J’ai filmé des enfants soldats, ça ne vous intéresse pas ?

par ultima_ratio
mardi 22 mars 2016

Voici ce que veut dire le mot freelance dans le jargon de la presse : Le type qui prend tous les risques, à ses propres frais pour avoir toutes les misères du monde à vendre ses clichés car contrairement aux autres, il n’a pas de commande. Ceux qui en sont morts, je pense à Remi Ochlik, Olivier Voisin, Camille Lepage à ses débuts, et tous les autres, ces « héros de l’info » ne peuvent malheureusement plus vous en parler alors je vais tenter de vous l’expliquer puisque je commence à en connaitre un rayon. Freelance, c’est beau, on est seul, indépendant, pas de rédaction pour vous dicter vos sujets, ce que vous devez ou ne pouvez faire et vous placer des limites. L’exemple de journalisme le plus pur. A mon sens, le plus immaculé de tous. Ces freelances ? On les a malheureusement presque tous découverts, eux et leur travail, au lendemain de leur décès. A ce moment, il y avait du monde pour faire de la com à la télé et leur rendre hommage. C’est également un business, ça fait de l'audimat, des invités plateaux, ont-ils pris trop de risques ?.... On se rappelle parfois d’eux lorsqu’un prix photo porte leur nom comme dans le cas de Rémi Ochlik ou de Camille Lepage. Certains professionnels des médias ont même eu le monstrueux culot de dire qu’il était honteux que des gens risquent leur vie pour informer et dans le même temps avoir autant du mal à publier leur travail. Ces personnes ont le commentaire facile quand on sait que ce sont les mêmes qui décident et souvent refusent de diffuser leurs images. Il paraît que les conflits n’intéressent plus (ou pas du tout) les gens. Vous en somme. Oui VOUS, apparemment vous êtes plus friands des sujets du 13h de JP, des anges de la télé réalité, des déboires de Nabila, des joueurs de foot et…je dois m’arrêter ou mes nerfs vont lâcher…Si je comprends bien, les rédacteurs en chef qui m’expliquent que mes photos n’intéressent pas ont raison, les ¾ d’entre vous ont décidé de mettre leur cerveau sur « off » et nos chers journaux n’ont pas d’autre solution que de vous suivre dans vos choix et vos envies sans quoi, ils ferment. Un journal d’info qui sert uniquement ce que son lecteur veut voir…pourquoi pas, ce n’est pas ma conception. Après tout, si tel est bien le cas, je vous laisse continuer, mais on va aller jusqu’où comme ça ? J’ai filmé des enfants soldats, apparemment ca ne vous intéresse pas, j’en tire un triste constat et si mes confrères, (et c’est un honneur de les appeler comme cela) freelance disparus nous regardent, je vous garantis qu’ils doivent en tirer les mêmes conclusions. C’est désespérant…et franchement je me prends presque à rêver des les rejoindre car même si j’ai eu plus de chance qu’eux et qu’ils échangeraient volontiers ma place contre la leur, j’en suis conscient, au moins, ils ne sont plus là pour voir que rien n’a changé, bien au contraire. Le dernier article de mon blog vous racontera comment des gens qui n’ont jamais mis les pieds sur une zone de guerre peuvent vous faire la morale, vous prendre de haut alors qu’ils n’ont aucune expérience et décider si oui ou non cela peut intéresser leurs lecteurs et téléspectateurs. Ben oui, d’après eux, vous avez des sujets de prédilection plutôt limite mais ils jouent votre jeu ne vous en faites pas, la télé réalité ne va pas s’arrêter au profit de la réalité.

Des jeunes djihadistes sur le front de Sheik Saïd à Alep en mai 2014
Ne cherchez pas cette photo ailleurs sur le net, elle est de moi, pour les connaisseurs je l’ai prise en RAW canon (CR2) cela signifie qu’elle est infalsifiable sans laisser une trace dessus, c’est une sorte de carte d’identité propre à chaque cliché, l’ensemble de mes images a été pris de la même manière, celle ci est au format jpeg, qualité réduite

 

Pour ceux que ca intéresse un extrait vidéo de mon reportage :

 


Lire l'article complet, et les commentaires