Islamisme et décapitations : C’est qui les barbares ?

par MUSAVULI
jeudi 2 octobre 2014

L’opinion internationale reste profondément révulsée par les images effroyables des décapitations auxquelles se sont livrés les islamistes du Daesh en Irak et leurs affiliés en Algérie. Une coalition internationale, formée notamment de la France, des Etats-Unis et de l’Arabie Saoudite, s’est mise en place pour mener des opérations militaires contre ces combattants au nom de la lutte internationale légitime contre la barbarie. Pendant ce temps, les musulmans à travers le monde sont encouragés à se mobiliser autour du slogan « not on my name » pour affirmer que ces actes de cruauté n’ont rien à voir avec l’islam. Un effort presque vain, faut-il le reconnaître, dans ce contexte de l’après 11 septembre qui perdure et qui a définitivement installé la méfiance, voire une certaine paranoïa, vis-à-vis de l’islam. Il est pourtant possible de s’y prendre autrement avec cette affaire des décapitations. 

En effet, lorsqu’on s’efforce de ne plus voir dans ces décapitations une pratique de l’islam, mais une répression de nature politique menée au nom d’une idéologie comme une autre, on aboutit à ce constat absolument bouleversant : en matière de décapitations, le Daesh n’est pas une exception ! Tour d’horizon.

Dans la coalition internationale engagée pour éradiquer le Daesh, on trouve donc la France, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. La France, pour commencer, a une histoire bien fournie en matière de décapitations. En effet, on ne peut parler de l’histoire de la France sans aborder la Révolution française, un moment historique qui ne fut pas seulement l’occasion de la libération d’un peuple du joug d’une monarchie absolue. Ce fut aussi une période marquée par une répression particulièrement sanglante et des décapitations que personne, n’ose vraiment assumer. Ainsi une civilisation aussi avancée que la civilisation française a-t-elle inventée la plus redoutable « machine à couper les têtes » la fameuse « guillotine » de triste mémoire[1]. Un petit geste sur la corde et la tête du malheureux roule au fond d’un panier. Dans une ambiance mêlant euphorie révolutionnaire et Terreur, deux grandes figures devaient périr à l’échafaud : le roi Louis XVI le 21 janvier 1793 et la reine Marie Antoinette le 16 octobre suivant. La machine continuera à « trancher des têtes » jusqu’à il y a quelques décennies seulement, le dernier guillotiné de France étant un certain Hamida Djandoubi exécuté en 1977[2].

Si ces exécutions à la guillotine sont en application des condamnations pénales, d’autres décapitations sont totalement illégales. Ainsi en 1878, le grand chef kanak Ataï sera décapité pour avoir mené une insurrection contre le pouvoir colonial français. Son crâne, restitué seulement en août dernier[3], aura, entretemps, été l’objet d’études scientifiques, de manipulations diverses et d’un voyeurisme morbide avant de finir comme une relique dans un musée. Un crâne humain. Atroce…

En Afrique, comment oublier ces images des résistants camerounais décapités par l’armée coloniale française dont les soldats posent de façon ostentatoire derrière des têtes empalées sur des piques ?…

En gros, s’il est arrivé que des individus décapitent au nom de l’islam, à tort ou à raison, il est aussi arrivé que d’autres décapitent au nom des nobles idéaux de la Révolutions française. Il est aussi arrivé aux individus de décapiter pour consolider l’entreprise coloniale qui était alors présentée comme une mission civilisatrice auprès des « peuples sauvages » en Afrique et dans d’autres régions de ce qu’on appelait « le Tiers Monde ».

Et la France n’est pas la seule puissance colonialiste à avoir pratiqué des décapitations durant la période coloniale. « Au Cœur des Ténèbres », le roman de Joseph Conrad, publié en 1889, raconte, entre autres, l’histoire d’un colon blanc qui avait érigé des têtes humaines sur la clôture autour de sa maison. Il parlait de l’actuelle République Démocratique du Congo où l’administration du roi des Belges, Léopold II, se livra à des atrocités à grande échelle, dont des décapitations en marge de l’exploitation du caoutchouc.

Les puissances coloniales ne sont pas les seules à avoir pratiqué les décapitations. En 1623, juste deux ans après que les Amérindiens et les « Pères pèlerins »[4], dinèrent ensemble, ce qui donna naissance à la fête américaine de « Thanksgiving », un officier, le capitaine Myles Standish, décapita un chef indien et empala sa tête sur une pique près du fort de Plymouth. On omet généralement d’informer les jeunes générations des Américains que le mythe de Thanksgiving, qui met l'accent sur l'harmonie interraciale, cache, en réalité, une histoire atroce faite des décapitations barbares dont les Indiens furent victimes.

On ne s’attarde pas sur les cinq siècles de l’histoire sanglante de nos cousins d’Outre-Atlantique et on regarde autour de nous, aujourd’hui. Les décapitations auxquelles se livre le Daesh, dont les liens avec l’Amérique sont de plus en plus démontrés[5], étaient une pratique courante pendant la guerre d’Afghanistan où les Etats-Unis soutenaient à bout de bras, contre l’Union soviétique, des islamistes qui deviendront Al-Qaida.

Enfin, l’Arabie saoudite. Troisième pilier de la coalition internationale contre le Daesh, l’Arabie saoudite est un pays notoirement connu pour sa pratique « archaïque » de la peine de mort pour des motifs divers (homicide, viol, vol à main armée, trafic de drogue, sorcellerie, adultère, sodomie, homosexualité, apostasie - renoncement à l'islam). Les condamnés sont généralement décapités au sabre[6].

Boniface MUSAVULI

 



[1] http://www.youtube.com/watch?v=hwdl7hhor78

[2] Virginie Rivière, « Les 10 derniers guillotinés de France - Hamida Djandoubi, le dernier guillotiné », linternaute.com, 11 octobre 2013. Cf. http://www.linternaute.com/actualite/magazine/derniers-guillotines-france/hamida-djandoubi.shtml

[3] Angela Bolis, « Après 136 ans, le crâne de l'insurgé kanak Ataï rendu aux siens », Le Monde.fr, 29 août 2014.

[4] Les pères pèlerins (en anglais Pilgrim Fathers) sont les premiers groupes des colons britanniques sur le sol du territoire qui deviendra les USA.

[5] Thierry Meyssan, « John McCain, le chef d’orchestre du ‘’printemps arabe’’, et le Calife », Réseau Voltaire, 18 août 2014.

[6] Death Penalty Worldwide, Saudi Arabia, http://www.deathpenaltyworldwide.org/country-search-post.cfm?country=Saudi+Arabia. Les condamnés peuvent aussi être lapidés dans le cas de l’adultère.


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