Islamophobie - Islam - Islamisme
par Christian Labrune
samedi 17 janvier 2015
L'islamophobie, c'est quoi ?
Qu'est-ce qu'une phobie ? « Une phobie, du grec ancien phobos (φόβος), frayeur ou crainte est une peur démesurée d'un objet ou d'une situation précise ». C'est la définition qu'en donnent Wikipedia et tous les dictionnaires.
Il existe une entrée « islamophobie » dans Wikipedia, où sont rappelées de nombreuses critiques du caractère aberrant et calamiteux d'une telle formation linguistique. Triturer la langue, c'est le propre de tous les totalitarismes et Victor Klemperer avait très bien analysé la manière dont la propagande nazie s'était d'abord attachée à pervertir la langue allemande ; qui ne se souvient également des excellentes analyses d'Orwell dans 1984, qui permettent aux maîtres du système, par le novlangue, d'entrer à l'intérieur des têtes pour induire à une doublepensée (voir l'article dans Wikipedia) qui est empêchement de toute pensée libre. On a souvent cité ces derniers temps cette phrase de Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». Eh bien oui, mais il ne suffit pas de citer Camus, il faut mettre en pratique l'exigence de clarté qu'il pose, et tâcher de réfléchir sur le sens des mots les plus galvaudés.
Face à l'objet de sa peur, le sujet atteint de phobie préfère toujours la fuite. Tout l'effort des thérapies comportementales consiste précisément, pour le guérir, à le persuader d'affronter très progressivement l'objet qui le terrifie. Mais tous ceux qui se retrouvés au grand rassemblement qui s'est spontanément formé à la République le soir de la fusillade à Charlie Hebdo auront pu remarquer une chaîne de manifestants traversant la place, chacun portant une lettre constituée de leds et formant ensemble ces deux mots lumineux : « Not afraid ». Ceux-là n'étaient assurément pas des islamophobes : l'islam, sous la forme la plus extrême et la plus répugnante qu'il venait de prendre, ils tenaient à le dire, ne leur faisait pas peur.
L'islamophobie, si on est soucieux de ce que les mots veulent dire, c'est donc la peur de l'islam. Qui a peur, en France, de l'islam ? Eh bien, ceux qui refusent de l'affronter et préfèrent s'y soumettre sans discussion, quitte à nier même qu'il soit visible, qu'on puisse le remarquer dans la société française ou qu'il fasse problème en quelque manière. Il vaudrait mieux cesser d'en parler, disent-ils, et n'y plus penser. Ils souhaiteraient même qu'on interdise toute prise de position qui ne fût pas favorable à cette belle religion. On peut tout de suite donner quelques exemples de ce type de comportement d'évitement : ce sera le brave Askolovitch, ami des salafistes, ou bien le sycophante moustachu de Mediapart. C'est encore notre Président de la République qui, le lendemain d'un attentat perpétré au nom de cette religion, et pour venger son Prophète, commence une déclaration devant la presse en disant que tout cela n'a rien à voir avec l'islam. Le discours de Valls devant la représentation nationale, le lendemain, n'hésitait pas, fort heureusement, à corriger le tir et à appeler un chat un chat : nous étions en guerre, et en guerre contre un fanatisme islamiste.
Askolovitch, Pleynel, Hollande, son Ministre des Affaires étrangères et beaucoup d'autres sont des islamophobes, et plus encore quelques députés socialistes auteurs d'une « Résolution » scélérate votée le 2 décembre dernier (ils auraient pu choisir une autre date que celle d'un coup d'état fort peu « républicain !) et très favorable aux entreprises du terrorisme palestinien à seule fin -on le sait par le Canard enchaîné-, de complaire à un électorat issu de l'immigration, qu'on craint d'avoir durablement mécontenté avec le « mariage pour tous ». On a très PEUR de s'être aliéné ces électeurs, on tient donc à les caresser dans le sens du poil, quel que soit par ailleurs le prix à payer : pour l'instant, fermons les yeux, on verra plus tard. Ainsi font les autruches.
Les journalistes de Charlie Hebdo avaient-ils peur de l'islam, étaient-ils islamophobes ? Apparemment, non : déjà victimes d'un attentat, bénéficiant d'une protection policière qui ne pouvait certes pas les enchanter, ils savaient que les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, la même situation très dangereuse risquait donc de se reproduire. Cela ne les aura pas empêchés, et à leurs dépens, de tirer à boulet rouge contre une religion qui représentait pour eux le comble de l'obscurantisme. Ces provocateurs faisaient profession de ne respecter rien dans le domaine des idées. Et de fait, d'un point de vue philosophique, les idées, les croyances, les opinions, si on veut progresser dans la connaissance, on les critique, et si elles n'ont rien de raisonnable, on les démolit. C'est ce qu'on fait - et sans tuer personne - Galilée, Newton, Einstein. Sans ce travail de l'intelligence critique, nous en serions encore à une physique d'Aristote que les contemporains les plus sots de Galilée défendaient à cause de son ancienneté. Une théorie qui a duré deux mille ans, disaient ces crétins, c'est du sérieux ! Eh bien non, et il n'aura fallu que quelques dizaines d'années pour que s'effondre tout l'édifice des anciennes représentations du monde. Ce qui vaut pour les sciences vaut aussi pour tout le reste : la civilisation, désormais, c'est la rationalité. Toutes les religions, avec leurs cortèges de violences, ont fini par le comprendre, sauf un islam qui fut pourtant à la pointe de la Connaissance jusqu'aux Ottomans mais devait ensuite s'enfermer dans la routine et le ressassement, au point de refuser même l'imprimerie jusqu'au début du XIXe siècle.
Les journalistes de Charlie Hebdo respectaient leurs adversaires -ils ne leur mettaient pas sur le ventre le canon d'une kalachnikov !- mais ils n'avaient aucun respect pour leurs croyances d'un autre âge. Je suppose qu'il en allait de même pour les quelques millions de citoyens qui pensaient ETRE Charlie dimanche, entre la République et la Nation. Du moins, je l'espère. Ceux-là n'étaient pas non plus des islamophobes, mais des ennemis déclarés de l'islamisme et de tous les imbéciles qui croient que la kalachnikov peut avoir valeur d'argument dans la controverse. Personne ne peut avoir envie de se retrouver dans la situation des otages de l'épicerie à la porte de Vincennes ou celle des journalistes de Charlie Hebdo. Pas d'autre solution que de combattre ce qui est effectivement un ennemi déclaré et qu'il importe de savoir nommer.
L'islamisme, est-ce encore l'islam ?
Les musulmans que j'ai rencontrés ces derniers jours m'ont dit invariablement que l'islamisme n'avait rien à voir avec l'islam, une religion qui ne pourrait en aucun cas vouloir la mort d'autrui.
On notera quand même qu'un certain nombre d'intellectuels, ces dernières années, ont fait l'objet de fatwas qui les condamnaient à mort pour avoir exprimé des pensées qui chagrinaient la religion du Prophète. Pour l'islam, qu'il soit chiite ou sunnite, penser peut être un crime. Salman Rushdie, en 88, en a su quelque chose. Ca, c'est du côté chiite. Plus récemment, en France, Robert Redecker est forcé de vivre sous protection policière depuis la condamnation de l'un de ses articles par le sinistre Youssef al-Qaradâwî, maître à penser du wahhabisme. Ce n'est donc pas mieux du côté sunnite.
Ces deux écrivains sont-ils des monstres comparables à Mehra, aux frères Kouachi ou à l'infâme Coulibaly ? Qui ne voit immédiatement qu'il serait très facile aux mêmes autorités de l'islam, qui se donnent un droit de vie ou de mort sur n'importe qui dans le monde, de prononcer une fatwa contre les excités du « Califat » ? Il suffirait de dire que leurs exactions les retranchent de l'oumma, qu'ils ne sont plus des musulmans. Mais les doctes théologiens d'al-Azhar s'y refusent parce que, disent-ils, ces braves sophistes, ce serait tomber dans le takfirisme ! Aussi longtemps que les massacreurs à la solde d'Abu Bakr al-Baghdadi continueront de croire qu'il n'y a qu'un seul dieu et que Muhammad est son prophète, ils resteront donc tout à fait musulmans et quand ils se réclameront d'Allah au moment d'égorger une de leurs victimes, c'est donc bien en tant que musulmans qu'ils agiront.
Au reste, et bien que je sois un simple lecteur ordinaire des sourates du Prophète, je ne vois pas non plus en quoi les agissements des abrutis du « Califat », de Boko Haram voire nos terroristes français fanatisés, pourraient être en contradiction avec le Coran, du moins lorsqu'il est très naïvement et très littéralement compris par des individus plutôt dépourvus de culture, et très sous-dimensionnés du côté de l'encéphale.
Considérons cette recommandation maintenant bien connue transmise par un porte-parole du « Califat » à tous les musulmans de l'oumma :
« "Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen - en particulier les méchants et sales Français- ou un Australien ou un Canadien, ou tout citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière.Tuez le mécréant, qu’il soit civil ou militaire. Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le. »
Le modus operandi qui se trouve décrit là, c'est celui des attentats qu'on a pu voir en Israël et qui risquent de devenir assez vite notre lot quotidien en Europe. Or, ce texte n'est qu'une paraphrase du 5e verset de la sourate IX concernant « Le repentir ». Le voici :
« Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade ; mais s'ils se convertissent, s'ils observent la prière, s'ils font l'aumône, alors laissez-les tranquilles, car Dieu est indulgent et miséricordieux. »
L'indulgence et la miséricorde ont disparu du texte émanant du Califat. Le verset 5 ci-dessus concerne la manière de se comporter avec les idolâtres qui ont trahi les engagements contractés avec les musulmans (verset 4). On est tenu de respecter ces idolâtres jusqu'au terme du contrat, mais pas au-delà, et s'ils se dérobent avant le terme, il leur en cuira. Les pays de la coalition, qui ont déclaré la guerre à Daech, cela va sans dire, n'ont aucune intention de se « repentir » et encore moins de se « convertir ». Ils n'ont donc rien à attendre du Dieu « indulgent et miséricordieux » ; on peut allègrement, si on est un bon musulman, faire l'économie de cette clause.
Les très naïfs défenseurs d'un islam qui serait une « religion de paix et d'amour » citent invariablement, en le falsifiant sans vergogne, le verset 32 de la cinquième sourate : « quiconque tue un homme, c'est comme s'il avait tué tous les hommes ». En fait, voici le texte exact, dont je souligne une restriction tout à fait essentielle :
Sourate 5.32 : "C'est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. En effet Nos messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu'en dépit de cela, beaucoup d'entre eux se mettent à commettre des excès sur la terre."
Inutile de souligner que pour l'islam, dessiner la tête ou le cul du Prophète, ce n'est certainement pas la moindre des corruptions sur la terre, et plusieurs manifestations en terre d'islam ces derniers jours seraient bien là pour nous le rappeler si nous l'avions oublié. Autant dire que les assassins de nos dessinateurs, s'il faut s'en tenir à la leçon du Coran, après avoir débarrassé la terre de ces profanateurs comme ils l'ont fait, sont probablement à l'heure qu'il est parmi les ruisseaux, les fleurs et les soixante-douze vierges.
Il faudra bien que les musulmans réfléchissent un peu, même si ce sera avec plusieurs siècles de retard par rapport à l'Occident, sur un corps de doctrine (le Coran et la sunna) qui autorise ceux qui ne sont pas capables de dépasser le sens explicite des textes, aux pires horreurs.
Les musulmans qui disent : tout cela n'a rien à voir avec notre religion, sont dans une mauvaise foi évidente. Je ne pense pas qu'après le travail de tant d'historiens il puisse rester un seul chrétien qui osât dire que les massacres qui ont suivi la Saint-Barthélémy de 1572 n'ont absolument rien à voir avec le christianisme. La nuit de la Saint-Barthélémy, on massacrait les protestants dans les rues de Paris, on les défenestrait, et les massacres se sont prolongés longuement partout en France dans les jours qui ont suivi. Les protestants de leur côté n'avaient pas été moins fanatiques : l'un des plus grands esprits de ce temps, Michel Servet, avait été brûlé à Genève en 1553 sur la place publique et Calvin, le metteur en scène de ce beau spectacle, s'était proposé de recommencer, pour la plus grande gloire du Dieu chrétien, avec le pauvre Castellion. Un infarctus providentiel devait heureusement dispenser ce dernier de l'incommodité des fumées et des flammes.
Et les croisades ? Et l'antisémitisme ? Et l'Inquisition médiévale ?Tout cela était à vrai dire fort peu conforme à la leçon d'un Evangile qui prescrit d'aimer même ses ennemis, mais comment pourrait-on dire que ce cela n'avait rien à voir avec la religion chrétienne prêchée par Rome ? Dans la statue qu'il avait commandée à Michel-Ange, Jules II avait tenu à tenu à être représenté portant une épée, et non pas le livre des Ecritures, et devant la Rochelle, bien plus tard, le Cardinal de Richelieu porterait encore lui aussi l'épée et la cuirasse !
Il faut donc être arrivé au dernier degré de cette espèce de cécité volontaire qu'est l'islamophobie (au sens propre du terme), pour avoir PEUR de rigoler quand un musulman vous dit que les massacres des « islamistes » n'ont rien à voir avec l'islam. C'est au contraire une manifestation de l'islam le plus pur, celui d'un wahhabisme qui tombe depuis déjà trop d'années, par le truchement des paraboles et du câble, dans les cervelles les moins préparées à la réflexion critique. C'est un islam de l'époque du Prophète que nous voyons ressurgir, un islam du VIIe siècle, et c'est bien ce qui explique qu'à regarder ce qui se passe actuellement du côté de l'Iraq ou du Nigeria on ait tout à fait l'impression de contempler, comme dans un film qui se proposerait de reconstituer les époques les plus anciennes, les mœurs violentes, grossières et barbares, du haut moyen-âge. Cela ne ressemble en rien à la civilisation de notre temps.
Je viens de regarder l'article que Wikipedia consacre à l'excellent essai d'Amin Maalouf : « Les croisades vues par les Arabes ». Les chrétiens n'y apparaissent pas sous leur meilleur jour, c'est le moins qu'on puisse dire. Je ne me souviens plus de l'accueil qui fut fait à ce livre en 1983 ; peut-être des historiens, comme c'est leur rôle, ont-il pu contester tel ou tel point, mais il n'est fait allusion dans l'article de Wikipedia à aucune controverse. Ce descendant d'une vieille famille chrétienne libanaise, membre aujourd'hui de l'Académie française, peut bien montrer les horreurs du fanatisme religieux des croisés, qu'on soit chrétien ou athée en Europe, on en tire une amère leçon sur les conséquences de l'intolérance et du fanatisme et il n'y aura plus personne, même chez les intégristes pour dire que les croisades, la Sainte Inquisition, l'antisémitisme, les guerres de religion et leurs massacres, tout cela n'a rien à voir avec le christianisme, « religion de paix et d'amour ». Les faits sont les faits, ils ont la vie dure.
Il faudra bien que les musulmans, même s'ils n'ont pas de clergé pour fixer et imposer la doctrine, prennent eux aussi le taureau par les cornes. Il semble qu'une prise de conscience commence à se faire jour : le CFCM et l'UOIF des Frères musulmans, qui avaient engagé et perdu une action en justice contre Charlie Hebdo lors de la publication des caricatures du Prophète, et qui ne sont donc pas pour rien dans ce qui vient d'arriver à Charb et à ses confrères, condamnent aujourd'hui fermement en première page de leurs sites ces exécutions atroces. Ils sont allés trop loin, ils commencent à s'en mordre les doigts.
Beaucoup d'intellectuels d'origine musulmane appellent à une sorte d'aggiornamento de l'islam. Abdennour Bidar, qui prend sur France culture la relève du très regretté Abdelwahab Meddeb, vient de publier une admirable « Lettre ouverte au monde musulman » reproduite sur de nombreux sites. Je donne l'adresse du premier lien que je trouve par Google :
http://www.marianne.net/Lettre-ouverte-au-monde-musulman_a241765.html
La plupart des religions ont renoncé au fanatisme ; leurs fidèles, pour parler comme Marcel Gauchet, sont « sortis du religieux » et, pour la plupart, sont dans une totale ignorance des subtilités de la théologie et de son histoire. Ces religions donnent un sens à la vie de ceux qui n'ont pas vraiment accès à la culture. Elles sont tout à fait tolérables. Si l'Islam, qui est en train d'organiser avec près de cinq siècles de retard une Saint-Barthélémy à l'échelle des continents ne parvient pas à se ressaisir, il disparaîtra plus radicalement encore que les autres religions « du livre » ; il laissera dans l'histoire le même souvenir détestable que les pires totalitarismes du XXe siècle. Cela n'est guère souhaitable.
Christian Labrune