INDÉPENDANT, des prises de risque peu valorisées

par Ingrid Leddet
vendredi 8 septembre 2017

Les différences entre les travailleurs indépendants et les salariés sont à la fois d’ordre social, financier et humain. Le contrat qui lie le salarié à son employeur le protège contre la plupart des imprévus et lui garantit des avantages auxquels le travailleur indépendant n’a pas droit. Les nombreux risques encourus par un indépendant ne sont pas estimés à leur juste valeur.

L’Union européenne compte environ 35 millions de travailleurs indépendants. Le chiffre ne peut qu’être approximatif tant la définition varie d’un pays à l’autre. Selon l'Union Européenne, un travailleur indépendant est « un individu qui rend des services réels et authentiques à un autre individu en échange de percevoir une rémunération. Ce service peut être effectué sans rapport de subordination et de façon périodique, continue et régulière ». Travailleurs indépendants, travailleurs non salariés, freelance, auto-entrepreneurs, micro-entrepreneurs ou encore « profession libérale non-réglementée », peu importent leurs spécificités et leur appellation, ce qu’ils ont en commun à travers toute l’Europe, ce sont les risques économiques et sociaux encourus, qui peuvent être souhaités ou subis, car, rappelons-le, en France 28% des micro-entrepreneurs sont ou étaient des demandeurs d’emploi.

Selon une enquête de l’Insee, la proportion de travailleurs non salariés place la France parmi les pays de l'Union européenne où le travail indépendant est le moins répandu, même s’il est en nette augmentation. La moyenne européenne serait de 15 % des actifs contre 10% pour la France. D’après un sondage, aux critères beaucoup plus larges, réalisé par le cabinet de conseil McKinsey en 2016, 13 millions de personnes en France seraient des travailleurs indépendants, dont 5 millions en tireraient leur revenu principal et 8 millions un revenu d’appoint. Contrairement à certaines idées reçues, les jeunes de moins de 25 ans ne représenteraient que 22% des indépendants et les plus de 65 ans seraient tout de même 7% à compléter leur retraite par le biais du travail non salarié. Dans certaines professions techniques ou artistiques, les indépendants représentent jusqu'à 25% des actifs.

Dans une interview sur BFMTV, François Hurel, fondateur et président de l'Union des Auto-Entrepreneurs, affirme qu'aux États-Unis le nombre de travailleurs indépendants dépassera celui des salariés dans cinq ans. « On pense que le même chiffre est prévisible dans quinze ans en Europe ».

En attendant, actualité oblige, 4,6 millions d’indépendants seraient concernés par le RSI (Régime social des indépendants), organisme de droit privé issu des trois anciennes caisses de protection sociale des chefs d’entreprise, et qui fusionnera progressivement avec le régime général à partir du 1er janvier 2018.

Parmi les inégalités entre salariés et indépendants, citons le droit aux indemnités de chômage, les cotisations aux caisses de retraite, les conditions de congé de maternité, la couverture en cas d’accident du travail ou d’un arrêt de travail pour des raisons de santé.

Lorsqu’un travailleur indépendant, qu’il soit artiste ou électricien, est contraint d’arrêter temporairement son activité, il court le risque de perdre des clients et, dans tous les cas, il verra ses sources de revenus diminuer.

Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants et des TPE, révèle que, selon une enquête menée auprès de ses adhérents, le besoin principal en financement est le crédit de trésorerie. Or, seul le préfinancement du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) est connu des entreprises de moins de 10 salariés. La BPI (Banque Publique d’Investissement) leur est inconnue et le partenaire bancaire ne remplit pas son rôle d’informateur.

Une autre différence entre salariés et indépendants, dont l’importance n’est pas négligeable, c’est le droit à la formation continue qui permet de s’adapter à de nouveaux outils ou méthodes de travail, aux nouvelles technologies, à l’évolution de son secteur d’activité, afin de gagner en efficacité et de rester compétitif. Ce que les entreprises offrent à leurs salariés, le travailleur indépendant doit se le procurer lui-même et à ses propres frais.

Les travailleurs non salariés dans d’autres pays de l’Union européenne ne sont pas mieux lotis. Comme en France, les indépendants allemands et espagnols doivent verser une somme forfaitaire pour les cotisations sociales, un mois à l’avance, sans tenir compte de leurs revenus, tandis qu’en Italie la TVA est due avant la réception du paiement. Dans la plupart des pays, la progressivité des taxes et des cotisations en fonction des revenus n’a pas été implantée.

Cette inégalité flagrante entre salariés et indépendants dans les domaines de la santé, de la protection sociale, de la prévoyance, des obligations fiscales, du droit au crédit devrait faire l’objet au moins d’une préoccupation active, à défaut de mesures efficaces communes à tous les pays de l’Union européenne.

A part le Forum Européen des Professionnels Indépendants (EFIP) qui regroupe une douzaine d'associations nationales, il n’existe pas d’organisme officiel européen de représentation interprofessionnelle des indépendants, qui permettrait de participer aux réflexions et aux propositions des institutions européennes. De même, un système officiel européen, propre aux travailleurs non salariés et aux TPE de moins de 10 salariés, pourrait mettre en réseau l’offre et la demande dans l’Union européenne.

La question de l’auto-détachement d’un travailleur indépendant, non salarié, dans un autre pays de l’Union européenne se pose plus que jamais et mériterait l’attention de la Commission européenne.

 


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