Israël-Palestine, la stratégie du pire

par Dr No
vendredi 29 juin 2007

Une histoire de coudes, cailloux, genoux et hiboux...

Une superbe photo de Lionel Préau, tirée d'un reportage "Manifestation contre le Mur en Palestine" et illustre très bien cette notion d'ennemis d'hier- amis aujourd'hui , tout en laissant poindre en filigrane que des amis d'hier sont aussi devenus par la force de choses, des ennemis d'aujourd'hui. Tel est le constat de ce triste paradoxe qui rythme la vie en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.

Le Hamas a toujours été peu enclin au dialogue avec ses interlocuteurs obligés. Qu'ils soient israéliens ou palestiniens. Mais comme l'explique dans son dernier rapport Alvaro de Soto, le coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, L'Etat hébreu non plus !


Cependant, et paradoxalement, c'est sur le plan politique plus que par ses actions de résistance militaire sur le terrain que le Hamas a brillé. Israël et la communauté internationale lui ont, à maintes reprises, offert l'occasion de le faire en discréditant un à un, tous les autres interlocuteurs et représentants palestiniens.

Bien joué !

Reprochera-t-on au Hamas d'avoir, dans ces conditions, saisi une opportunité inespérée de se poser en ultime recours ?

En effet, la guerre ou guérilla que le Hamas a menée depuis des années contre les colonies juives à Gaza a fini par porter ses fruits. Elle a plus joué un rôle de déstabilisation psychologique qu'elle n'a permis de gagner le moindre centimètre de territoire.

Les électeurs palestiniens en étaient conscients en portant le Hamas au pouvoir. Ils savaient pertinemment qu'il ne leur apporterait rien de plus aujourd'hui sur le terrain militaire que n'avait pu le faire le Fatah d'Arafat.

Et pourtant, le 25 janvier 2006, des élections démocratiques et sans irrégularités ont donné à ce même Hamas une victoire sans appel. Le scrutin qui s'est déroulé en Palestine sous occupation étrangère est incontestable.
Cependant, la première question qui vient à l'esprit d'un démocrate, c'est : alors pourquoi diable, porter ce Hamas jugé "belliqueux" par les Israéliens et surtout par la frange modérée des Palestiniens, au pouvoir ?

Ce vote montre que les Palestiniens ont plus rejeté (et massivement !) la politique de l'autorité palestinienne et du Fatah, que souhaitait un surplus de violence ou d'attentats terroristes.

L'état d'esprit de la population palestinienne au moment de ces élections était en effet plus au ras le bol généralisé, qu'un chèque en blanc pour un surplus de violences. Le Hamas a bien compris le message et sa position s'est mise à évoluer aussi bien sur le plan militaire que politiquement.


On a ainsi pu noter, jusqu'à l'incident de l'enlèvement du militaire israélien Gilad Shalit, en juin 2006 et la violence qui s'en est suivie avec la riposte israélienne disproportionnée (et totalement incompréhensible) au Liban, une suspension des actions militaires, une diminution de la violence sur le terrain et fait inédit : un changement de cap politique. Il se murmurait même dans les chancelleries arabes que les dignitaires du Hamas étaient désormais "mûrs" pour le dialogue et commençaient à envisager la reconnaissance explicite et officielle de l'Etat d'Israël.

D'ailleurs, jusqu'à une date récente, le Hamas demandait encore un échange de prisonniers toujours refusé, et depuis le début par Israël au motif que le Hamas souhaitait sa destruction, (ce qu'Israël lui rend bien), et que ce même Hamas n'a jamais reconnu l'Etat d'Israël.

En fait, la participation du Hamas aux élections de 2006 et leur entrée ultérieure dans le gouvernement Mahmoud Abbas, celui qui était au centre des négociations et du dialogue avec Israël, ami des Etats-Unis et chouchou des Européens, n'était-elle pas une reconnaissance implicite, voire explicite pour certains, d'Israël ?

Certes. Mais que leur ont valu ces élections démocratiques ?
Rien, ou plutôt si. Une suspension pure et simple de l'aide internationale, à l'ensemble des Palestiniens. Punis collectivement pour n'avoir su choisir d'autre parti que celui-ci (? !).

Autour de 1,3 milliard de dollars d'aide de la part de l'ensemble de la communauté internationale (Etats-Unis, Japon, Union européenne, France comprise) est ainsi gelée dans des territoires déjà sous perfusion.
Bien entendu au jour d'aujourd'hui, ça reste totalement incompréhensible. Le seul à avoir trouvé à l'époque cette sanction inappropriée fut le très grand "démocrate" Vladimir Poutine qui pour une fois a donné aux autres grands de ce monde une vraie leçon de démocratie en disant qu'il fallait respecter le résultats des urnes et poursuivre l'aide internationale pour amener le Hamas à la table des négociation, comme il fut fait jadis pour le Fatah !

Bien vu !

C'est juste un peu dommage que ce soit uniquement un des dirigeants les moins écoutés sur la scène internationale qui rappelle cette notion élémentaire et pas les autres !

Le Fatah d'Arafat, qualifié de terroriste aussi, il n'y a pas si longtemps que cela est devenu respectable par la force des choses et a même fini par participer activement au processus de paix d'Oslo dont on connaît la suite...
Après le coup de force du Hamas à Gaza en juin 2007, les propos tenus par Alvaro de Soto, coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, dans son rapport censé rester secret, prennent tout leur sens.
Il n'a pas de mots plus durs pour qualifier l'attitude incohérente de la communauté internationale qu'il juge responsable de la dégradation du climat en Palestine et plus particulièrement à Gaza.

Selon Alvaro de Soto, Israël, avec son attitude de rejet systématique vis-à-vis des Palestiniens, aggrave la situation et pousse la population à un rejet de toute solution négociée acceptée par Israël et Mahmoud Abbas, comme nécessairement défavorable à leur égard. Le quartet des négociateurs constitué des Etats-Unis de l'Union européenne, de la Russie et de ONU est réduit à un rôle mineur, expédiant les affaires courantes alors qu'il devrait jouer un rôle central Les efforts de l'autorité palestinienne pour mettre fin à la violence contre Israël depuis les territoires sous son contrôle sont « au mieux partiels, au pire condamnables. » Il estime par ailleurs que le boycott du gouvernement élu avec des ministres du Hamas, a transformé le rôle du Quartet d'une institution destinée à favoriser la négociation, suivant la « Feuille de Route », en un organisme ne s'occupant plus que d'imposer des sanctions à un gouvernement librement élu, et de définir des conditions impossibles à remplir comme préalables au dialogue. Quand on apprend qu'Européens et Américains envisagent de reprendre leur aide aux Palestiniens et ont levé lundi dernier le blocus qui dure depuis plus d'un an à l'égard du gouvernement palestinien, immédiatement après la formation d'un cabinet d'urgence (comprendre non élu) constitués de proches du président Mahmoud Abbas on peut comprendre la frustration de ces Palestiniens dont le vote de janvier 2006 a été piétiné par tous !

A quoi bon voter ? Pour poursuite du processus de paix ?

Certainement pas, car on oublie bien souvent que ce processus n'existait déjà plus bien avant les élections puisqu'il avait cessé avec l'élection d'Ariel Sharon qui ne voyait comme issue au conflit qu'une solution militaire.
Six ans après sa nomination comme Premier ministre, Israël garde toujours cette même ligne de conduite et j'apprends à l'instant que le nouveau ministre de la Défense, M. Ehoud Barak prépare une attaque sur Gaza pour écraser le Hamas qui sera on n'en doute pas largement médiatisé dans le monde arabe : Merci pour le spectacle !

Surprenant de voir qu'Israël, confrontée avec le Hamas, un pur produit du Mossad, aux mêmes problèmes que les Américains avec leur progéniture en Afghanistan, propose les mêmes solutions !

On peut à ce stade s'interroger : pourquoi parler dans le même article de coudes, genoux, cailloux ou de hiboux ?

Le rapport est simple, même si les termes semblent éloignés. Ils tiennent lieu de fil conducteur pour cette histoire !

Au cours de l'Intifada, un documentaire d'"Envoyé spécial" très vivement critiqué à l'époque avait montré des soldats de Tsahal brisant des coudes d'enfants lanceurs de pierres, capturés en leur mettant les bras le long de murets et en les fracassant à coup de pieds en représailles. Pour qu'ils ne recommencent plus, disaient-ils !

On ne peut s'empêcher de trouver des similitudes entre cette attitude aussi scandaleuse que diabolique de Tsahal vis-à-vis des enfants lanceurs de pierre, avec ce que fait en ce moment le Hamas à Gaza, en tirant des balles dans les genoux des membres du Fatah ou supposés tels, capturés ces derniers jours.
Comment ne pas trouver d'analogie entre l'attitude scandaleuse de Tsahal et celle tout aussi scandaleuse du Hamas ?

Mais ces similitudes s'arrêtent là ou le traitement médiatique commence.
En effet, si le documentaire avec l'histoire des coudes, par moment insoutenable, a été vivement critiqué par les instances représentatives juives en France et n'a quasiment plus été (à ma connaissance) rediffusé, en revanche les images de soldats du Fatah amputés des jambes ou hospitalisés pour de graves blessures aux membres inférieurs suite aux actes tout aussi barbares et délibérés que ceux de Tsahal ont été largement relayées.

Diffusées et commentées dans le monde entier, aux infos de différentes chaînes pour bien marquer les esprits les barbares, c'est eux. Là encore le poids des images et surtout des médias qui les exploiteront de manière tout aussi asymétrique que ce conflit fera le reste.

Il est vrai qu'il est d'autant plus simple de mettre dos à dos des interlocuteurs inconciliables quand on n'est pas soi-même parti prenante du conflit mais il faut se résoudre que s'ils sont inconciliables c'est plus par choix que par nécessité. A moins que les uns et les autres tirent de cette stratégie du pire le ferment de leur survie...

Pour la justification du "hibou" dans le titre, il ne fait aucun doute que la communauté internationale, et nous avec, sommes tous de simples hiboux, "spectateurs" impuissants d'un spectacle joué par d'autres qui ne laissent aucune autre personne y participer autrement qu'en simple spectateur...
La page wikipedia parlant de Hiboux et notamment la rubrique symbolisme peut éclairer le propos et trouver à la présence de ce hibou spectateur dans le titre une autre justification qui soit autre chose qu'une simple nécessité de rime !

En effet, cet animal dont l'image négative pour certaines cultures et positive chez d'autres illustre très bien toute l'ambiguïté dans la vision de ce conflit.
Le hibou, souvent associé à la sorcellerie ou la magie noire, présageait par son cri une mort imminente chez les Romains alors que pour les Indiens des prairies, il avait bien au contraire le pouvoir de donner aide et protection durant la nuit la plus noire.

Espérons que les uns et les autres finissent un jour par trouver le chemin de la paix d'une manière plus efficace qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant.
 


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