Intervention militaire illégale en Syrie et effets collatéraux en France ?

par Daniel MARTIN
mercredi 18 avril 2018

Samedi 14 avril 2018 à 3 heures du matin, sans mandat de l’ONU et avant que ne débute la mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) chargée d’enquêter sur l’utilisation éventuelle d’armes chimiques, Emmanuel MACRON a ordonné le bombardement du territoire Syrien. Avant de s’en prendre au régime Syrien plutôt qu’aux terroristes Islamistes de Daech et leurs soutiens, Emmanuel MACRON aurait pu avoir au moins une pensée pour les familles et leurs proches des 234 victimes des attentats en France et réfléchir au message que vont percevoir tous ces jeunes « apprentis Djihadistes » prêts au départ en Syrie… 

Entre le dire et le faire Emmanuel MACRON nous a vraiment "trumpé"

Après avoir affirmé avec force que " l’ennemi à combattre c’était le terrorisme islamique de Daech et malgré tout ce que l’on pouvait reprocher à Bachar Al ASSAD, il était incontournable pour un règlement politique de la situation en Syrie", Emmanuel MACRON a décidé solitairement d’associer la France à des frappes militaires Américaines et Britanniques unilatérales en Syrie, alors que l’Allemagne, l’Italie et le Canada s’y sont notamment refusés.

Tel Jupiter lançant ses foudres, MACRON a lancé le 14 avril à 3 heures ses avions Rafale et ses missiles de croisière navals MdCN, d’une portée de 1 000 km sur le territoire syrien, au motif qu’il fallait détruire des armes chimiques que Bachar El ASSAD aurait utilisé contre une population qui a survécu et s’est parfois opposée aux égorgeurs islamistes de Daech, ou encore qu’il allait les utiliser dans un territoire syrien que ses troupes sont en train sans aucun doute de reconquérir sous peu.

Le motif de cette intervention ne repose que sur des bases d’affirmations unilatérales provenant d’organisations opposées au gouvernement de Bachar Al ASSAD. Bref, beaucoup de suppositions et d’affirmations qui restent à justifier par l’enquête indépendante diligentée par les enquêteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Cette enquête qui doit commencer à Douma avait été approuvée par le Gouvernement Syrien comme l’a précisé le vice-ministre syrien des Affaires Etrangères Ayman SOUSSANE « Nous laisserons l'équipe faire son travail de manière professionnelle, objective, impartiale et loin de toute pression (de la part des autorités). Les résultats de l'enquête infirmeront les allégations mensongères  ». De toute manière, toute intervention armée contre un pays souverain ne doit et ne peut se faire que dans le cadre d’une résolution de l’ONU. La France n’aurait donc pas dû s’associer aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne dans cette violation du droit international, elle aurait également pu se souvenir que la population Syrienne paye un lourd tribu à la guerre, ainsi que l’armée syrienne qui s’est montrée décisive pour vaincre l’Etat Islamique, les égorgeurs de Daesh et autres terroristes dont certains ont sévi sur le territoire national. 

Mais alors pourquoi n’a-t-on pas attendu les résultats des investigations de l’OIAC  ? Et s’il était établit la responsabilité du gouvernement syrien, ce n’est que dans le cadre d’une résolution de l’ONU que des sanctions peuvent être prises et dans ce cas, on ne voit pas comment la russie pourrait opposer un véto. 

Annonce de preuves par le Président de la république, toutefois peu convaincantes

Cette décision d’une exceptionnelle gravité a été décidée par Emmanuel MACRON, seul et en toute opacité, après conciliabule téléphonique avec son « grand ami TRUMP » et la première Ministre Britannique, repose sur la base d’une accusation dénuée de preuves peu convaincantes. Pendant son interview de Dimanche 15 Avril lorsqu’il doit évoquer précisément des preuves, Emmanuel MACRON, de façon rusée au cas où l’avenir démontrerait la gravité de sa faute, il déclare : « Nous avons obtenu par nos services et les services de nos alliés des preuves que du chlore, des armes chimiques, avaient été utilisées, et nous avons obtenu la preuve que ces armes pouvaient être attribuées au régime syrien ». Là c’est « pouvait  », autrement dit ce n’est pas certain. Emmanuel MACRON qui maîtrise parfaitement les subtilités de la langue Française considère donc que les informateurs sont des personnes dont on ne peut garantir l’objectivité et la totale intégrité politique. 

Par cet acte délibéré et illégal d’agression militaire de la Syrie, le Gouvernement Français a-t-il pensé aux effets produits auprès des jeunes musulmans « apprentis djihadistes » en partance pour la Syrie ?

En intervenant par des bombardements en Syrie contre le régime de Bachar AL ASSAD ne prend-on pas le risque d’encourager involontairement tous ces jeunes musulmans « apprentis djihadistes » des banlieues qui envisagent d’aller faire leur « djihad » en Syrie ? Comment vont-ils percevoir le message ? Ne considèreront-ils pas qu’en allant combattre ASSAD ils peuvent ainsi bénéficier d’une forme de soutien moral discret des autorités Française puisqu’il est également l’ennemi de leur ennemi ?...

Avec cette intervention militaire illégale de la France en Syrie, la tâche des magistrats qui, demain auront à juger en pénal des terroristes islamiste qui reviennent de Syrie, ne sera guère facilitée. On peut imaginer les avocats chargés de défendre ces individus, faire valoir le fait que s’ils sont allés combattre en Syrie, ce sont les mêmes que nous combattons également et dès lors que le Président de la république viole le Droit international pour bombarder la Syrie avec des victimes, ce qui paraît inévitable, comment pourrions-nous condamner des citoyens qui, à titre individuel, font la même chose ?...

Pour les organisations criminelles djihadites de Daech, Al Quaïda Boko Aram et d’autres, ainsi que pour leurs recruteurs, l’intervention militaire Française et ses allies Anglo- Américains n’est-elle pas une chance inespérée d’affaiblissement du régime ASSAD, au moment où régions après régions en Syrie ils sont vaincus ?…

Dans les faits, cette intervention militaire est une déclaration de guerre à la Syrie (et ses alliés), même si le Président de la république Française ne l’interprète pas de cette façon

Quand un ou plusieurs pays, sans aucun mandat des Nations Unies, procèdent soudainement et brutalement à des bombardements par avions et missiles de croisière navals sur un pays, quel que soit le motif évoqué, c’est bien d’une déclaration de guerre dont il s’agit.

Dans tous les cas cette intervention militaire sans mandat de l’ONU contre un pays souverain est à considérer, non comme une sanction prise dans le cadre d’une résolution de l’ONU justifié par des actions répréhensibles du gouvernement Syrien contre son peuple, mais bien une déclaration de guerre. Le président de la République a d’ailleurs invoqué l’article 35 alinéa 2 pour annoncer que « le Parlement sera informé et un débat parlementaire sera organisé, suite à cette décision d’intervention de nos forces armées à l’étranger ».

Pour rappel, l’alinéa 2 de l’article 35 de la Constitution prévoit seulement « un débat qui n’est suivi d’aucun vote », son application dans le cas syrien revient à accepter que le Président de la République Emmanuel MACRON, seul, s’arroge le droit d’entraîner la France dans une dangereuse escalade avec la Russie et l’Iran alliés de la Syrie, avec les risques de déraper dans un conflit international aux conséquences incalculables et cela sans que les parlementaires, représentants des citoyens de ce pays puissent donner leur autorisation conformément à l’alinéa premier du même article 35 !

Pour une modification Constitutionnelle conforme aux exigences de la démocratie, mais pour l’instant, la règle des usages en se référant à l’alinéa premier de l’article 35 devrait prévaloir dans le cas d’une intervention militaire étrangère

Ce n’est pas parce que le président de la République et le gouvernement dispose d’une majorité écrasante à l’Assemblée Nationale qu’il doit se dispenser de la règle des usages Constitutionnels conforme aux exigences de notre démocratie en se référant préalablement au parlement avant toute intervention guerrière, conformément au premier alinéa de l’article 35.

Par exemple : l’organisation des Primaires pour désigner un candidat à l’élection Présidentielle n’est pas prévue par la Constitution, toutefois depuis 2007, c’est la règle des usages qui s’est imposée pour les formations politiques. Pourquoi ne pas avoir appliqué cette disposition quand il y va d’une décision aussi grave que l’usage de bombes contre un autre pays.

La Constitution française, qui donne pleins pouvoirs au Président pour une telle décision se doit d’être modifiée en supprimant l’alinéa 2 de l’article 35, ajouté en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 dite « de modernisation des institutions de la Ve République », adoptée sans l’aval des Français, à leur insu, et par la procédure du Congrès.

Cette disposition ne figurait pas dans le texte d’origine de la Constitution de 1958 approuvée par référendum par 82% des Français ou seul le premier alinéa qui était unique indiquait seulement qu’une déclaration de guerre était décidée par le parlement.

C’est grâce à cette modification de l’article 35 de la Constitution que SARKOZY a pu poursuivre son action militaire en Libye en outrepassant la résolution 1973 de l’ONU qui a conduit à l’élimination du régime de KADHAFI, son assassinat et le chaos existant aujourd’hui dans ce pays.

La France n’a, par ailleurs pas vocation à jouer le rôle de « larbin » au service du Président Américain, au gré de ses humeurs

En réduisant la France au rôle de « larbin » au service de la politique étrangère chaotique Américaine et des humeurs de son Président, Emmanuel MACRON chausse les bottes de SARKOZY et HOLLANDE qui, en moins de 10 ans, ont fait de la France un nain politique sur la scène internationale. Et si l’on ne peut que dénoncer ce qui est une violation gravissime du Droit international, au sens où cette intervention ne résulte pas d’une résolution de l’ONU et avant que la commission d’enquête indépendante diligentée par l’OIAC n’est rendu son rapport, on ne peut également regretter profondément que ce type d’agression est unique en son genre sous la 5 eme République. Bien que SARKOZY ait outrepassé ce qui était prévu en Libye, au départ, c’est bien dans le cadre d’une résolution des Nations Unies que la France était engagée.

 Le peuple français qui, s’il a élu démocratiquement Emmanuel MACRON lors de l’élection présidentielle de 2017, peut légitimement se sentir « trumpé » Tout d’abord la France n’a pour vocation de servir d’alibi et de caution à la politique prédatrice des Etats-Unis dans le Monde. Ensuite la France n’a pas à s’immiscer dans les affaires intérieures américaines en s’associant à une opération dont le but principal est de sauver la face d’un président ridiculisé par ses propres médias, qui voit ses conseiller l’abandonner les uns après les autres et qui finalement apparait plus, tel un pitre pitoyable particulièrement dangereux.

Pour conclure

Aujourd’hui et au-delà des conséquences politiques sur le plan international, bien que certains puissent suspecter une sorte d’entente en dessous de table entre dirigeants Américains Français et Russes, ce qui peut paraître pour le moins irréaliste, la France n’aurait pas dû s’associer aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne dans cette violation du droit international. Il faudrait également se souvenir que le peuple Syrien paye un lourd tribu, et que l’armée syrienne s’est montrée décisive pour vaincre les égorgeurs de Daesh et autres terroristes dont certains ont sévi sur le territoire national. Avant de s’en prendre au régime Syrien plutôt qu’aux terroristes Islamistes de Daech, Emmanuel MACRON aurait dû avoir au moins une pensée pour les 234 victimes, leurs familles et leurs proches. Mais voila, les combinaisons politiques avec Donald TRUMP priment sur les sentiments.


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