Jean Castex, homme de devoir

par Henry Moreigne
mercredi 20 janvier 2021

 

Pas besoin d’être grand clerc pour constater que Jean Castex est une sorte d’OVNI dans le milieu politique hexagonal et parisien. Sa façon de se mouvoir, de s’exprimer ou même de s’habiller lui donnent un air provincial, aux antipodes de son prédécesseur. Attention toutefois aux conclusions trop rapides. Jean Castex en a sous le capot. 

 

A 55 ans, le maire de Prades a des kilomètres au compteur et bien roulé sa bosse. Passé par l’ENA, il a déroulé avec finesse sa carrière professionnelle de haut fonctionnaire. Un pilotage habile qui l’a conduit au poste envié de secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy.

 

Édouard Philippe pratique la boxe, ce noble art où le jeu de jambes permet de se tenir à distance de son adversaire et ou l’esquive est aussi importante que le crochet qui met KO son adversaire. Le sport, ce n’est pas la tasse de thé de Jean Castex qui, comme beaucoup de français l’applique dans un canapé, dans son cas devant un match de rugby dont il aime les contacts rugueux. Mais là où le maire du Havre redoutait par-dessus tout un procès infamant pour de supposées fautes de gestion dans la crise du Covid, Jean Castex lui, reste de marbre. Un peu comme un surveillant général insensible aux menaces de polissons qu’il viendrait de sanctionner. Castex avec son air un peu gauche abrite en fait une personnalité solide qui sort difficilement de la route qu’il s’est tracé. 

 

Droit dans ses bottes, il aime à rappeler que le patron du gouvernement c’est lui, qu’il sait écouter ses ministres mais qu’il tranche en accord avec son seul supérieur, le président. Les décisions souvent impopulaires qu’il faut prendre c’est encore lui. Les inévitables accrocs, la stratégie décriée, toujours lui, tout autant que la priorité donnée à la vie sur l’économie. Certains y verront une faiblesse de curé de campagne, d’autres l’épaisseur d’un homme d’état. L’histoire tranchera.

 

Ce 18 janvier, sur le plateau de C à vous, l‘émission de France 5 animée par Anne-Elisabeth Lemoine, le Premier ministre est venu dans l’optique de recadrer un débat public qui part à vau-l'eau. Le format long de l’émission et la présence de Patrick Cohen ont sans doute contribué à ce choix. Si Jean Castex ne se cache pas de ne pas lire la presse (ses collaborateurs s’en chargent) à l’exception de l’Indépendant, il n’ignore pas que l’ancien animateur vedette de la matinale de France Inter est l’un des très rares à toujours avoir eu un discours distancié, circonstancié et nuancé sur la gestion de la crise sanitaire. 

 

A quel autre journaliste pouvait-il mieux confier son sentiment que la France a un bilan « honorable » sur la gestion de la Covid ? Le locataire de Matignon ne renie rien et assume des décisions prises dans un océan d’incertitudes scientifiques, de chausse-trapes et de multiples rebondissements. Son avenir ? Le nez dans le guidon, officiellement il n’y pense pas. Lui qu’on n’attendait pas, tire sa fierté d’un travail accompli en âme et conscience, laborieusement, du mieux possible. En se définissant comme un homme de devoir plus que de pouvoir il espère à terme trouver dans les yeux des français une sorte de reconnaissance. A l’aune de l’histoire, le pari est audacieux. L'ingratitude envers les grands hommes est la marque des peuples relevait déjà Plutarque. 

 


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