#JeSuisCharlie : merci Jacques Sapir et Olivier Berruyer

par Laurent Herblay
lundi 12 janvier 2015

Samedi, après avoir lu les effarants papiers de Boulevard Voltaire, je me suis demandé si tous les vrais démocrates n’étaient pas Charlie. Après avoir lu les papiers d’Olivier Berruyer, je peux y répondre par la négative, même si je persiste à pencher plus dans le sens de Jacques Sapir.

 

Des critiques pertinentes

L’émotion soulevée par le tragique assassinat de douze personnes à Charlie Hebdo peut compliquer toute forme de réflexion sur ce qui se passe. Les premières remises en question que j’ai pu lire ont un caractère volontiers islamophobe et s’en dégageait un semblant de justification absolument révoltant. Heureusement pour notre démocratie et la réflexion citoyenne, Olivier Berruyer, connu pour ses analyses économiques et sa lecture de la crise ukrainienne, propose une réflexion alternative absolument pas teintée du moindre relent xénophobe ou complaisant à l’égard de ce qui s’est passé. Avec « (Mission accomplished) : bien joué à tous  » et « (Indécence) Rendons hommage à Charlie Hebdo : boycottons la manifestation du 11 janvier (pour 10 raisons  », il propose deux papiers qu’il faut avoir lu.

Dans son premier papier, il fait un parallèle troublant avec les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, en notant que Manuel Valls utilise la rhétorique de Georges W Bush… Et il dénonce les lois liberticides qui en sont issues, dans un esprit qui semble finalement très fidèle à Charlie Hebdo. Dans un second papier, où il appelait à ne pas manifester pour rendre hommage au journal, il met en garde contre la récupération de la part de dirigeants européens qui bombardent l’Irak, il dénonce la présence du président ukrainien, qui a des soutiens néo-nazis, il rappelle qu’il n’adhère pas à tout ce qu’a fait Charlie Hebdo et critique l’ostracisme à l’égard du FN, sachant qu’il n’est pas plus complaisant que moi envers le parti lepéniste. Il conclut en disant qu’il n’est pas manipulable et en appelle au débat d’opinion.
 
Malgré tout, #JeResteCharlie

D’abord, je pense qu’il est positif qu’une personne modérée expose, de manière posée et rationnelle, une opinion différente de l’opinion dominante. La démocratie en a besoin et il est positif que l’opposition à cette marche ne vienne pas que des extrêmes. Cependant, l’argumentation d’Olivier Berruyer ne m’a pas du tout convaincu. #JeSuisCharlie, ce n’est pas adhérer à tous les dessins de Charlie Hebdo, ni même une simple majorité. Ce n’est pas non plus une adhésion aux interventions extérieures conduites dans le cadre de l’OTAN par les dirigeants venus à Paris hier. Il me semble qu’il y avait quelque chose de bien plus important qui dépassait largement les dirigeants qui y participaient.

Hier, le message envoyé par les millions de personnes qui ont défilé était plus simplement un message de défense des libertés, un refus de l’horreur des terroristes fondamentalistes. Je n’ai pas vu en germe parmi les manifestants les motifs pour lesquels Olivier Berruyer pensait qu’il fallait boycotter la manifestation. J’y ai vu un message très français d’humanisme, de respect, de défense de nos valeurs. Quels beaux moments que de voir les manifestants chanter tous ensemble la Marseillaise ou de voir des français de confessions différentes rassemblés pour manifester contre ces actes. Il ne me semble pas que les terroristes peuvent se réjouir de cette manifestation, au contraire.
 
Je crois que la France sort plus sensibilisée aux risques du fondamentalisme islamiste et que ces actes barbares ont soudé l’immense majorité des français de confession musulmane à la communauté nationale dans un rejet de ces horreurs. Paradoxalement, j’ai l’impression que notre pays en sort plus fort, plus soudé, plus rassemblé sur nos valeurs. Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’angélisme et il faudra se demander pourquoi notre société peut produire de telles personnes. Et Sapir a raison de critiquer les déclarations ou les récentes mesures prises par Mariano Rajoy en Espagne ou la tentation de « profiter de l’émotion pour tenter de faire passer l’équivalent d’un ‘Patriot Act’ à la française  ».
 
Jacques Sapir écrit « à mes amis, je dis qu’il faut aller à ce rassemblement, en colère contre les honteuses récupérations, mais qu’il faut y aller quand même. Ce qui est en jeu dépasse ces dites récupérations. Nous pourrons les dénoncer d’autant mieux que nous aurons participé à ce moment (…) Nous n’oublierons pas que sont venus verser des larmes de crocodiles les responsables de la crise en Europe alors que ni Syriza, ni Podemos n’ont été invités  ». Mais j’y ajouterai aussi des raisons plus positives. Je crois que les manifestations d’hier étaient bien un moment historique de communion nationale où l’immense majorité des Français se sont retrouvés pour rendre hommage aux victimes de la barbarie en adressant un message d’unité nationale et de défense de liberté. Et même s’il y a de la récupération, je crois que les dirigeants présents hier étaient surtout dans une utile fonction représentative.
 
Même si je penche plus encore que Jacques Sapir en faveur de cet incroyable mouvement #JeSuisCharlie, je remercie Olivier Berruyer, qui joue un rôle utile et fondamental d’alerte pour les Français et qui permet de sortir d’un unanimisme qui n’est jamais un service à rendre à la démocratie.

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