurs taxes s'appliquent à l'immobilier :

Taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, à laquelle peut s’ajouter une surtaxe de 3 euros par m2 au-delà de 200 m2 dans certaines zones à habitat à flux tendu. Les collectivités locales (communes et intercommunalités) ayant toutefois la possibilité d'en fixer le niveau entre 1 et 5 euros par m2, ainsi que de supprimer l'abattement pour les 200 premiers m2. Taxe sur la vente de terrains agricoles rendus constructibles, taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), taxe ou redevance d’enlèvement des ordures ménagères, taxe contribution économique territoriale (CET) qui à remplacé la taxe professionnelle depuis 2010 pour les entreprises. Les communes peuvent également crée des taxes supplémentaires et circonstanciées, telle la taxe de balayage, lorsqu'elles assurent le balayage de la superficie des voies livrées à la circulation publique qui incombe aux propriétaires riverains, mais aussi la taxe de trottoirs, la taxe de pavage…Sans oublier la taxe Spéciale d’Equipement Régional (TSER) qu’avait imaginé le Gouvernement VALLS, à laquelle on a finalement échappé.

Championne également pour taxer l’achat d’un logement neuf

J’ai eu l’occasion de rappeler que le fisc prélèverait ainsi jusqu’à 56% du prix d’achat d’un logement (https://www.challenges.fr/economie/immobilier-la-france-championne-d-europe-de-la-taxation-des-acquereurs_59403). Pour décerner ce triste laurier à la France, des experts ont comparé le sort réservé à l’acheteur d’un bien neuf de 200.000 euros dans plusieurs pays de la l’Union Européenne. En France si plusieurs taxes s'appliquent à l'immobilier, le problème, c'est qu'il n'est pas « délocalisable » et c'est le propre de l'imagination française de créer des systèmes qui permettent de taxer un maximum ce qui indispensable à chaque citoyen, à savoir se nourrir, se vêtir, s’instruire, se soigner et se loger etc. D’autre part, la taxe d'habitation est la plus élevée pour une taxe équivalente des pays de l'OCDE en pourcentage du PIB. En 2010, la moyenne des pays de l'OCDE se situe en effet à 1,8 %, chiffre stable qui s'est abaissé de 1,9 % à 1,8% en 2008. 

Le taux de la France se situe quant à lui à 3,7 %, chiffre en augmentation globale depuis 1985, où il s'élevait à 2,5 %, et constante depuis 2007 (3 %). Par comparaison, l’équivalent de la taxe d'habitation allemande se situait à 0,8 % en 2010.

Des explications pour justifier cette situation de la fiscalité locale

Les impôts locaux, prélevés par les collectivités locales, sont nécessaires pour l'entretien des infrastructures locales ou le fonctionnement de services utiles aux communes qui les prélèvent, mais qu’en est-il ? C'est effectivement la motivation avancée dans tous les pays d'Europe. Les taxes et l’impôt local correspondent, théoriquement, à la rémunération d'un service. C'est le cas dans les autres pays, mais pas en France, les contribuables peuvent le constater, c’est une bizarrerie bien française de plus sur le principe.

Les propriétaires doivent payer les taxes qui correspondent aux équipements et les occupants celles qui sont liées à l'utilisation de services. Or, par exemple, la taxe pour le ramassage des ordures ménagères est intégrée en France à la taxe foncière qui est payée seulement par les propriétaires. La loi prévoit que le propriétaire bailleur peut récupérer cette taxe des ordures ménagères sur son locataire. C'est d'ailleurs la seule, mais c'est tout de même illogique. Autre bizarrerie Française avec la redevance télé qui est un impôt d’Etat également intégré à la taxe d’habitation, impôt local, que tous les citoyens ne payent d’ailleurs pas, y compris parmi ceux qui paye la taxe d’Habitation…

Suppression de la taxe d’habitation à partir de 2018 pour 80% des ménages, suivant la promesse d’Emmanuel MACRON                      

Comme le souligne Emmanuel MACRON, la taxe d’habitation est un impôt injuste. J’ajouterai qu’il est surtout inéquitable.

En son article premier de la constitution il est écrit : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion »… La constitution étant l’organe supérieur du Droit, on peut s’étonner que le droit fiscal local transgresse cet article, dès lors qu’il établit l’inégalité devant la loi entre citoyens…

La taxe d’habitation varie fortement selon la commune : les communes les moins dotées en activités économiques, celles abritant les habitants les plus modestes, étant souvent contraintes de pratiquer les taux les plus élevés. La taxe d'habitation, dont des exonérations sont par ailleurs accordées en fonction du revenu sont limitées aux contribuables âgés ou dépendants, et dans la limite d’un plafonnement en fonction des revenus.

La taxe d'habitation dépend aussi de la qualité du logement occupé. De plus, les logements des centres historiques dont les valeurs n’ont pas été mises à jour malgré des rénovations bénéficient ainsi de taxation plus faible que des logements récents de standing équivalent. Au sein d’une même commune, la taxe d’habitation peut donc être répartie de manière très inéquitable.

L’équité n’est plus assurée, ni horizontalement (deux ménages occupant des logements similaires ne payent pas le même impôt), ni verticalement (l’imposition peut décroître avec le revenu). Ainsi, la taxe d'habitation pèse très lourd sur le revenu des ménages modestes, pèse sur le pouvoir d’achat des classes moyennes, mais représente une part très faible du revenu des ménages aisés (les veufs ou veu­ves et les personnes âgées de plus de 60 ans ne bénéficient toutefois pas de l’exonération de la taxe s’ils sont soumis à l’ISF).

La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages une bonne mesure pour les bénéficiaires, mais attention !                      

Actuellement, plus de 6 millions de contribuables ne paient pas la taxe d’habitation. Sont ainsi exonérées les personnes âgées dont les revenus sont modestes, mais sous certaines conditions toutefois : soit être bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), soit avoir plus de 60 ans ou, quel que soit l’âge, être veuf (ou veuve) et ne pas avoir disposé, en 2015, d’un revenu supérieur à 10.697 euros (majoré de 2.856 euros par demi-part de quotient familial), soit être handicapé et ne pas pouvoir subvenir à ses besoins par son travail, ou être titulaire de l’allocation aux adultes handicapés, ou encore ­héberger un enfant connaissant les mêmes difficultés (le tout avec les mêmes limites de revenus que dans le cas précédent). De plus, le 1er janvier de l’année d’imposition, il faut impérativement vivre seul ou avec son conjoint, ou avec un enfant majeur non à charge et inscrit comme demandeur d’emploi, ou avec des personnes titulaires de l’ASPA ou de l’ASI.

Avec la réalisation de la promesse de campagne électorale concernant la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages à partir de 2018, 4 Français sur 5 ne paieront plus la taxe d'habitation sur leur résidence principale. Le seuil sera celui d’un revenu fiscal de référence de 20 000 euros par an et par part (40 000 € pour un couple). Concrètement, un couple avec deux enfants sera exonéré de taxe d’habitation tant que son revenu est inférieur à 5 000 euros par mois.

Il est incontestable que si cette mesure va dans le bon sens, tous les bénéficiaires, dont je fais partie, ne peuvent que s’en réjouir. Bien sur, on aurait pu espérer que cet impôt soit totalement supprimé, ne serait-ce que pour se mettre en cohérence avec l’article premier de la Constitution. Ceci étant, il convient aussi d’être vigilant et inviter les députés de la majorité Présidentielle à veiller à mettre des « gardes fous « qui empêchent les élus locaux (maires et Président(e)s d’intercommunalités) de reporter sur la taxe foncière, un prétendu « manque à gagner » malgré la compensation par l’Etat la perte de la taxe d’habitation, à l’euro près. On se souvient que lors de la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales par le Gouvernement VALLS, malgré les soutiens apportés par l’Etat aux communes pour faire face à certaines dépenses ou aux prêts toxiques contractés par certaines d’entre elles, cela n’avait pas empêché certains Maires d’augmenter les impôts locaux de 5 à 15 %, voire plus, plutôt que de faire des économies, souvent réclamées d’ailleurs par des élus au sein de l’assemblée locale.

Pourquoi ne pas profiter de la suppression de la taxe d’habitation pour la majorité des contribuables, afin d’engager une réforme en profondeur de la fiscalité locale ?

Être en cohérence avec l’article premier de la Constitution, tout en assurant aux collectivités locales des ressources, en préservant la notion de solidarité et en permettant à chaque citoyen de participer, de façon équitable, aux dépenses de fonctionnement qui comprennent les frais de rémunération des personnels (premier poste de dépenses), les intérêts de la dette, c’est-à-dire les intérêts des emprunts, les dépenses d’entretien et de fournitures, les frais de fonctionnement divers correspondant aux compétences de la collectivité. Mais aussi aux dépenses d’investissement qui comprennent les remboursements des emprunts, les travaux d’équipement, les acquisitions immobilières et mobilières. Tel devrait être l’objectif de ce type de réforme.

Quelques rappels concernant les ressources financières des communes

Aujourd’hui, pour leur fonctionnement, les communes reçoivent de l’état une dotation globale de fonctionnement (DGF) et perçoivent des impôts locaux.

La DGF des communes comprend : 

La dotation forfaitaire des communes - La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) - La dotation de solidarité rurale (DSR) - La dotation nationale de péréquation (DNP). Pour en savoir plus : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/dotation-globale-fonctionnement-dgf-des-communes .

En plus de la DGF, les communes prélèvent des impôts locaux en appliquant un pourcentage sur la valeur locative des habitations et du foncier bâtie et non bâtie. Ce ne sont pas les élus locaux qui décident de la valeur locative des habitations, mais elle résulte de la valeur cadastrale et divers paramètres imposés par une règle nationale. D’une manière générale, on peut dire que : plus un logement est dit de « standing », c'est-à-dire riche en équipement, en qualité de matériaux, superficie, dont surface vitrée, plus la valeur locative est élevée. Et à l’inverse, plus ces critères sont faibles plus elle est basse. La valeur locative de l’habitation étant ainsi définie, les collectivités territoriales (communes, intercommunalités, Départements, Régions) vont fixer un pourcentage, dont l’addition va déterminer la somme à payer par le contribuable, sans oublier diverses taxes et les syndicats intercommunaux. Depuis 2011, une nouvelle taxe additionnelle a d’ailleurs été créée en compensation de la perte de part de taxe foncière sur les propriétés non bâties perçues par les régions et les départements.

Simplifier et réformer la fiscalité locale en intégrant la question démographique à celle de la territorialité.

Pour rendre plus cohérent juste et équitable une réforme de la fiscalité locale, cela passe par une refonte des diverses taxes actuelles, dont la taxe d’enlèvement des ordures ménagères en un seul impôt payable par tous les résidents occupant un logement dans la commune. Ce qui n’exclut pas la solidarité entre contribuables aisés et les plus pauvres, via des minorations de l’impôt à payer. 

Les critères devraient intégrer l’aspect démographique à celle de superficie territoriale. Afin d’encourager les communes à raisonner en terme de MENAGEMENT du territoire, c'est à dire à mieux maîtriser leur aménagement de l’habitat en protégeant les zones boisées et les terres arables, tout en en s’opposant à la densification des centres urbains qui génèrent de l’étalement désordonné dans les zones rurale de proximité, des majorations ou minoration des règles de calcul résidentiel devraient être instituées. Ainsi, plus une commune aura concentré de l’habitat intensif, afin de dissuader tout nouvel habitant de s’y installer, il devra être informé que, suivant le lieu du domicile, son impôt fera l’objet d’une forte majoration résidentielle.

Un impôt local payé uniquement par l’occupant du logement

Sachant que la notion de propriétaire d’un logement (appartement ou maison individuelle) n’impacte nullement les infrastructures locales ou le fonctionnement des services utiles aux communes, contrairement à la notion d’occupant, qu’il soit ou non propriétaire. C’est bien en qualité d’occupant d’un logement, personne physique, qu’il se déplace sur la chaussée et les trottoirs, utilise les services de la commune ou de l’intercommunalité. Comme chez certains de nos voisins Européens, Seul l’occupant (propriétaire ou locataire) doit donc payer l’impôt local. Il ne faut pas oublier que le propriétaire a à sa charge l’entretien du logement, voire des remboursements de crédit. 

Quel type de calcul ?

A l’instar d’autres pays Européens, le calcul d’un impôt local unique doit porter sur la valeur totale du bien qui est définie par la superficie, le site et éventuellement les surfaces non bâties (une estimation doit être faite tous les 5 ans), avec un pourcentage servant de base de calcul qui serait par exemple de 0,015 jusqu’à 200 000 euros et de 0,002 supplémentaire par tranche de 50 000 euros

Ce qui signifie que pour un bien estimé à 200 000 euros x 0,015 le montant de base de l’impôt serait de 3000 euros par part fiscale de l'occupant du logement. Le montant de l’impôt local correspondrait à un pourcentage appliqué sur cette somme par les collectivités locales concernées (communes, intercommunalités, Départements, régions, syndicats intercommunaux), de la même manière que ce qui se fait actuellement. Sans préjuger d’une éventuelle majoration résidentielle pour lutter contre certaines dérives d’urbanisation intensive, ou des minorations solidarités suivant les revenus, l’impôt à payer, d’après cet exemple, ne devraient toutefois pas être inférieur à 18/ 20% d’un minimum social correspondant au montant du RSA, soit environ 80 à100 euros par part fiscale occupant un logement.

La taxe pour résidence secondaire laissée vacante depuis plus de 5 ans devrait toutefois être maintenue.

La redevance télé doit être exclue de l’impôt local.

Pour conclure

Les impôts locaux en France doivent cesser d’apparaître, tel « un furoncle au visage de la fiscalité locale Européenne ». Mais au contraire, par une réforme profonde, la France doit donner l’exemple avec une fiscalité locale, simplifiée, cohérente, juste et équitable, dont tous les citoyens doivent s’acquitter. 


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