Incendie : immeubles à structure verre et acier

par Desmaretz Gérard
mercredi 11 octobre 2023

Samedi 30 septembre 2023, le feu « s’est déclaré dans un immeuble désaffecté de huit niveaux verre-acier vers 18 heures du quartier Saint-Julien à Rouen (Seine-Maritime). (...) Il s’est propagé à un second bâtiment verre et acier, voisin de quelques mètres qui s’est s’est effondrée vers 23 h. (...) Les pompiers ont constaté plusieurs départs de feu dans les étages d’un immeuble probablement squatté  ». Les deux bâtiments verre et acier datent des années 1970 et étaient vides depuis 2018. Le 7 septembre 2023, un incendie s’était déjà déclaré dans un immeuble verre et acier de la rue Jean-Philippe-Rameau (Rouen). En quarante ans, neuf des vingt-cinq immeubles construits par l'architecte Marcel Lods entre 1968 et 1970 ont été la proie des flammes, et huit personnes ont péri lors des incendies.

En 1927 le médecin Dalsace souhaite moderniser son hôtel particulier de trois étages datant du XVIIIe siècle situé au 31 rue Saint-Guillaume à Paris,. La locataire du dernier étage refusant de quitter les lieux, ce niveau doit être conservé ! Les architectes Pierre Chareau, Bernard Bijvoet et le ferronnier Louis Dalbet imaginent une structure sur poteaux métalliques capable de soutenir le dernier étage. Les poteaux, poutres, poutrelles, canalisations et conduits seront recouverts d’une paroi de briques de verre carrées, une innovation de Saint-Gobain. Les cloisons intérieures délimitant les différents espaces de vie sont dressées avec des briques de verre elles aussi.

La Maison de verre classée monument historique a influencé des générations d’architectes, particulièrement l'architecte allemand Mies von der Rohe du Bauhaus qui voulait réunir architecture avec l'environnement. La farmworth House, une maison en verre translucide reposant au-dessus sol sur huit profils en « H » avec sa structure intérieure en verre opaque édifée en 1951 à Planos (Illinois). La démarche des architectes George et William Keck et leur Crystal House bâtie en 1933 est basée sur le chauffage solaire direct par les fenêtres avec l'intérieur.

L'ossature métallique a l'avantage d'être très résistante malgré le poids peu important de la charpente (1 m3 d'acier pèse près de 8 tonnes), donc de nécessiter moins de travaux de terrassement et de fondations. Les normes actuelles imposent des distances minimales entre les fenêtres de deux étages successifs, éventuellement complétée par une saillie du plancher afin de limiter la propagation par l'extérieur d'un incendie à l'étage supérieur. Les différentes parties de l'ossature sont très espacées les unes des autres et les plaques de verre (parement) maintenues sur leur poutre par éclisses métalliques. Les poteaux et les poutres peuvent être placés à l'intérieur du bâti ou à l'extérieur et visibles.

La tendance est aux grandes façades vitrées qui permettent à la lumière d’inonder l’intérieur du bâtiment, de disposer d'open spaces clairs et lumineux et d'offrir une vue sur l'extérieur. Le Centre d'Art Contemporain Georges Pompidou (Paris) conçu par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers inauguré le 31 janvier 1977 est un exemple typique d'une structure verre et acier. L'assemblage s'apparente à un jeu de construction. Les fondations terminées, on pose une série de poteaux « coiffés » d'une gerberette (système mobile sur un axe formant un bras de levier) qui permet de soutenir la poutre afin de l'arrimer à l'élément suivant. Un câble (tirant) vertical fixé à la gerberette et ancré au sol exerce une traction (principe du tire-fort ou de l'arc-boutant). Les niveaux supérieurs reposent sur l'empilement de nouveaux poteaux et la pose de nouvelles gerberettes et poutres.

« L'ensemble constitué de deux poteaux, de gerberettes, de poutres et de tirants forment un portique. Deux portiques côte à côte permettent de poser, entre deux poutres, les planchers. On obtient ainsi une travéeLe squelette du bâtiment est constitué de quatorze portiques, soit treize travées alignées dans sa longueur. Une fois toute la structure montée, les contreventements, fixés au bout du bras des gerberettes et croisés en diagonale, viennent assurer sa stabilité. On pose ensuite les façades qui sont comme des feuilles de papier transparentes séparant l'intérieur de l'extérieur. Tandis que les poutres traversent le bâtiment dans sa largeur, les poteaux, gerberettes, tirants et contreventements restent à l'extérieur ».

L'essor de la standardisation et la mise en forme des pièces en atelier avant leur livraison sur le chantier prêtes à être montées ont permis de construire des logements dans les délais de plus en plus courts et d'en réduire les coûts. La façade d'un immeuble se doit de répondre à des qualités techniques et à des normes : capacité porteuse - isolation et inertie thermique - isolation phonique - qualité esthétique - confort (hygrométrie, température des parois, aération) - luminosité - étanchéité (air, vent, eau) - sécurité (stabilité, absence de déformation - corrosion - résistance à des sollicitations exceptionnelles (choc, sismique, explosion) - entretien - durabilité.

Les bâtiments verre-acier sont les héritiers des maîtres verriers, des métallurgistes, de la révolution industrielle du XIX° siècle, et d'architectes audacieux. L'âge du fer qui succède à l'âge du bronze commence vers la fin du II° millénaire. Le fer est obtenu par la réduction du minerai au feu de bois ! La métallurgie exigeant un feu puissant, il faut attendre l'apparition du soufflet au XIV° siècle pour entretenir un feu plus intense en vue d'obtenir un fer de meilleure qualité. En 1856, le procédé Bessmer permet la production d'un acier seize fois moins cher qu'avec le creuset. L'acier va remplacer le fer forgé dans l'industrie, les machines outils, la construction navale, la charpenterie et l'automobile. A la fin du XIX° siècle les métallurgistes commencent à élaborer des aciers spéciaux (silicium, manganèse, tungstène, chrome, nickel). Il existe plus d'un millier de nuances d'acier !

Il y a cinq mille ans, au Moyen-Orient, un homme alluma un feu et retrouva plus tard dans le sable de petites perles translucides et brillantes, le verre était né. Les maîtres verriers allaient en améliorer le principe en mélangeant la silice à de la soude et à de la chaux et porter la composition à 1600°C pour obtenir un verre translucide. Si on lui ajoute à la formule de l'acide borique, le verre résiste à de brusques variations de température. On peut aussi le durcir en le portant à une température proche de son point de fusion puis le refroidir brusquement en le plongeant dans un bain d'huile. Le verre trempé offre la particularité de se briser en petits morceaux (anciens pare-brises). Le verre feuilleté fut créé au début du XX° siècle en collant ensemble du verre et une feuille de celluloïd à l'aide d'une presse d'imprimerie. Le polycarbonate a remplacé le celluloïd. Tout verre aussi résistant soit-il, ne peut résister aux contraintes que si les feuillures et dormants sont capables d'y résister ; point de fusion du PVC 125° C !

Les verres utilisés par les architectes sont fabriqués en verre flotté : teinte, transparence, résistance à la pression du vent et à la chaleur. Selon l'orientation de la façade, l'effet de serre surchauffe les espaces à vivre qui deviennent étouffantes et est à l'origine de la dilatation des matériaux et des ponts thermiques. Le phénomène étant réversible, la pose de joints de dilatation s'impose. L'installation d'un verre de contrôle solaire capable de filtrer les infra-rouges et limiter l’effet de serre apporte une solution. Le verre du futur sera actif, il pourra passer de transparent à opalescent sur simple commande électrique, et sera chauffant.

Il y a accumulation de chaleur lorsqu' en un lieu déterminé, il y a production ou admission d'une quantité de chaleur supérieure à celle qui peut être absorbée ou évacuée. L'accumulation de chaleur entraîne une élévation de température à tel point qu'elle peut provoquer l'inflammation de matières combustibles (tuiles en verre dans les combles). En cas d'incendie, la chaleur qui rayonne entre deux bâtiments situés à moins de 20 mètres l'un de l'autre accroît le risque de propagation de 25 %, 11 % à 30 m et 0,6 % à 40 m diminution du rayonnement de la chaleur en fonction des distances.

Tous les corps se dilatent sous l'effet de la chaleur et se contractent lors d'un refroidissement. Une poutre en fer de 10 mètres soumise à une température de 700 degrés centigrades s'allonge de 8,54 cm (1,22 x10-5 x 700 x10), dilatation suffisante pour entraîner un décalage de ses points d'appui (encastrement, pièce bridée). Si l'acier est quasiment incombustible, il reste un très bon conducteur thermique. La chaleur se propage à l'intérieur d'un corps solide ou d'un corps à un autre lorsqu'ils sont en contact ou par rayonnement s'ils sont suffisamment proches l'un de l'autre. La stabilité au feu dépend de la nuance de l'acier, de la contrainte, du type de profil, des liaisons (appuis simples, rotule, semelle), charge appliquée, et du facteur de massivité (rapport surface exposée au feu et au volume par unité de longueur).

La chaleur produit dans tous les corps une modification structurale. Il en résulte des tensions qui peuvent être à l'origine de torsions, flexions, éclatements ou rupture. La force portante d'une poutre de fer est réduite de moitié à 500°C et de deux tiers à 600°C. En cas d'incendie d'une structure verre-acier, il est difficile d'en prévoir le comportement. La structure peut s'écrouler soudainement alors sans signe annonciateur ! La résistance du verre est variable, porté à 500° il s'allonge de 3,15 cm par mètre linéaire, échauffé lentement il s'amollit avant de fondre (900 à 1100°C), et éclate sous l'action brusque de la chaleur ou d'un refroidissement (lance à incendie).

Ce n'est pas le principe de construction verre et acier qui a été à l'origine de la propagation de l'incendie des immeubles à Rouen. Le feu a été alimenté par les cloisons en bois (point d'allumage 280-340°C, valeur calorique 2700 à 4500 kcal/kg). A l'époque il fallait construire vite et à moindre coût. Des solutions visant à limiter le risque incendie existent : matériaux ignifuges, portes coupe-feu, cloisons renforcées, fenêtres en diagonale les unes des autres, escalier en-cloisonné, exutoire de fumée, saillie des planchers, peinture intumescente qui se transforme en mousse isolante sous l'effet de la chaleur (100°C), flocage (ciment, plâtre, vermiculite, fibres minérales), bétonnage entre les ailes des poutres (action retardatrice au feu pendant une trentaine de minutes), remplissage des poteaux avec une laine minérale afin que ceux-ci ne se transforment en autant de cheminées, etc., mais la réhabilitation a un coût.

La commune qui espérait la construction de 500 logements en a perdu 175 ! L'étude de l'Union sociale pour l'habitat estime qu'il faudrait créer 198 000 nouveaux logements par an en France, chiffre qui devrait s'amplifier avec l'arrivée continuelle de réfugiés politiques - économiques - climatiques - parias et la poussée démographique inhérente à une population jeune... Une correction, une précision, une information.

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