Israël et le sionisme

par Allexandre
samedi 26 décembre 2015

ISRAËL ET LE MOUVEMENT SIONISTE

A la fin du XIXème siècle, les juifs sont victimes d’une flambée de violences, les pogroms, et ce, dans toute l’Europe. Si ces pogroms sont particulièrement virulents en Europe centrale et orientale, ils se manifestent aussi,de façon plus détournée, dans des pays d’Europe occidentale comme la France : en témoigne l’affaire Dreyfus (1894-1906) ou la publication d’ouvrages clairement antisémites (LaFrance juive de Drumont). C’est dans ce contexte que le Viennois israélite, Théodore Herzl, crée en 1897 le mouvement sioniste, dont la finalité affichée est la création d’un foyer national juif qui permettrait de réunir les juifs et mettrait ainsi fin aux persécutions dont ils étaient victimes en Europe. Dans le dernier quart du XIXème siècle en effet, la crise économique qui touche une partie de l’Europe, provoque des tensions et des peurs. Les étrangers sont perçus comme des boucs émissaires et les juifs sont l’objet d’une recrudescence d’antijudaïsme, particulièrement en Russie, où leur présence forte se heurte à une orthodoxie assez archaïque et réactionnaire. Selon la tradition juive, leur présence dans toute l’Europe résulterait d’une déportation organisée par les Romains, après la destruction du temple de Jérusalem par les légions de l’empereur Titus en 70 de notre ère. Commence alors pour les juifs une période de diaspora et d’errance à travers le bassin méditerranéen, puis l’Europe. Souvent rejetés et victimes d’exclusion de la part de l’Europe chrétienne, ils se voient interdire un certain nombre de professions et sont souvent accusés des maux qui traversent le Moyen - Âge, et donc persécutés ou exilés. Cette réalité explique clairement que les seules professions dans lesquelles de nombreux juifs aient pu prospérer soient, les professions libérales, du commerce, de la finance (prêt à intérêt), et intellectuelles. Aussi les jalousies qu’ils suscitèrent, alimentèrent un antijudaïsme primaire, doublé bien sûr de l’anathème jeté sur eux par l’Eglise chrétienne au nom de leur culpabilité déicide. Après 1800 ans d’une telle réalité, T.Herzl, fit de la création d’un foyer national juif, l’une des motivations de son existence. Il est athée et ne réclame pas nécessairement un retour en terre « promise », mais seulement une terre qui mettrait les juifs à l’abri des persécutions dont ils sont victimes en cette fin de XIXème siècle (Argentine, Ouganda entre autres possibilités). La Palestine est alors sous autorité ottomane et les Arabes vivent sur ces terres depuis de nombreux siècles. La communauté juive y est aussi présente depuis longtemps, et depuis le début de l’ère chrétienne, nombreux sont ceux qui se convertirent au christianisme d’abord, puis à l’islam à partir du VII è siècle : la poussée de ces deux religions successives incita de nombreux juifs à se convertir, soit par crainte de représailles, soit par obligation (notamment l’islam, qui laissait un choix dont les conséquences fiscales étaient très différentes). Les trois communautés cohabitent sans difficultés majeures, même si les tensions sont, à certains moments, plus fortes, du fait des jalousies pouvant exister. Les juifs occupent des positions parfois plus élevées auprès des autorités turques, que les Arabes.

Cette théorie sioniste du « retour » trouve ses racines dans le mythe élaboré au cours du XIXème siècle et selon lequel, la destruction du second temple de Jérusalem par les légions de l’empereur Titus en 70 de notre ère aurait provoqué un éparpillement de la communauté juive de Judée, la Diaspora. Cet événement s’inscrivait dans une tradition biblique ayant accrédité la thèse selon laquelle, les Hébreux auraient été réduits en esclavage par les Egyptiens, puis les Babyloniens et ensuite, persécutés par les Grecs, les Romains et plus tard les Arabes. De tout cela, nous savons aujourd’hui, grâce à l’archéologie, qu’il n’y a que peu de faits avérés. La servitude des Hébreux par Pharaon n’est étayée par aucun élément archéologique, et l’Histoire n’est pas en mesure de confirmer l’existence de Moïse. La Bible, qui n’est rien moins qu’une apologie du peuple hébreu rédigée sur plus d’un millénaire, ne saurait être considérée comme un document scientifique et fiable. Si Nabuchodonosor II, roi de Babylone au VIè siècle av. JC, a bien déporté une partie des Hébreux et détruit, si tant est qu’il ait existé, le temple de Salomon, les pièces archéologiques montrent que le retour en Palestine après la libération perse n’a pas concerné tous les juifs. Un certain nombre serait resté en Mésopotamie, de nombreux rabbins ayant été influencés par le Zoroastrisme, la religion d’Ahura Mazda, dont on peut dire qu’il porte en lui l’essence du monothéisme. Le judaïsme fut donc enrichi de ces apports orientaux. Il convient donc de nuancer cet épisode, largement popularisé par l’opéra de Verdi « Nabucco » et son « Chœur des esclaves ». Par ailleurs, il est difficile d’établir une filiation directe entre les juifs de l’époque de Titus (qui seraient à l’origine de la Diaspora, théorie de plus en plus contestée) et ceux d’aujourd’hui. La conversion au judaïsme de peuples berbères en Afrique du Nord et des Khazars en Europe centrale (VIII ème siècle) prouve que tous les juifs venus en Palestine n’ont pas grand-chose à voir avec les juifs d’hier, à savoir que peu nombreux sont les juifs contemporains pouvant se réclamer de l’ethnie sémite, celle-ci étant essentiellement composée d’Arabes. Et ce mythe de la « terre promise » a été largement instrumentalisé pour légitimer la création d’un Etat juif dans cette région.

La Première Guerre mondiale bouleverse le contexte géopolitique. L’Empire ottoman, allié de l’Allemagne, est vaincu et démantelé. En 1917, le ministre des affaires étrangères britannique, Lord Balfour, se prononce en faveur d’un « foyer national juif » dans une lettre adressée à Lord Rothschild, un des plus grands banquiers du monde et chantre de la cause sioniste. Cette lettre, connue sous le vocable de « Déclaration Balfour » serait, selon Benjamin Freedman (juif sioniste très en cour dans les milieux politico-financiers dans la première moitié du XXème siècle, converti au christianisme après 1945 et dénonciateur des agissements du Congrès sioniste), le résultat d’un marchandage entre le Congrès sioniste et le Cabinet de guerre britannique à l’automne 1916, à savoir l’entrée en guerre des Etats-Unis contre la promesse de l’installation d’un foyer national juif en Palestine une fois la guerre terminée (discours de B. Freedman de 1961). Les traités de paix de 1919/20, auxquels participe une délégation sioniste de plus de 110 juifs sionistes menés par Bernard Baruch, bafouent les promesses faites aux Arabes par le Royaume-Uni et la France (création d’un grand royaume arabe dont l’émir d’Irak deviendrait le souverain) et les terres du Proche et du Moyen-Orient sont confiées en mandats à la France (Liban et Syrie) et au Royaume-Uni (Irak, Palestine). Les Britanniques ne jugent pas le moment opportun pour l’établissement d’un Etat hébreu et l’intérêt grandissant de la région lié à son sous-sol riche en pétrole explique, en partie, ce statu quo. De plus, le Royaume-Uni est vite débordé par les révoltes arabes de 1936, les massacres de juifs suivis des représailles de l’Irgoun (Agence juive dirigée par David Ben Gourion). Aussi en 1938, interdit-il l’immigration juive en terre de Palestine, au moment où se tient la Conférence d’Evian (juillet). Celle-ci, réunie à l’initiative du président Roosevelt, s’était donnée pour mission d’aider les candidats allemands et autrichiens juifs à l’émigration, après la proclamation de l’Anschluss par Hitler (mars 1938). Elle fut un échec car aucun pays, ou presque, ne semblait disposé à concéder des visas d’entrée pour les juifs. Si le Congrès sioniste n’est peut-être pas étranger à cet échec (l’émigration juive dans des pays extra européens remettait en cause la volonté d’occuper la Palestine, et d’y fonder un Etat juif) il n’en reste pas moins que le sauvetage des juifs d’Allemagne n’eut pas d’aboutissement. Et tous les pays, à commencer par le Royaume-Uni, de trouver d’excellentes raisons de ne pas délivrer de visas en cette difficile période. De toute évidence, Lord Balfour n’avait pas mesuré la portée de ses prises de position. Mais la Seconde Guerre mondiale généra un des génocides les plus terribles de l’Histoire. Près de 12 millions de personnes périrent dans les camps d’extermination nazis, dont environ 5,5 millions de juifs. Cette « Shoah » (qui signifie « catastrophe ») et la culpabilité occidentale qui en découle accélèrent le processus. L’idée d’un Etat qui mettrait définitivement les juifs à l’abri de toute persécution est admise, même si la vacuité de cette croyance est aujourd’hui flagrante. En novembre 1947, l’ONU adopte, non sans une certaine opposition de la part de pays extra européens (Amérique latine, Asie) et à coups de manœuvres peu orthodoxes (chantage financier de la part des Etats-Unis à l’égard des plus petits Etats), une résolution partageant la Palestine en deux Etats, l’un palestinien, l’autre hébreu. Les Britanniques, conscients malgré tout du danger de cette décision, empêchent l’« Exodus », bateau sur lequel des centaines de juifs fuient l’Europe en direction de cette « terre promise », d’accoster en 1947 : ils ont essayé de protéger les Arabes face à une vindicte et un terrorisme juifs aveugles (Irgoun ou Agence nationale juive). Mais à peine les Britanniques furent-ils partis le 14 mai 1948, que l’Etat d’Israël était proclamé le même jour. Seul Etat de l’Histoire associé à une identité religieuse et fondé par le vote de la communauté internationale, Israël est créé avec le soutien des grandes puissances, et en particulier des Etats-Unis^(notamment le président Truman) qui n’hésitèrent pas à menacer des pays, petits (comme Haïti) ou grands (comme la France avec le Plan Marshall), pour obtenir leur voix. Notons cependant, que le Royaume-Uni s’abstint, comme s’il voulait s’en « laver les mains » par avance. Peut-on dès lors considérer que la création de cet Etat découlait d’un processus « démocratique » ? Il est d’autant plus difficile de l’affirmer que les populations arabes concernées n’ont pas été sollicitées. Dès le lendemain, la première guerre israélo-arabe commençait. Elle s’acheva en 1949 par la défaite des Arabes. 700000 juifs s’installent dans les terres conquises et les résolutions d’évacuation de l’ONU restent lettre morte (la population juive d’Israël étant aujourd’hui d’environ 6 millions contre 1 million 500000 en 1948).

Israël fut admis à l’ONU en 1949 et les Palestiniens connurent l’exode et l’indifférence quasi générale de la communauté internationale (une humiliation supplémentaire). Face à cette situation, les organisations « terroristes » palestiniennes se multiplièrent et les Arabes, sous l’égide du colonel Nasser, président de la République égyptienne depuis 1954, firent de la cause palestinienne, « leur cause ». Pour autant, les intérêts du monde arabe et ceux du peuple palestinien ne coïncidaient pas nécessairement. Entre les monarchies pétrolières pro-occidentales (Iran, Arabie saoudite, Jordanie) et les Etats plus proches de Moscou, sans pour autant adhérer au bloc socialiste (Irak, Egypte), les convergences semblaient difficiles. Les Etats-Unis, soutien inconditionnel d’Israël (rôle essentiel du puissant lobby judéo-sioniste, American-Israeli Public Affair Comitee l’AIPAC), tenant à protéger leurs intérêts pétroliers dans la région et soucieux de maintenir Moscou à distance, n’ont jamais considéré la cause palestinienne comme une nécessité jusqu’à la fin des années 1960. Quand Yasser Arafat prend la tête de l’Organisation de Libération de la Palestine en 1969 (OLP), il est considéré comme un terroriste, chef d’une organisation terroriste (les Israéliens ont vraiment la mémoire courte). Pourtant la Guerre des Six Jours en juin 1967 et le non respect par Israël de la résolution 242 de l’ONU ont modifié l’état d’esprit en Occident. Le général de Gaulle fut l’un des premiers à reprocher à Israël son action sur l’Egypte et la Syrie (conférence de presse de novembre 1967)..et ne tarda pas à en payer le prix. Le refus d’Israël d’abandonner le plateau du Golan et le Sinaï modifièrent la perception que l’Etat hébreu cherchait à donner de lui, à savoir un Etat victime (position assez récurrente dans la communauté juive) dans l’obligation perpétuelle de se défendre (théorie qui avait servi de faire valoir dès le départ) : il devenait alors un Etat colonisateur et conquérant, et ce, à l’heure où les grandes puissances colonisatrices avaient officiellement abandonné ce type de politique, au moins dans la forme. Dans le même temps, le peuple palestinien vivait une situation de réfugiés, ballotté entre la Jordanie, le Liban, la Cisjordanie et le massacre perpétré sur ordre du roi Hussein de Jordanie en septembre 1970 a laissé des traces indélébiles à l’origine, en partie, de l’attentat de Munich aux Jeux Olympiques de 1972 par le commando « Septembre noir » et condamné à l’unanimité compte tenu de sa nature, et pour horrible qu’il fût bien sûr, peut aussi être interprété comme la manifestation d’un désarroi tel, qu’il aurait peut-être fallu en rechercher les causes avec une lucidité, et surtout, une honnêteté plus grandes.

Le président égyptien Anouar-el-Sadate succéda en 1970 au colonel Nasser et poursuivit sa politique. Si la cause palestinienne et la cause arabe semblaient toujours se confondre, ce sont des événements extérieurs qui précipitèrent les choses. En 1973, la Guerre du Kippour provoque un nouveau séisme dans cette partie du monde qu’est le Proche-Orient. L’attaque surprise égypto-syrienne contre Israël est vite repoussée ! Devant la menace d’une extension du conflit, l’URSS et les Etats-Unis intervinrent pour mettre fin au conflit (novembre 1973), dont l’une des conséquences, et non des moindres, fut la hausse brutale du prix du pétrole. Le pétrole, source d’énergie première du monde occidental, provoque une réaction des puissances occidentales. En 1974, l’OLP et Yasser Arafat reçoivent le statut d’observateurs permanents à l’ONU ! La cause palestinienne trouvait subitement un écho (pétrole et intérêts occidentaux obligent) et Israël voyait son image ternie sur la scène internationale.

Depuis cette date, les tentatives de paix ont toutes avorté, et ce, du fait des radicalismes des deux bords. De Camp David en 1978 aux Accords d’Oslo en 1993, aucune entente n’a réellement été possible : il faut préciser que les Etats-Unis n'ont jamais vraiment oeuvré pour cette paix, mais bien plutôt essayé de toujours préserver les intérêts d’Israël et donc, les leurs. Les raisons en sont très complexes.

D’une part, les Etats arabo-musulmans, s’ils ont fait de la cause palestinienne la cause du monde arabe, sont très divisés. La guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 a opposé un islam intégriste, celui de Khomeiny, à un islam qui se voulait plus laïque, celui de Saddam Hussein. Le rôle de l’Occident fut tout aussi ambigu, les Etats-Unis soutenaient l’Irak officiellement, mais vendaient des armes à l’Iran, en partie pour financer la contre-révolution sandiniste au Nicaragua. Dans le même temps, la première guerre du Liban (1982), permettait à Israël de contrôler et d’expulser l’OLP de Beyrouth, donnant naissance au Hezbollah, lui même soutenu par Téhéran. Sans entrer dans la logique des intérêts en jeu, beaucoup trop complexe et dont une partie de la réalité nous échappe totalement, ce conflit pose cependant plusieurs questions qu’il serait bon d’examiner avec lucidité et honnêteté, à défaut d’y répondre.

Tout d’abord, il serait souhaitable de réfléchir sur le non-respect des résolutions de l’ONU par Israël (34 résolutions entre 1947 et 2009), à commencer par le partage de 1947(Suivant la phrase célèbre de Ben Gourion : « peu importe ce que disent les Gentils, l’important c’est ce que font les Juifs »). Ce dernier n’a jamais été respecté par le nouvel Etat. La raison avancée selon laquelle, les Arabes seraient eux-mêmes responsables du fait de l’agression lancée contre Israël n’est que peu défendable : les Palestiniens ont-ils été impliqués dans le partage du territoire palestinien ? Non bien sûr. Et depuis cette date, bien peu nombreuses furent les résolutions respectées par Israël. ! Ensuite, sur quelle légitimité l’Etat d’Israël repose-t-il ? Peut-on considérer qu’une terre promise par un Dieu, quel qu’il soit, puisse représenter un postulat recevable ? Là est posée une question fondamentale, sans laquelle aucun avenir pour les deux peuples ne semble possible. Tant que la dimension religieuse perdure, il semble difficile d’envisager un vrai dialogue. Le mélange entre l’aspect nationaliste et l’aspect religieux est de nature à alimenter la confusion la plus totale. Les Israéliens doivent se poser un certain nombre de questions sur l’origine même de la naissance de leur Etat et sortir du contexte de la « Shoah » pour l’analyser avec le recul nécessaire. Ceci étant, l’Etat israélien existant, il s’agit d’en prendre acte, mais alors, ce dernier doit respecter les droits du peuple palestinien (respect inscrit d'ailleurs dans la Déclaration Balfour) et ne pas coloniser comme il le fait, des terres qui ne lui appartiennent pas (avec une accélération de l’immigration juive après la chute de l’URSS dans les années 1990). Cette situation est vécue comme une colonisation pure et simple, ce qu’elle est réellement d’ailleurs. Cela dit, la complexité de la situation et les divergences au sein du monde arabo-musulman ne sont pas faites pour faciliter les compromis. Le rôle de l’Occident, et en particulier des Etats-Unis et des lobbies juif et pétrolier, complique encore la situation.

Ensuite, la communauté internationale, reposant sur la Charte de San Francisco de juin 1945, ayant donné naissance à l’ONU, peut-elle avoir deux discours et deux attitudes ? L’un pour Israël et l’autre pour les pays arabo-musulmans de la région ? L’injustice et l’humiliation dont le peuple palestinien et, plus largement, les pays arabes sont l’objet depuis trop longtemps (ne pas oublier l’attitude des Occidentaux durant la Première Guerre mondiale à l’égard des Arabes et le double jeu mené par Londres entre ces derniers et les Sionistes) ne font que nourrir la haine et le terrorisme. Mais visiblement, qui s’en soucie ?

Aujourd’hui la situation ne s’améliore pas. La fausse main tendue d’Israël avec le retrait des colonies juives de Gaza (2005) ne peut en aucun cas compenser la poursuite de la colonisation en Cisjordanie. L’érection du mur de la « honte » entre les deux territoires ne fait que renforcer ce sentiment d’apartheid mis en place par les autorités israéliennes (n'oublions pas qu'Israël fut un des rares Etats à entretenir des relations officielles avec l'Afrique du Sud au temps « glorieux » de l'apartheid).

Le génocide nazi, horreur suprême, tant pour les juifs que pour d’autres groupes ethniques ou sociaux, a généré un sentiment consensuel, et légitimé la demande de Herzl. Le problème étant que cet épisode monstrueux de la Seconde Guerre mondiale ne semble pas avoir eu l’impact attendu chez ceux là mêmes qui en ont été les victimes. Les Palestiniens endurent depuis plus de six décennies des humiliations et des persécutions de la part des autorités israéliennes qui anéantissent le capital de sympathie dont la communauté juive a pu bénéficier au lendemain du conflit. La société israélienne ne semble pas unanime quant à la politique de ses gouvernements. Nombreux sont ceux qui condamnent les souffrances infligées aux Palestiniens et réclament la création de deux Etats, comme initialement prévu par l’ONU en 1947. Mais la rigidité d’une grande partie de la classe politique israélienne et le soutien inconditionnel des Etats-Unis (voir Opération Susannah de juin 1967) et du lobby sioniste (AIPAC, CRIF) créent un malaise dont les conséquences sont une radicalisation des positions qui empoisonne les Proche et Moyen Orient, et au-delà, la communauté internationale. Si le peuple palestinien a lui aussi été instrumentalisé par certains Etats arabes environnants qui n’ont peut-être pas grand-chose à faire de ce peuple, il n’en reste pas moins vrai que le quotidien d’un grand nombre d'entre eux demeure épouvantable. Et ces conditions de vie ne peuvent en aucun cas être assimilées à celle des Israéliens qui sont les occupants, ne l’oublions pas. Mais les dirigeants, finalement, se soucient bien peu du vécu des deux peuples, et leur logique ne rejoint pas forcément celle de ces mêmes peuples.

Il est cependant intéressant de se pencher sur les recherches récentes d’historiens israéliens faisant partie du groupe des « nouveaux historiens », tels Pappé ou Sand. En 2009, Shlomo Sand a publié un ouvrage intitulé Comment le peuple juif fut inventé . Professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv, il a fait un travail de recherche remarquable et en est arrivé à une conclusion, que d’autres avant lui avaient déjà émise (comme Arthur Keistler). Il n’y aurait pas de « peuple juif » descendant des Hébreux de Palestine et résultant d’une déportation orchestrée par Rome après la destruction du deuxième temple en 70, par les troupes de l’empereur Titus. L'archéologie et l'historiographie ne corroborent absolument pas cet épisode, matériellement et humainement difficile à envisager. Il met à bas tous les mythes qui ont forgé la légitimité d’un peuple revenu sur la terre ancestrale. Il va de soi que la véracité de son propos est incontestable aujourd’hui et qu’elle remet en question la création même de l’Etat juif. Toute la mythologie née à partir du milieu du XIXème siècle et entretenue par le Congrès sioniste du retour en Palestine tombe à plat. Si l’on reprend le travail de Sand, on en arrive à cette aberration suprême qu’aujourd’hui plus de 95% des Sémites sont les Arabes. Les juifs sémites sont une part infime. Si comme l’affirme Sand, les Ashkénazes descendent du peuple khazar converti au judaïsme au VIIIème siècle, ils n’ont aucun lien avec la Palestine, et les Séfarades pas davantage puisqu’ils seraient eux-mêmes descendants d’un peuple berbère converti au judaïsme par leur reine berbère Kaïna. Le fruit, donc, d’un prosélytisme n’étant plus d’actualité aujourd’hui. Cette thèse dérange beaucoup les sionistes qui y voient une provocation, et pour cause, mais aussi les antisémites qui fondent leur théorie sur un peuple juif descendant des Hébreux de l’Antiquité. Il y aurait donc bien spoliation des terres palestiniennes par des gens n’ayant aucune légitimité à les revendiquer. L’Etat israélien doit donc prendre la mesure de cette vérité qu’il connaît parfaitement, et cesser de persécuter un peuple en errance depuis 65 ans. Et je parle bien du peuple, de ces hommes, femmes et enfants qui ne sont pas des activistes du Hamas. Mais hélas ! On est loin de cette démarche. Une des réponses aujourd’hui, revêt la forme d’études, prétendument scientifiques, visant à isoler un gène qui serait commun à tous les juifs. Les victimes seraient-elles en train de dépasser le bourreau ? Nous touchons là à l’essence même de l’absurde. Que ne ferait-on pas pour légitimer un Etat colonisateur ? Vouloir isoler le génome juif revient à confirmer l’ « élection » de ce « peuple » et donc sa supériorité, puisque choisi par Dieu, mais plus grave, il corrobore la thèse hitlérienne d'une « race juive ». L’être humain ne peut accepter une telle théorie. Ne faut-il pas y voir une des raisons de l’anti-judaïsme en recrudescence ? Dès que l’on se différencie avec un sentiment réel ou supposé de supériorité, la réaction peut être violente. Mais les mêmes erreurs se répètent toujours. Et donc, aux mêmes causes les mêmes effets !


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