Israël-Arabie saoudite : la fuite en avant pour aller droit dans le mur

par Abdelkarim Chankou
lundi 18 juin 2018

La réponse est donc non. Tout simplement parce que la majorité des peuples arabes y compris saoudien et émirati ne sont pas d’accord avec leurs gouvernants sur ce problème. En fait, tout ce qui a été réalisé depuis l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche en décembre 2016 ne repose que sur des ambitions personnelles des acteurs de cette comédie ou danse du ventre.

Le résultat du vote de l'AG de l'ONU sur la décision de Trump concernant Jérusalem

Depuis l’officialisation de l’élection Donald Trump en tant que président des États-Unis en décembre 2016 le monde assiste à une danse du ventre sans précédent de certaines monarchies pétrolières du Golfe pour charmer et séduire Israël et son premier allié et protecteur américain. Certes, on l’oublie souvent, le rapprochement entre le royaume saoudien et l’État hébreu ne date pas de 2016 : il remonte en fait au début des années 1980 avec le fameux sommet arabe de Fès(Maroc) qui a enterré la hache de guerre entre le monde arabe et Israël même si des pays du Front de refus l’ont rejeté, particulièrement la Syrie sans oublier d’autres comme la Libye de Kadhafi. « Le plan Fahd, du nom de l'actuel Roi d'Arabie saoudite, alors Prince héritier, avait été lancé en 1981. Une première tentative d'en faire un plan arabe avait échoué, le Sommet arabe réuni à Fès en novembre de la même année n'ayant pas pu surmonter les dissensions. Le plan avait toutefois été adopté officiellement par les pays arabes quelques mois plus tard, en 1982, au cours d'un deuxième Sommet, également à Fès. En février 2002, le Prince héritier d'Arabie Saoudite, propose par voie de presse une initiative basée sur « un retrait total (d'Israël) de tous les territoires occupés, en accord avec les résolutions de l'ONU, y compris Al-Qods (Jérusalem), contre une pleine normalisation de nos relations », rappelle Le Matin du Sahara, quotidien marocain, proche des milieux officiels. Cette initiative, saluée par Washington et une majorité des pays arabes, a constitué depuis la base arrière de toutes les tentatives et les initiatives lancées de part et d’autre pour parvenir à une solution définitive, équitable, fiable et durable au conflit qui oppose Israël et le monde arabe depuis plus d’un siècle. À part les accords de paix du camp David, signés le 17 septembre 1978 entre Israël et l’Egypte de Sadate qui ont eu pour seul mérite de booster la naissance de la république islamique d’Iran une année plus tard, la tentative la plus osée et la plus élaborée furet les accords d' Oslo . Lesquels sont « le résultat d’une série de discussions secrètes, en parallèle de celles publiques consécutives à la Conférence de Madrid de 1991, entre des négociateurs israéliens et palestiniens à Oslo en Norvège, pour poser les premiers jalons d'une résolution du conflit israélo-palestinien. » Mais l’esprit d’Oslo ne tardera pas à mourir avec son héros Rabin, assassiné à Tel-Aviv quatre années plus tard après Oslo et un an après le sommet économique de Casablanca.

ASSURANCE VIE

Donc depuis février 2002, avec cette initiative du Prince héritier d'Arabie Saoudite, Abdellah Ibn Abdelaziz [remarquez que dans ce pays du Golfe ce sont toujours les princes héritiers qui mènent la danse y compris du ventre], qui proposait une initiative basée sur un retrait total d'Israël de tous les territoires occupés après 1967, y compris Jérusalem, contre une normalisation des relations arabo-israéliennes, ce que l’on désignait par la formule « échange terre-paix », rien n’a vraiment bougé. Jusqu’à décembre 2016 avec l’avènement de Donald Trump qui a fait de la question du transfert de l’ambassade de son pays à Jérusalem une promesse électorale, qu’il tiendra en février 2018, cassant ainsi une tradition maintenue par ses prédécesseurs, celle de ne pas franchir ce pas. D’ailleurs seul 7 petits pays comme la Micronésie, le Togo ou la Guatemala ont annoncé qu’ils ouvriront leurs ambassades à Jérusalem, alors que Washington a reçu une méga claque lors de l’AG onusienne sur la question le 21 décembre 2017 : 128 pays contre la transfert, 9 pour et 28 abstentions. Et pour cause, la décision de Trump était un viol flagrant du droit international qui prévoit que le statut final de Jérusalem doit être l’aboutissement du processus de négociations entre Israéliens et Palestiniens et non son prélude (voir tableau). À présent, Trump a placé la barre très haut en déplaçant l’ambassade de son pays à Jérusalem, tentant par la même occasion de tordre la main aux Palestiniens affaiblis par le blocus israélien et l’arrêt des subsides des Saoudiens, désormais proaméricains et proisraéliens plus que jamais (c’est le prix à payer pour leur assurance vie : Trump a répété plusieurs fois en public que sans les yeux de Washington plusieurs monarchies du Golfe ne survivraient pas plus de 48 heures). Mais est-ce pour autant la garantie que la route est définitivement balisée vers la « solution finale » pour un État juif sur la grande majorité des terres contre un État palestinien coincé dans un réduit  ? Il faut savoir que « concrètement, l’Autorité palestinienne n’a d’autorité que sur environ 40 % des territoires décidés par Oslo et si Israël s’est retiré de la bande de Gaza, qui ne fait que 360 km2, Tsahal continue à contrôler ses frontières terrestres, maritimes et son espace aérien. En Cisjordanie, c’est une autre politique. Un mur. Des blocs en ciment et des barbelés qui devraient atteindre 731 km de long, séparent entièrement Jérusalem de la Cisjordanie et isole de facto 200 000 Palestiniens de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie (…) » relève le site alterinfo. La réponse est donc non. Tout simplement parce que la majorité des peuples arabes y compris saoudien et émirati ne sont pas d’accord avec leurs gouvernants sur ce problème. En fait, tout ce qui a été réalisé depuis l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche en décembre 2016 ne repose que sur des ambitions personnelles des acteurs de cette comédie ou danse du ventre. Le chef du cabinet israélien Netanyahu et son Big Brother Trump sont forcés chacun en ce qui le concerne d’annoncer des percées spectaculaires dans ce dossier pour occulter leurs déboires judiciaires alors que le prince héritier Mohamed Ben Salmane sait que sans le parapluie américain son accession au Trône et la pérennisation de sa succession verticalement ne pourront survivre aux opposants aussi bien au sein de la cour que dans la rue ou derrières les coulisses. Or ni Trump ni Netanyahu ne sont éternels. Donc il faudra s’attendre dans les prochains jours à une course contre la montre pour raffermir davantage le fait accompli. Autrement dit une fuite en avant dans le mur. Chaud devant !

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