Jerôme Cahuzac, les yeux dans les yeux, comme au cinéma…

par bakerstreet
mardi 9 février 2016

Cahuzac aura fait très fort ! Quand il « tombe », il est alors délégué au budget ; on l’a entendu se faire le chevalier blanc de la lutte contre l’évasion fiscale, comme on peut l’entendre dans cet extrait : http://bit.ly/1Q3COaD

Au niveau politique, l’image d’un gouvernement intègre, champion de la transparence, est totalement décrédibilisée.

 Les anciens se rappelleront d’un autre mensonge, celui de Charles Hernu, assurant la main sur la cœur, que la France n’avait rien à voir avec le sabotage du » Rainbow warrior ». http://bit.ly/1UZoVP4

"Ca commence comme un kyste et ça s'achève par un cancer généralisé" Serge July. Libération. Sept. 85. Comme disait Serge July en septembre 85, à propos de ce scandale d’état.

La différence entre les deux affaires est de taille néanmoins. Hernu, ministre de la défense, mentait pour ce qu’il estimait être « des raisons supérieures » : Couvrir un fiasco en niant l’ingérence de la France. Un crime, sans doute, et qui a mené la France à être mise au banc de toute la communauté internationale. Mais un crime politique, pas une affaire de droit commun, honteuse déjà pour un citoyen ordinaire, mais si accablante pour un ministre du budget, qui s’est fait le champion de la lutte contre la corruption et de l’exil fiscal, que les mots manquent pour souligner la forfaiture !

Au delà du mensonge assumé, le ridicule sera le point commun à ces deux affaires, une fois la baudruche dégonflée.

 Jérôme Cahuzac est assurément un gascon dans l’âme, et quant on l’entendait sortir une phrase bien sentie comme celle-ci : «  Pourquoi céder à ceux qui vous convoquent au banc de l’infamie ! Je ne céderai pas ! » 

On ne sait si l’on se trouve sur les gradins de la comédie française ou dans un chapitre des trois mousquetaires.

Pour mon compte, j’ai tendance à me mettre du coté de celui qu’on juge. C’est parfois très con, cette empathie non contrôlée. Pas un procès, sans que je me transforme en avocat de la défense, où je ne fais pas mon petit cinéma, ou que je décline mon petit « Cid » !

 « Ah messieurs c’est trop facile de frapper un homme à terre ! En dépit de mon grand âge, ou peut être grâce à cette qualité, mon honneur m’ordonne de défendre cet homme que vous attaquez !

Et j’userais de mes mots pour vous repoussez comme naguère je me servais de l’épée ! »

 Tout cela me vient de très loin. Le rêve de devenir avocat m’est venu à dix ans en lisant « la brute » un bouquin de Guy des Cars piqué à ma sœur, avalé sous les draps, à la lueur d’une lampe électrique. L’histoire d’un type accusé de meurtre, promis à la guillotine ! Un look par possible, très bourru et brut de coffrage, genre le monstre de Frankenstein, toujours du sang sur les mains ; et avec ça, sourd, aveugle, muet !…Très pratique pour communiquer ! Bref, tout le monde avait déjà réservé sa place pour l’exécution publique.

C’était sans compter sans son avocat, un vieux du barreau oublié de tous, vivant dans les dossiers et les toiles d’araignées ! Le mec avait fait là un come-back incroyable, épaté tout le monde dans une plaidoirie extraordinaire, et retourné cette affaire perdue d’avance comme une crêpe. J’en étais resté longtemps saisi, rêveur, délaissant mes club de cinq !

Pour notre affaire, la défense aura le boulot plus facile. Cahuzac, ce beau monsieur, un hobereau, n’avait-il pas été jusqu’à là tout à fait exemplaire, l’exemple du « grand commis d’état » comme on dit…..

Si je ne m’écoutais pas, je piquerais une robe d’avocat dans le prétoire, et je me lancerais d’attaque, d’estoc et de taille, au secours de monsieur Cahuzac, dans de grands effets de manche, plaidant sa cause à pleins poumons, l’œil allumé, la tête renversée vers le plafond.

 « Car je ne vois qu’une victime à terre, demandant pardon, là où vous ne voyez qu’un coupable !… J’étais comme vous hier, un peu irrité de ses étourderies, qu’un autre grand homme d’état baptisa « phobie administrative » ! Mais n’a t’il pas déjà payé cher son inconséquence, en voulant déposer ailleurs qu’à la caisse d’épargne, quelques sous de coté pour ses vieux jours ?

Ne doit on pas estimer qu’il a déjà payé, en le voyant aujourd’hui dans un habit de bure, une corde au cou, les yeux bas !

A le voir ainsi défait on sait que la déchéance du pouvoir est une terrible punition, bien pire encore que celle de la nationalité dont on fait si grand bruit !….

Bon, calmons-nous, laissons de coté le roman « la brute », l’enfance et ses romans de capes et d’épées …..D’ailleurs Jérôme Cahuzac semblait plutôt en bonne forme, pas vraiment l’image du christ montant le Golgotha sous les coups de la foule et des centurions.

D’ailleurs, il avait violemment repoussé la meute encore plus violente de caméras. Qui serait assez con pour ne pas demander à ce que la justice ne passe dans toute sa rigueur comme on dit ! Mais l’on sait bien que rien au fond n’a beaucoup changé depuis l’époque où monsieur de la Fontaine, épiloguait sur les sens de la justice, pas tout à fait la même, "selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugement de cour vous rendront blanc ou noir ! "

D’ailleurs il se pourrait bien que le procès soit suspendu : La défense a déposé des "questions prioritaires de constitutionnalité", contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales.

Bref, les conseils demandent au tribunal de surseoir à statuer afin que la Cour de cassation, puis le Conseil constitutionnel, se prononcent sur le problème du cumul des poursuites fiscales et pénales. Cela serait attentatoire au principe du « non bis in idem », selon lequel on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits.

 Un procès, ça ressemble parfois à un combat de catch, très à la mode dans les années 60. Un genre malheureusement disparu, et qui vous en apprenait beaucoup sur la gente humaine, même et surtout parce que c’était du cinéma. Il y avait « l’ange blanc » et « le bourreau de Béthune », « le petit prince » « le gitan » « Robert Duranton » : Des noms qui ne vous obligeaient pas à développer tout votre CV en arabesques inutiles ! Cahuzac, peut-être qu’il aurait été à mi-chemin de l’ange blanc, trop mignon, et de « Scarface », ce salaud qui envoyait des coups dans les parties de son adversaire à terre, dès que l’arbitre avait le dos tourné.

 Même si on ne connaît pas toutes les règles et les subtilités, rapidement on juge on prend parti. Tout le monde dans la salle a bien compris, après les demandes des avocats, qu’il était question d’annuler le match, de le dissoudre dans l’acide des procédures, comme le corps d’un témoin gênant criblé de balles.

Le vice procureur Jean-Marc Toublanc, le bien nommé, les attendait dans un coin du ring, en s’échauffant, en faisant des petits sauts. Il a mis tout de suite les pendules à l’heure dans une première série d’uppercuts rapides, histoire de montrer qui étaient le maître de la forme : http://bit.ly/1omJYRo

« Je prends note que le risque de report de ce procès est encouru, a-t-il souligné. Mais je relève que lorsqu’il était ministre du budget, Jérôme Cahuzac ne s’est jamais ému du problème que poserait le fait de poursuivre un citoyen à la fois au plan fiscal et au plan pénal. Il a même renforcé le dispositif de lutte contre la fraude fiscale. Et aujourd’hui que la loi s’applique à sa personne, il considère qu’elle est inconstitutionnelle. Pourquoi ne l’a t-il pas défendu lorsqu’il était aux commandes ? »

Les avocats, dans les cordes, étaient irrités, même s’ils se tapaient dans la main « tope-la camarade » Prêts à intervenir sur le ring !. Je suppose que monsieur Cahuzac faisait lui aussi semblant de rien, au dessus de la mêlée, une chaise vide le séparant de sa femme, pour situer l’ambiance. Mais la charge n’était pas close. S’adressant à la défense, qui avait soutenu à l’appui de sa demande, que les peines encourues au plan fiscal et au plan pénal étaient proportionnées, l’ange Toublanc a surenchéri : « Au plan fiscal, les sanctions encourues sont uniquement financières. Au plan pénal, elles peuvent cumuler des peines d’amende, de détention, des interdictions professionnelles, civiles et civiques, telle que la suspension du droit de vote  ». Puis, il envoya l’estocade finale :

« L’argent aurait-il le même prix que la liberté ? Que le droit de participer à la vie en collectivité ? Quelle étrange conception que de mettre ainsi l’argent sur le même piédestal que les libertés individuelles ! Au parquet national financier, ce ne sont pas nos valeurs. L’argent n’a, pour nous, pas le même prix que nos libertés les plus précieuses. »

Sûr et certain que si j’avais eu dix ans, à l’écouter, j’aurais voulu devenir plus tard moi aussi procureur. Car pour le coup le métier d’avocat m’aurait semblé bien pourri ! Procureur, je me serais renseigné, combien d’années après le bac ?… S’il fallait passer par là tant pis ! Pour rendre la justice au faible sans trop avoir à jouer à Robin des Bois ! C’est que vos aptitudes physiques vous font parfois comprendre rapidement qu’il vaut mieux abandonner les rêves contenant trop de testostérone !

Une belle affaire quand même. Rien à voir avec le tribunal des flagrants délits, ces petites frappes stupides, les alcooliques au volant, la France des sans-dents piquant des râteliers aux bourgeois. Les affaires de la gentry, c’est tout de même autre chose, parées de belles lettres, de grandes envolées ! Ce qui vous fait chaud au cœur, en ces temps de déchéance d’orthographe et de grammaire. Ca serait bien rare que pour mon compte, je n’ai pas moi-même laissé quelques petites fautes, comme les cailloux du « petit Poucet », pour retrouver mon chemin. Enfin, il y a faute et faute, comme on dit. Les intentionnelles vous causeront forcément une réprimande. On apprend ça tout petit, normalement !

 Entre eux, les gamins ont de toute façon un code de l’honneur. Enfin de mon temps, ils en existait encore un ! Un héritage peut être des siècles de chevalerie, où l’on préférait se faire tailler en pièces plutôt que d’adjurer sa foi. Ca ne serait pas venu à l’idée d’un combattant de ne pas se porter prisonnier après la bataille à son vainqueur.

Question d’honneur, question de principe ! « Croix de bois, croix de fer, crache trois fois par terre ! »

 Je sais pas pour vous, mais moi je porte toujours ce gamin en moi. Un peu insupportable de me voir jugé, pesé par ce petit con à qui je rends toujours des comptes, et qui ne m’évalue pas vraiment comme le fait un percepteur. Le poids de mes rêves et des actions compte là dedans bien plus que celui de l’argent. 

  C’est pour ça, nigaud, que je le croyais tout de même un peu, Cahuzac, quand je l’entendais sortir ses brillantes tirades, la main sur le cœur. Je me disais naïf : « Non, on ne peut mentir à ce point. … Croix de bois, croix de fer ! D’ailleurs, il avait craché trois par cœur :

 C’était lors de son interview avec Jean Jacques Bourdin sur BFM TV : « les yeux dans les yeux est ce que vous avez eu un compte en Suisse ? ». Cahuzac répondit : « je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse… à aucun moment ! » Et plus tard, quand on lui demandera s’il envisageait de démissionner : « pourquoi démissionner quand on se sent innocent  ? » 

Ce ton superbe, il va également l’afficher à l’Assemblée Nationale en mentant devant tous les députes et devant le gouvernement, lors d’une séance de questions : «  Je n’ai pas je n’ai jamais eu de compte à l’étranger… j’ai saisi la justice d’une plainte en diffamation… et c‘est devant la justice que je m’expliquerai… »

Les yeux, bien sûr, j’allais oublier, alors que c’est le plus important ! « Regarde-moi dans les yeux quand tu jures ! » Les enfants comme les animaux, connaissent très bien le langage des yeux. Ce sont les portes de l’esprit, mais aussi du cœur, de la confiance qu’on peut avoir en quelqu’un. Ils sont censés faire l’économie de mots, et attestent de votre authenticité.

Les yeux, inutile de le dire, ont la part belle au cinéma. Regards croisés qui nous ont tant fait rêver, autant dans la fiction que dans l’idéal de félicité promis. Il y a des regards froids, des regards de braise, des regards ironiques, fourbes.

 On pourrait décliner tous les adjectifs à leurs sujets. Certaines scènes sont devenus homériques, en raison même de leur simplicité, comme celle de quai des brumes « T’as de beaux yeux, tu sais ! »

Grâce au talent des réalisateurs, les détours de l’âme se dévoilent parfois de façon confondante, sans qu’il y ait besoin de dialogue. Je pense à ce chef d’œuvre du cinéma argentin : « Dans ses yeux  », un film réalisé par Juan José Campanella, et sorti en 2009.

"Dans ses yeux" : un détective sur la trace d'un crime et d'un ... http://bit.ly/20Sd6xF

 

Dans ses yeux - Bande-annonce Officielle [VOST FR ... http://bit.ly/1T1MDuW

  Le regard est véritablement le héros du film. Jamais ses différentes facettes, n’ont été expurgées de façon si magistrale. Regard amoureux, de l’attente, de l’acceptation, du regret. Mais terrible regard du psychopathe qui se dévoile, d’une façon tout à fait inattendue : La jeune juge chargée de l’instruction d’un viol suivi d’un meurtre, surprend le regard d’un « témoin » plongeant dans son décolleté, lors d’une comparution. Tout son édifice intellectuel qui la poussait à libérer cet homme faute de charge, s’écroule en une seconde.
Elle sait !… Ses yeux de femme ne l’ont pas trompée ! Toute cette science animale basée sur l’intuition, le ressenti, et que notre culture endort, sous des couches d’intellectualisation et de peinture, s’est réveillé brusquement ! En une seconde elle a ressenti le mal, et identifié le prédateur qu’elle cherchait.

Ne terminons pas sur le regard des escrocs, des salauds et des bonimenteurs, sortant des lapins blancs de leur chapeau, nous fixant dans les yeux, tout en nous faisant les poches de l’autre main.

Les regards croisés de Marylin, de Robert Mitchum, de lauren Bacall, d’Ingrid Bergman, de James Stewart, et de tant d’autres vedettes, ont fait pendant si longtemps notre bonheur, un instant d’attente et d’extase inscrit pour toujours sur le petit écran de nos vies.

Il suffit des premières notes de musique, pour que les regards s’enchaînent en nous, se superposent, nous envahissent, sans qu’il y ait même besoin de projecteur ni d’écran TV !

C’était le rendez vous des regards, au « cinéma de minuit » le dimanche soir. Un clin d’œil pour l’éternité, bien au delà des salles de tribunaux, et de l’état d’urgence !… Une autre sidération.

http://bit.ly/1TP0QvX,

http://bit.ly/1SESKa9.


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