J.O. de Paris 2024 : qu’est-ce qu’un athlète « neutre » ?

par Brutus
jeudi 23 février 2023

Le circuit tourisrique de Biden en Europe qui a débuté à Kiev le lundi 20 février commence à porter ses fruits.

Zelensky ayant déclaré que les athlètes russes n'avaient pas leur place aux Jeux Olympiques de Paris tant que l'invasion de l'Ukraine par leur pays se poursuivrait, les gouvernements de 35 pays lui ont aussitôt emboité le pas et publié ce même lundi (quelle coïncidence !) une déclaration appelant le Comité international olympique (CIO) à trancher la question de la "neutralité" des athlètes russes et biélorusses pour décider de leur participation aux jeux de 2024.

Cela n'a d'ailleurs fait que confirmer, en la renforçant par l'impact médiatique de lavisite de Biden, la position prise au cours d'un sommet qui recevait Zelensky à Londres le 10 février.

Cette déclaration est à contre-courant des efforts déployés par le CIO qui cherche, lui, à permettre aux athlètes russes et biélorusses, déjà "sanctionnés" de revenir dans les compétitions internationales et, dans la foulée, participer aux Jeux olympiques de Paris l'année prochaine. Le CIO tente de trouver un moyen d'autoriser les Russes à participer aux Jeux olympiques, citant l'opinion d'experts des droits de l'homme des Nations Unies qui estiment que les Russes et les Biélorusses ne devraient pas être victimes de discrimination simplement à cause de leurs passeports, et situe la problématique de l'engagement sportif aux individus et non aux états. Il propose que les coompétiteurs des pays visés qui n'ont pas personnellement soutenu la guerre puissent concourir en tant qu'athlètes neutres, sans arborer les emblèmes de leurs pays.

Mais c'est justement sur la notion de "neutralité" que se situe l'enjeu du bras de fer en cours.

"Tant que ces problèmes fondamentaux et le manque substantiel de clarté et de détails concrets sur un modèle de" neutralité "fonctionnel ne sont pas résolus, nous ne sommes pas d'accord pour que les athlètes russes et biélorusses soient autorisés à reprendre la compétition", précise la déclaration, signée principalement. par les États alignés avec les États-Unis membres de l'OTAN.

Parmi les signataires figurent les responsables britanniques, américains, français, canadiens et allemand, cinq pays qui, à eux seuls, ont fourni près d'un cinquième de tous les athlètes aux Jeux de Tokyo en 2021., mais d'autres pays comme la Pologne, la Lettonie, la Lituanie et le Danemark, qui avaient suggéré de différer la tenue des J.O. si la guerre continuait, ont fini par signer la déclaration (sans subir aucune pression, évidemment).

La secrétaire britannique à la Culture, Lucy Frazer, qui a présidé au début du mois une réunion de ministres de pays unis pour maintenir l'interdiction, estime que les propositions du CIO ne sont ni crédibles ni réalistes et elle a appelé l'instance dirigeante du comité olympique à reconsidérer sa position :

"Nous refusons que Poutine puisse utiliser le sport pour légitimer ses actions sur la scène mondiale", a-t-elle déclaré dans un communiqué. « Notre coalition de nations a soutenu l'Ukraine sur plusieurs fronts et nous continuerons de le faire. Aujourd'hui, nous exprimons nos sérieuses inquiétudes concernant les plans du Comité international olympique qui pourraient voir un retour vers l'athlétisme d'élite pour la Russie et la Biélorussie. Tout projet visant à permettre aux athlètes russes et biélorusses de participer à Paris n'est pas crédible. Avec la perspective que des chars du Royaume-Uni, des États-Unis et de partenaires européens arrivent en Ukraine au cours des prochaines semaines, et que le président (ukrainien) (Volodymyr) Zelensky exprime de sérieuses inquiétudes quant à l'imminence d'une offensive de printemps par la Russie, nous exhortons le CIO à reconsidérer sa position."

 

 

Le ministre ukrainien des Sports a laissé entendre que son pays pourrait boycotter les Jeux olympiques de l'année prochaine si des athlètes russes y participaient. On n'a pas de souvenirs de mesures prises contre les athlètes américains, britanniques ou ressortissants d'un pays de l'OTAN quel qu'il soit, participant à des événements sportifs internationaux à la suite des invasions de l'Afghanistan ou de l'Irak, ni de boycott des jeux par ces pays.

Lorsque la guerre a commencé, le CIO avait recommandé aux organisations sportives d'interdire aux Russes de participer aux compétitions, en justifiant cette mesure par la sécurité de ces athlètes. Cette position a changé au début de cette année.

La semaine dernière, le président du CIO, Thomas Bach, a déclaré que le CIO était solidaire des athlètes ukrainiens, mais aussi que le sport devait respecter les droits humains de tous les athlètes : « L'histoire dira qui fait le plus pour la paix. Ceux qui essaient de garder les lignes ouvertes, de communiquer, ou ceux qui veulent isoler ou diviser ».

La semaine dernière les députés européens avaient déjà critiqué les efforts du CIO pour réintégrer la Russie dans le sport mondial. Le Parlement européen a demandé aux 27 états membres de faire pression sur le CIO pour qu'il revienne sur sa décision et a déclaré que l'approche de l'organisme olympique était "une honte pour le monde international du sport".

La déclaration de lundi, tout en appelant à la clarté du CIO, a déclaré que le moyen le plus rapide pour la Russie de revenir sur la scène sportive internationale serait "de mettre fin à la guerre qu'ils ont commencée". Seulement voilà, comme l'a écrit Henry de Montherlant : "Un seul homme peut déclencher une guerre mais il faut être deux pour faire la paix."


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