Israël à la conquête de la lune ?

par Jean Beaumont
lundi 12 novembre 2018

Ce n’est désormais plus de la science-fiction : le pays de Moïse a prévu de lancer une mission lunaire depuis Cap Canaveral, en Floride, en décembre prochain. Même si le lancement est finalement reporté de quelques semaines pour des raisons techniques, c'est une information étonnante. Le module, frappé de l’étoile à six branches, va alunir en 2019. Israël sera alors la quatrième puissance à atteindre la Lune après les États-Unis, la Chine et la Russie. L’impact politique et technique de cette mission n'est pas mineur, puisqu’elle propulsera un pays de seconde importance en terme de PIB parmi les quatre grands de ce monde dans la conquête des étoiles. Ne jouons pas les naïfs : cette expérience scientifique risque fort d'être interprété comme un message belliciste adressés aux pays-tiers du Moyen Orient, bien qu'elle ne le soit pas en théorie. Israël dispose déjà d’une large avance sur les pays arabes, et sur l’Iran, pour les questions nucléaires. Cette nouvelle étape va bien évidemment attiser les tensions au Moyen Orient.

Le vaisseau spatial juif sera lancé comme une charge utile secondaire sur une fusée SpaceX Falcon 9 et son voyage vers la Lune durera environ deux mois. Ce véhicule spatial lunaire, d’un poids de 600 kilos, sera le plus petit à jamais alunir. D’une hauteur de 1,5 mètre, d'un diamètre de 2 mètres, 75 % de son poids est absorbé par le carburant embarqué.

Morris Kahn, milliardaire israélien d'origine sud-africaine, a pris la tête de donateurs privés qui ont financé le projet, pour un montant substantiel de 95 millions d’euros. Le vaisseau spatial devait alunir très exactement le 13 février 2019 pour « effectuer un certain nombre de mesures dans le cadre d'une expérience scientifique ». Ce sera plus tard, comme déjà dit. Le plus important : ces expériences seront menées en collaboration avec l'Institut de recherches Weizmann (organisme internationalement reconnu sis à Tel Aviv).

Josef Weiss, président d'IAI, a déclaré : « L'État d'Israël, déjà fermement implanté dans l'espace militaire, doit mobiliser des ressources au profit de l'espace civil, moteur de l'innovation, de la technologie et de l'éducation. » Cette dernière phrase inquiète un peu puisqu'elle relie sans le dire l'expédition à la puissance de feu déjà acquise par Israël. Du reste, cet amour soudain pour les sélénites inquiète un peu certains observateurs, dans la mesure où le projet marque un tournant dans l’industrie israélienne qui, jusqu’à présent, concevait des programmes militaires axés sur la mise en orbite de satellites de surveillance terrestre et aérienne et de systèmes anti-missile. 

Bien que cette mission soit clairement présentée comme « scientifique et pacifique », il est évident que la militarisation de l’espace constitue la préoccupation première des puissances de tous ordres. 

Regardons en arrière : l’industrie spatiale mondiale a connu trois vagues de développement, l’arrivée de l’homme sur la Lune, l’exploration robotique du système solaire, et enfin les satellites militaires d’espionnage. C’est cette dernière activité qui désormais mobilise les énergies, et Israël juge d'ailleurs l’espace extra-atmosphérique vital pour sa « sécurité ».

Israël, comme d’autres, est convaincu que le pays qui maîtrisera à terme l’espace pourra dominer ses adversaires. Les armées modernes ont déjà exploité les progrès d’origine civile : navigation satellitaire, guidage des drones et des missiles, communication sécurisée, satellites d’observation, satellites d’écoute électronique ou de détection antibalistique. Certes, il ne s’agit pas pour l’instant d’installer des armes stellaires, interdites par le Droit International de l'Espace (DIE). Néanmoins, lorsqu’on connaît la capacité des pays à jeter aux orties leurs engagements antérieurs si ils contreviennent à leurs propres intérêts, on s’inquiète un peu.

D’ores et déjà, l’essai israélien pourrait modifier le contexte stratégique international, en dramatisant les enjeux politiques et militaires des activités spatiales. 

 


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