Jean-Luc Mélenchon : la réponse du peuple éclairé à la France réactionnaire

par Disjecta
mardi 17 avril 2012

Les meetings de ce week-end si crucial avant le premier tour des élections présidentielles de 2012 ont vu s'affronter trois forces principales : le Front de Gauche au Prado, l'UMP à la Concorde et le PS à Vincennes. Au-delà des foules rassemblées par chacun des trois camps et des chiffres avancés, ces deux jours donnent un peu plus à voir le clivage essentiel sur lequel la crise des subprimes de 2008 (augmentée de la pseudo-crise des dettes souveraines qui l'a suivie et qui en découle directement) devait nécessairement déboucher : le peuple comprenant son pouvoir et les enjeux réels de cette élection contre une masse d'égarés toujours plus mince que l'UMP et le PS - chacun à sa manière - espèrent maintenir sous la menace d'une dette artificiellement créée et vendue par des médias aux ordres. Soit le moment où la France se ressaisit du flambeau de la révolution de 1789 contre quarante années de réaction ultra-libérale mondiale.

Il est souvent donné à chacun de contempler le vrai visage des puissants lorsque la panique les submerge. Il ne faut pas sous-estimer cette étonnante rencontre des idées qui a fait se rejoindre un Michel Onfray, plumitif intarissable et contre-historien auto-consacré de la philosophie, promoteur des "universités populaires", et une Laurence Parisot, patronne des patrons auto-consacrée elle aussi dont le retour au servage semble tenir lieu d'horizon social ultime.

Ainsi voyait-on le premier stigmatiser le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, pour sa tendance à conférer à Robespierre et Saint-Just (manque Marat) les avancées essentielles de la révolution de 1789, pendant que la seconde voyait dans les bonnets phrygiens du 18 mars 2012 à la Bastille la promesse d'une Terreur révolutionnaire à venir. Etonnante conjonction a priori mais qui ne devrait surprendre personne en vérité. D'un côté les bien-pensants estimant que contre une oppression monarchique ultra-violente et plus que millénaire confinant autant de générations de "gueux" à la misère, la révolution de 1789 aurait dû se faire avec des roses (à l'image de la "grande" révolution ciaesque des roses de 2003 en Géorgie ?). De l'autre, la représentante d'une minorité ne digérant toujours pas le signal donné par les sans-culottes de Paris qui indiqua au monde entier que l'exploitation forcenée de l'humanité au profit d'une frange parasite et imbue de ses privilèges ne se ferait désormais plus sans quelque risque pour cette dernière. Et de brandir - que ce soit Onfray ou Parisot - les dizaines de milliers de victimes de la Terreur évidemment robespierristes que coûta un tel signal. Comme si les révolutionnaires de 1789 avaient inventé la violence d'une société où, avant la guillotine, on faisait subir aux régicides l'écartèlement des membres et le jet de plomb fondu dans les plaies devant un peuple rappelé de cette manière à ses obligations de labeur et de disette (outre la prière du soir pour se persuader que son malheur aurait de toute façon une fin dans le royaume de Dieu).

Les temps ont changé, l'esclavage a été aboli (abolition que Robespierre fut l'un des premiers à réclamer, ainsi que celle de la peine de mort), mais les puissants partagent toujours cette même haine du peuple lorsqu'il se réveille et comprend que seule la manifestation du pouvoir que lui confère sa masse est susceptible d'arrêter la cupidité insatiable de ses bourreaux. Une révolution ne se fait pas avec des fleurs mais seulement au moment où le peuple donne suffisamment de raisons aux puissants de penser que, plus que leurs privilèges, c'est leur tête qu'ils vont finir par perdre.

Un an de matraquage médiatique permanent n'aura finalement pas suffi à faire des élections présidentielles de 2012 la gentille joute "pépère" faisant s'affronter deux candidats complètement inféodés à la finance et à ses potions austéritaires mortifères, sous la garde du dobberman d'extrême droite de service dévolu à aboyer pour faire peur au peuple s'approchant de trop près de ce duel sans enjeu. Voilà que le 18 mars, les foules parisiennes éclairées s'avisent de reprendre la Bastille, effort du plus mauvais goût pour un Onfray ou une Parisot. Les sondages et les grands médias perdent le nord (LEUR nord). "C'est peut-être pas aussi simple qu'on l'avait cru" avouent-ils au bout d'un long moment où leur silence a fini par trop s'entendre.

Devant ce sauve-qui-peut général, les deux favoris de l'élection sont contraints de changer de sens les ailes de leur moulin à vent, sortant sporadiquement du rôle d'affoleur public auquel on les avait assignés jusque-là ("La dette ! La dette ! Et qui va la rembourser, malheureux !") . Hollande propose subitement une imposition de 75% pour les revenus au-delà d'un million, Sarkozy veut imposer les exilés fiscaux (sous la condition, à peu de chose près, qu'ils aient indiqué au fisc cette raison de quitter le sol français...), Hollande promet de baisser les loyers et de demander à la BCE de prêter au même taux qu'elle prête aux banques, Sarkozy avance que le rôle d'une banque centrale doit être d'intégrer la variable "croissance". Kyrielle d'hérésies hétérodoxes qui déboussolent les conseillers économiques bon teint des deux partis, balancées en toute improvisation et à la va-vite alors que la campagne touche à son terme. Entretemps, il y a eu la Bastille le 18 mars, le Capitole le 5 avril et le Prado le 14. Autant de moments où la partie la plus éclairée du peuple a décidé de manifester en masse sa force et de troubler les rêves des puissants et de leurs deux champions (outre le dobermann évoqué plus haut) pour un premier tour plié d'avance.


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