Inéluctables inégalités sociales ?

par Claude Courty
samedi 16 juin 2018

Quelle que soit l’idée que chacun puisse se faire de la justice sociale, nul ne peut être indifférent au fait que vingt siècles après la naissance de la civilisation occidentale, le nombre de pauvres profonds dans le monde soit devenu plusieurs fois ce qu’était la population humaine totale de la planète, toutes conditions confondues et quel que soit le nombre de ceux qui échappent de nos jours à la misère. D’autant que cette même civilisation a vu se développer un progrès scientifique et technique qui a considérablement changé les conditions d’existence du plus grand nombre, partout dans le monde.

Mais se satisfaire de ce constat pour prétendre en changer les effets ne suffit pas. C’est ignorer d’une part l’aspiration de chacun à améliorer sa condition et d’autre part le fait que richesse et pauvreté existant l’une par l’autre, chacun est le riche ou le pauvre de plus pauvre ou de plus riche que lui. Là est ce qui rend les inégalités sociales inéluctables, tout en renvoyant aux termes de l’équation à résoudre pour les réduire autant que possible ; les termes de cette équation étant les suivants :

- Richesse collective de l’humanité, entendue comme la somme des richesses naturelles et résultant de l’ensemble des activités et autres apports de tous les membres de la société. À noter le qualificatif de naturelles, qui souligne le fait que la richesse de la collectivité n’est pas le fruit de la seule activité de ses membres, mais inclut ceux de la prédation, irréversible, qu’ils exercent sur leur milieu et leur environnement, que ce soit ou non pour alimenter leurs activités.

- Population humaine concernée, dans son intégralité, par le partage de cette richesse collective.

- Activités nécessaires à la satisfaction des besoins de l’ensemble de la population ; « Tout être humain [étant] avant toute autre activité ou toute autre opinion un consommateur » (Gaston Bouthoul in Traité de sociologie, tome II, p. 180 - Payot 1968.), la condition sociale de l’être humain est le fruit de la relation existant entre ses besoins – vitaux et superflus, puisqu’à la différence des autres animaux l’homme s’en invente – et les innombrables activités notamment économiques, contribuant à l’accroissement incessant de la richesse collective.

- Caractère incontournablement pyramidal de toute organisation hiérarchisée comme l’est la société humaine,

 

Plus les être humains sont nombreux, – ce qui est le cas depuis qu’ils existent –, plus l’économie est prospère et plus s’accroît l’enrichissement collectif, les plus riches étant par définition les premiers servis. C’est ainsi que s’est développée jusqu’à la démesure le triptyque “Population-Économie-Richesse” ainsi que le volume de la pyramide sociale en représentant le peuplement, entraînant l’éloignement incessant de son sommet par rapport à sa base, le creusement des inégalités entre riches et pauvres augmentant d’autant. Ceci se démontre méthodologiquement*, n’en déplaise aux tenants de la vision aussi réductrice que romantique qu’a proposé Marx de l’opposition entre riches et prolétaires, vision à laquelle se réfèrent depuis, avec davantage d’obstination que de discernement, autant les partisans du capitalisme que ceux de la lutte des classes.

Avec l’augmentation prévue de la population mondiale (cf. projections de l’ONU), les inégalités sociales ne pourront que se creuser encore, du fait de la globalisation inexorable de la société. La pauvreté étant infiniment plus facile à partager que la richesse, les flux migratoires qui se sont maintenant solidement établis, sont irréversibles et ne feront que gonfler, les nations ne pouvant indéfiniment rester indifférentes au sort de populations pléthoriques fuyant les désordres et violences de toutes natures : politique, religieuse, ethnique, économique, climatique, etc. qui s’amplifient et se multiplient partout dans le monde. Tous les pays seront concernés, les politiques et les digues les plus protectionnistes étant vouées à céder sous la force de la déferlante démographique à attendre spécialement d’Afrique, continent dont la population miséreuse est appelée à doubler avant la fin du présent siècle.

Et s’il est encore possible de limiter les inégalités sociales et d’en compenser les effets, autrement que par des moyens comme la redistribution par l’impôt notamment, sachant qu’il s’agit là de palliatifs toujours insuffisants et qui ne changent rien aux causes fondamentales de ce qu’ils combattent, nous devons être conscients du fait que l’origine de tous les maux sociaux dont souffre l’humanité est avant tout d’ordre démographique. L’effectif de l’humanité n’a jamais été régulé au-delà de ce qu’ont pu provoquer les guerres et les épidémies petites et grandes, contrairement à ce qu’il en a été pour d’autres espèces peuplant la planète, placées sous le régime de la sélection naturelle, parfois avec l’aide de l’homme qui aurait été avisé de penser à lui-même. Mais rares sont les leaders politiques qui ont le courage d’aborder cette question, et inexistants les responsables religieux à qui le dogme interdit d’en traiter, les uns et les autres étant au demeurant plus soucieux du nombre de leurs fidèles et électeurs que de leur bonheur.

Sans compter la réponse qu’attendent dorénavant un environnement saccagé et pillé, une biosphère vouée à une déséquilibre compromettant la survie de toutes les espèces, ainsi que des ressources en voie d’épuisement, une population moins nombreuse aurait pour effet la réduction de ses besoins et par conséquent celle de sa production et de son enrichissement. C’est seulement sur ces bases que pourrait être obtenu le rapprochement de la base et du sommet de la pyramide sociale, exprimant une réduction des écarts de richesse, donc des inégalités sociales, et que l’effet de celles-ci pourrait être corrigé, dans les conditions d’une meilleure gouvernance à tous les niveaux de la société.

Certains prônent la frugalité pour tous dans une société dont la démographie est abandonnée à une hypothétique transition par laquelle la population mondiale décroîtrait d’elle-même après être passée par un maximum au cours du siècle prochain. Mais ils sont en retard d’un train, l’humanité ayant consommé à mi-année 2018 plus de la moitié de ce que la nature avait à lui offrir pour l’année entière et cette situation s’aggrave d’année en année. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte de l’aspiration de l’homme à améliorer sa condition et celle de ses enfants, espérant en cela dans le progrès et visant les conditions de vie des mieux lotis que lui-même et non celles des plus pauvres. En tout état de cause, à quoi servirait l’effort de frugalité d’une population qui croîtrait sans cesse ?

Les inégalités sociales sont avant tout liées à notre démographie et leur réduction passe par une dénatalité qui s’impose au monde, massivement et d’urgence, pour bien d’autres raisons mettant en cause la survie de l’espèce humaine. Ceci requiert en premier lieu une prise de conscience générale, ce qui est loin d’être le cas, et un effort d’éducation sans précédent partout où règnent les taux de natalité les plus élevés, effort au demeurant déjà largement engagé par diverses associations et institutions. Faute de cela, avec 280 000 terriens qui s’ajoutent quotidiennement à la population terrestre, alors que nous sommes actuellement près de 8 milliards, nous serons 9 milliards dans 25 ans et plus de 11 au début du prochain siècle, avec les déséquilibres sociaux dont chacun peut imaginer les conséquences désastreuses, au détriment premier des plus défavorisés, pour des raisons découlant encore de cette inégalité sociale à laquelle nous condamnent les hasards de notre condition.

 

Pour toutes précisions, notamment d’ordre méthodologique :

https://pyramidologiesociale.blogspot.fr/


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