Internet et dissidence : grandeur et misère - 2

par Serge ULESKI
mardi 5 juin 2018

           

     ....ou quand la dissidence ne cesse de manger ses enfants et les dissidents de tuer le père.

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         C'est la fête à Alain Soral ! Des snipers youtubers ont pris pour cible l'essayiste...

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         Si la critique est facile et permise à tout le monde - dans le sens de "accessible" à tous car personne ne saurait se tenir au-dessus - comme à l'abri - d'un tel exercice, recenser puis exposer au grand jour les contradictions d'un essayiste qu'il réponde du nom de Soral ou pas... ne délivrera jamais quiconque de l'obligation de rester au plus près de l'œuvre de celui que l'on prend pour cible et de s'y coller ; d'autant plus que l'œuvre d'un auteur - ou sa contribution intellectuelle - ne se mesure jamais à la somme de ses contradictions qui n'est que l'écume de l'œuvre, à moins de s'adonner à une philologie de trou de serrure, un peu comme celui qui choisit délibérément de lire une œuvre dans non pas ce qui a été publié mais de ce qui a fini dans la poubelle de l'auteur.

A rechercher la facilité contre le travail qu'est la lecture - rigueur et discipline - on passe à côté de l'essentiel, à savoir : comment et pourquoi l'œuvre d'un essayiste rencontre son époque ; ce qui est manifestement le cas en ce qui concerne Alain Soral. Quant à nous dire que nombre d'auteurs sont rarement à la hauteur de ce que leur oeuvre offre comme promesse, c'est un peu comme nous dire, une fois encore, que la vérité de l'œuvre se trouve dans la poubelle de l'auteur et dans sa chambre à coucher.

         Personne n'ignore, excepté les groupies, que Soral, après son bannissement des médias - bannissement auquel il n'a jamais pu se résoudre ( comment aurait-il pu alors qu'il se savait tellement plus doué que tous ceux qui s'y vautraient semaine après semaine - et aujourd'hui, comme jamais !) -, a sombré dans un comportement pathologique et mortifère sans questionnement ; souffrance psychique qu'une exposition répétée auprès des internautes a pu révéler ; trente ans plus tôt, personne n'en aurait détecté toute la pertinence faute d'en avoir été le témoin ; ce qui n'enlève rien à sa contribution : exposer au grand jour les lignes de force qui, de la fin de la Seconde guerre mondiale à nos jours, ont conduit notre société là où elle ne se trouve plus aujourd'hui, faute de cohésion et de réconciliation : confusion, ressentiment, culture de l'ignorance, soupçon généralisé, instrumentalisation des plus faibles, désir sécessionniste, revanche et vengeance ... face à une classe politique et médiatique, bien plutôt une clique, totalement absente d'une prise de conscience de l'urgence qu'il y aurait à rendre justice autant aux uns qu'aux autres, sans angélisme...

C'est sûr ! nombreux sont ceux qui y laisseront leur dernière illusion de pouvoir en réchapper.  

 

 

1 - Pour Soral et d'autres (Onfray - même génération) qui s'est fait connaître dans les années 90 grâce à ses passages-télé, seule la reconnaissance des médias de masse et d'autres plus élitistes ( qui sait... France Culture ?) est susceptible de valider sa légitimité et son identité et la légitimité de cette identité (plus encore pour un autodidacte) : celle d'un essayiste avec lequel il faut compter.

Télé, radio, presse - les médias donc ! et puis aussi ses pairs... essayistes et intellectuels ; pairs terrorisés à l'idée de valider publiquement une partie de son œuvre car, comme pour Dieudonné (celui qui trouve cet humoriste drôle perd son emploi), tout intellectuel qui viendrait soutenir certaines des thèses de Soral ( celles de l'ouvrage "Comprendre l'Empire") se trouverait lui aussi ostracisé sous 48h... jusqu'à ce que Zemmour - un des meilleurs clients des médias de masse -, ne vienne piller une partie de son travail tout en se gardant bien de la lui rendre publiquement. 

Et jamais la notoriété que lui apporte internet ne comblera ce manque et ce regret éternel vécus comme un échec ( avec Internet, le plus souvent, on ne peut que vaincre sans péril et triompher sans gloire) car Soral a besoin de se confronter à des "contradicteurs", non pas à sa hauteur, mais dont la notoriété renforce son exploit et son prestige lorsqu'il parvient tout simplement à les remettre à la place qui est la leur dans la médiasphère du débat intellectuel : un strapontin derrière un pilier. 

Que les youtubers concernés gardent à l'esprit cette spécificité générationnelle qui touche Alain Soral.

 

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       Plus largement maintenant, et pour revenir à ces youtubers ados, pré-adultes et adultes à peine confirmés (dans la tranche d'âge des 15-25 ans - 35 au grand maximum) qui n'ont de cesse de s'époumoner, non sans talent, à longueur de vidéos aussi denses que tendues contre les féministes, la culture gay, les Musulmans, les Réfugiés, Mélenchon, la GPA, la PMA, les femmes youtubers et les autres... jeunes diplômés de nos centres ville au look de fils et filles de bonne famille, la CGT, les activistes des minorités visibles (surtout femmes !), les banlieues infréquentables, les bobos anti-Trump, Obama, les humoristes, Nuit debout, les Zadistes.......

        "Y'en a marre des Arabes !", leitmotiv en forme de supplique reprise en cœur par ces mêmes youtubers et leurs lecteurs qui se situent, de leur propre aveu, à la droite de Marine le Pen (sans rire !) car à leurs yeux à tous cette dernière se situe à gauche (bonjour la confusion !), il n'y a dans ce cri non pas de guerre mais de collégiens - certains sur le retour, comme un renvoi de cour d'école et son préau, bien des années plus tard dans le souvenir d'humiliations sans nombre face à des "beurs" haineux -, certainement pas le début d'une pensée aussi sommaire et lacunaire soit-elle  ; quant à évoquer l'élaboration d'un système d'analyse et de contre-analyse dans le genre : qui fait quoi, à qui, comment, où, pour(-)quoi et pour le compte de qui... ne rêvons pas. 

Et pourtant : les effets vous éblouissent  ; alors que les causes, elles, vous éclairent car les émotions (affects : ressentiment, colère, haine) est bel et bien le pire des mensonges quand il s'agit d'éclairer la vérité. 

        "Y'en a marre des Arabes !" ..............................Et c'est alors que la vidéo recueille 500 000 vues. Une véritable consécration, d'autant plus que, comme chacun sait : le nombre sanctifie. Aussi, à quoi bon... (s'emmerder..... ?), nous répliqueront ces mêmes youtubers. 

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Pour prolonger, cliquez : Internet et dissidence - grandeur et misère - 1


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