J’ai mal à mon PS

par Le péripate
jeudi 23 novembre 2006

Voilà. Je commence à peine à digérer. J’appartiens à un parti où un responsable compte les noirs dans les stades, et où d’autres comptent les voix dans les sondages.

Alors que tous les militants devraient savoir que dans les enquêtes, neuf personnes sur dix refusent de répondre, que les instituts de sondage ont juste besoin de la notoriété des sondages politiques pour vendre les enquêtes de marketing, que depuis 1948 et un certain Robert Merton, tous les dirigeants politiques connaissent l’outil de la prophétie autoréalisatrice, que la ficelle était si grosse, depuis l’article du Nouvel observateur du 15 décembre, avec Ségolène en couverture, titrant Élysée 2007, et si c’était elle ? Le coup était bien monté. Une merveille. On se rappellera Hollande comme le premier secrétaire qui aura blairisé le PS. Il devait juste garder les clés de la maison, parce que le chef était fâché avec les Français, et qu’il boudait sur son île. Normalement, c’est le premier secrétaire qui est élu au PS, qui porte les couleurs du parti. Mais voilà, il est charismatique comme une tanche, et puis il a promis au grand frisé. En revanche, au Congrès du Mans, il a réussi à garder saine la maison, en empêchant que ne se constitue une opposition à l’intérieur du parti, fondée sur le non au TCE. Alors, il obtiendra les coudées franches pour une désignation démocratique. Démocratique, oui, comme les pratiques de la Fédération de l’Hérault, et ses sections fantômes, sections dites déterrritorialisées, comme celle si justement nommée opac. Mais il est vrai que George Frêche soutient Ségolène. Voilà qui augure mal des nouvelles pratiques promises.

C’est Françoise Giroud qui aura eu raison, qui pronostiquait que les femmes seraient les égales des hommes quand une femme médiocre serait élue. Encore un petit effort, nous y sommes presque.

Certains font mine de s’étonner du miracle Ségolène. Comme l’écrivait Pierre Bourdieu en 1981 : "Le champ politique exerce en fait un effet de censure en limitant l’univers du discours politique et, par là, l’univers de ce qui est pensable politiquement, à l’espace fini des discours susceptibles d’être produits ou reproduits dans les limites de la problématique politique comme espace des prises de position effectivement réalisées dans le champ, c’est-à-dire sociologiquement possibles étant données les lois régissant l’entrée dans le champ."

Voilà, quelques-uns avaient bien vu dans la photo des présidents de régions socialistes, nouvellement élue, une tache blanche au milieu des costumes sombres. Ceux-là dirigent des partis, des journaux, des instituts de sondage, ils connaissent les méthodes du marketing, ils ont les ressources. Le reste n’a été que patience, éviter que Pimprenelle ne dise pas trop de bêtises, la prophétie se sème, la récolte vient d’elle-même. Un zeste de victimisation parera aux éventuelles erreurs. Tous les journalistes se rappelleront son désormais célèbre : "Me demanderiez-vous cela si j’étais un homme ?" 

Car cette prophétie n’a pu se réaliser que parce que les adhérents (je crois maintenant que le mot militant ne convient plus) y ont cru. C’est tout. Il est très probable que le PS ne dépassera pas les 16% dans un contexte de forte abstention de la gauche populaire, qui ne se retrouvera pas dans un PS droitiste.

Cette gauche pourra éventuellement se retrouver sur un rassemblement de la gauche antilibérale, qui finalement va peut-être trouver là une occasion de s’ouvrir un véritable espace, celui du référendum sur le TCE. Rappelons-nous qu’à cette occasion déjà, le PS, sur la foi de sondages qui donnaient le oui en tête, avait voté pour ce TCE. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, et le PS, encore une fois, se fourvoie. Pourquoi ? Sa représentation sociologique en est la raison. Symptomatique, le règlement interne du parti qui fait normalement obligation à chaque militant d’être syndiqué et militant associatif. Ceci est un vœu pieux pour une majorité de socialistes, et n’est quasiment jamais le cas des nouveaux adhérents. Alors, oui, la montagne est devant les socialistes. Mais, s’il y a victoire, ce sera parce que la droite aura été encore plus mauvaise, que Le Pen aura été au deuxième tour, et que n’importe qui gagne devant le vieux leadeur.

Alors, rester ou partir ? C’est une question que beaucoup de militants se posent probablement.


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