- J’kiffe le Djeune -

par George L. ZETER
vendredi 25 septembre 2009

La langue française jouit d’un triste privilège, révélateur de l’état d’esprit propre à ses locuteurs hexagonaux à têtes carrées. Elle est la seule langue (à ma connaissance) où l’adjectif « Jeune », à force de rabâchage médiatique, de populisme poisseux et d’avilissement mental, en est venu à être synonyme de délinquance.
 
La France vomit sa jeunesse, la chose n’est pas nouvelle. Elle la méprise, construisant sur son dos une dette astronomique, lui préparant un avenir professionnel d’esclavage dans des conditions de vie que jamais ses aînés n’auraient acceptées.
Une génération de septuagénaires ayant connu des possibilités dont leurs enfants et leurs petits enfants seront à jamais privés donnent à présent des leçons d’ascèse et de résignation à ceux qu’ils envoient « se former », en stages non-rémunérés, sous la houlette de cadres dont ils sont séparés par quelques dizaines d’années de vie en moins et autant d’années d’étude en plus. Cette « haine », le Nico, l’élu d’une France cacochyme et frileuse (68% des plus de 70 ans[1] ont été séduits), a su l’utiliser à bon escient. On allait vous protéger de la paresse des jeunes en mettant tous ces merdeux au boulot pour vous complaire. On allait vous défendre contre leurs insolences, leurs incivilités, leur délinquance, leur crasse, leurs rots de bière, leur shit et tout le reste...
Alors que dans toute autre langue, “jeune” résonne comme avenir, dynamisme et énergie ; La décrépitude mentale française est parvenue à modifier la sémantique d’un mot pourtant simple, et à faire entendre derrière lui : musique trop forte, bière chaude, paresse, volonté de profiter, « teuf », tecno, insultes, délits, crimes, viols, bandes, maltraitance des petites vieilles et des caniches sans défense. La France s’est même mise à installer des boîtiers anti-jeunes [2] : répulsifs sonores permettant de chasser les moins de 25 ans comme des moustiques, des rongeurs ou des chiens. La France est en passe de devenir une ploutocratie. N’oublions pas qu’elle est, depuis longtemps, une gérontocratie. Et que depuis toujours, elle a eu le réflexe, à chaque fois qu’elle se sentait menacée, ne comprenait plus rien au monde qui l’entourait et commençait à faire dans son froc, de courir se réfugier sous la barbe d’un vieillard (Pétain nous voilà !)
 
Allons, me dit le sarcocyste fébrile, not bon Président, est le plus jeune de nos présidents élus ! (Faux, Giscard avait 48 ans en 74). Foutaises ! C’est simplement qu’il a su se rendre vieux avant l’heure ! Sarkozy, c’est un jeune qui pense, agit et réagit comme un vieux réactionnaire pré-pompidolien maquillé en jeune cadre et marié à une femme-enfant. D’où sa transformation en vedette d’une France intellectuellement vieillie (et souvent avant l’âge), où il peut être applaudi chaque soir par une population hypnotisée par TF1 et par la peur des Arabes. – voir « l’interviewe » de mercredi soir avec la Ferrari et le Pujadas...
 
Dans ce cadre sympathique, il est difficile d’être surpris par le tonnerre d’applaudissements déclenché par la dernière proposition de la clique en matière de populisme pénal : rendre les enfants pénalement responsables à partir de 12 ans. Le Figaro (1/12/2008) nous annonçait fièrement que nous étions désormais émancipés « de l’après-guerre et son carcan » qu’était l’ordonnance de 1945. Libérés, donc, d’une ordonnance qui faisait primer l’éducation sur la répression ; Libérés de la contrainte qui interdisait de flanquer des mômes en prison et suggérait plutôt de les éduquer. Bon, la chose n’est pas encore faite. Il s’agit simplement, pour l’heure, d’une préconisation déféquée par une « commission de réflexion » présidée par le Professeur Varinard (Université Lyon III).
 
Djeune, avant de vouloir dire “en construction”, signifie “délinquant”. Que seul compte le résultat (la délinquance) et pas la condition qui l’a produite, et que, les politiques éducatives coûtant cher, le plus simple était de coller tout le monde en taule. Chantez maisons de retraite ! Alors que la délinquance juvénile diminue[3] (la part des mineurs mis en cause est passée de 22% en 1998 à 18% en 2007, n’en déplaise à not Nico, on va casser du Djeune pour soulager votre trouille !
Cette nouvelle conception de la responsabilité pénale s’accompagne évidemment d’une possibilité d’incarcération dès 14 ans, ramenée à 12 ans en matière criminelle. On se demande quel magistrat l’Alliot Sainte Marie pourra convoquer à minuit lorsqu’il s’agira de faire oublier le suicide d’un enfant de 13 ans incarcéré…
 
Il existe en France un à deux millions d’enfants pauvres, la précarité et l’exclusion s’aggravent. Ce sont là des facteurs qui détruisent le lien social, accentuent l’isolement et le repli des familles, multipliant ainsi les risques de passage à l’acte au moment si tourmenté de l’adolescence. Au lieu de renforcer l’accompagnement éducatif et social qui peut limiter les répercussions négatives de la précarité sur la construction psychique des adolescents, le choix est fait pour ceux-ci, d’ajouter l’exclusion de l’incarcération à l’exclusion sociale.
Alors l’arsenal se met en branle : Peines planchers, comparutions immédiates, le resserrement du filet pénal autour de la figure du jeune dangereux est pourtant déjà largement amorcé. Dans une société où « l’opinion publique » oscille entre l’image de l’enfant-roi et celle, monstrueuse, du méchant adolescent des cités, oubliant que ce dernier est aussi un enfant ». La peur, signe d’« une société vieillissante », selon Hélène Franco, juge pour enfants. Le mineur, conçu hier comme une richesse, est aujourd’hui une menace qu’il faudrait mettre à l’écart. Comme s’il fallait faire le deuil d’une partie de sa jeunesse, comme s’il y avait des enfants en trop. Condamner plus de jeunes, plus vite, plus tôt, plus sévèrement, c’est « la doctrine de la tolérance zéro », celle qui donne lieu à des catastrophes ; voir aux Etats-Unis et le fameux 0 Tolerance. Un système toujours plus répressif donc, pour venir à bout de cette spirale infernale de la délinquance des mineurs. Des décennies plus tard, les Sarko Satrapes exigent qu’à chaque infraction commise la justice réponde systématiquement par une sanction pénale.

Le sarkozysme a pénétré les esprits. L’homme qui déclarait, lorsqu’il était en campagne, la primauté du génome et de l’inné sur l’acquis a réussi à imposer ses vues. Nico Sarko, l’homme qui voulait détecter les délinquants dans les écoles dès 5 ans, va maintenant les coffrer dès 12 ans. L’éducation, l’évolution, l’apprentissage, tout cela n’existe plus. Voilà : il y a des gens que la nature a fait bons, et des gens que la nature a fait mauvais. Les seconds ; il faut les en-fer-mer ! Et autant les enfermer tout de suite, dès l’enfance, puisque de toute façon, Maman-nature les avaient fait mauvais, et qu’ils ne pourront pas évoluer. On approche du pré-crime rêvé par Sarkozy, la prochaine étape étant le système combiné péridurale / césarienne / incarcération du mouflet ; où l’on donnerait aux obstétriciens la qualité de flic et la possibilité, en jugeant du génome des géniteurs, d’éliminer le crime à la racine. La mère pourrait quand même conserver cordon et placenta dans un bocal de formol approuvé par le Ministère de l’Inquisition. 
 
Nombre d’académiciens, de professeurs et de parents se plaignent, car, disent-ils, le niveau intellectuel baisse ! Les chiffres le prouvent : les jeunes fréquentent moins les musées, passent leur vie à bavarder devant leur ordinateur, regardent, à la télévision, des séries américaines comme Friends ou des émissions de téléréalité comme "Star Academy", le MP3 vissé sur les oreilles et la console à portée de main. Ce qu’ils aiment : le « look », les marques, les films américains...
Il serait pourtant facile, toujours en se servant des chiffres, de faire un portrait beaucoup plus positif de leurs pratiques culturelles. C’est en fait la musique qui arrive en première position dans leurs loisirs : 86 % des quatorze-dix-huit ans la classent en tête de leurs activités, devant le cinéma et les sorties en boîte de nuit (68 %), le sport (56 %) et la télévision (48 %). 90 % des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans plébiscitent également la radio : ils l’écoutent tous les jours sans exception, et c’est d’ailleurs une station jeune (NRJ) qui occupe, depuis novembre 2002, la très convoitée première place au classement général des radios, tous publics confondus. Les variétés internationales marchent fort, mais ce sont les chansons francophones qui restent majoritaires (60 %).
 
Bien sûr, les jeunes regardent beaucoup la télévision, mais moins que leurs aînés. Et s’ils choisissent majoritairement les séries et les émissions de téléréalité, c’est parce que ce sont des programmes "qui font parler", privilégiant ainsi le lien social. Ils lisent moins qu’avant ? Mais les "vieux" aussi ! Et les jeunes continuent de le faire plus que leurs aînés. A la question "Aimez-vous lire ?", les dix-huit-vingt-cinq ans répondent oui à 94 % et 81 % sont persuadés que l’ordinateur ne remplacera jamais le livre.[4]
En France, le taux de pauvreté des moins de trente ans a doublé ces dix dernières années. La culture est devenue une valeur refuge, ultime, le lieu de tous les rêves et de tous les espoirs. En 1968, pour tenter de changer le monde, on adhérait aux partis politiques de gauche. Aujourd’hui, les « Djeunes » peut être tentent-ils de rêver leur vie, à défaut de changer le monde...
 
Ce qui se joue là est moins une réminiscence de la pensée universaliste qu’une sorte de reflux acide de la vieille tradition vitaliste et naturaliste de la « pensée » fachotte.
Heureusement, au moment même où cette tradition pousse à pénaliser la délinquance juvénile, elle n’interdit pas de préparer la dépénalisation de la grande délinquance financière. On respire. Vous imaginez le drame ? Un patron d’une multinationale ayant simplement collé des milliers de personne au chômage par une liquidation frauduleuse pourrait être maltraité en cellule par un voleur de téléphone portable de 12 ans ! Quand je vous disais...
Tous des Salauds ces Djeunes ! Dans les mines de sel, et vite !
 
 
Le Père Siffleur - GéZé/09/09/ - Les Ediles c’est comme les Idoles, ça va ca vient...
(Confucius et moi)
 
 
 
 
 



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