Jésus, un phénomène étonnant, suite du débat

par Emile Mourey
samedi 18 avril 2015

Réponse au commentaire du 17 avril à 10h22 de "Jean-Jacques Rousseau", auteur d'Agoravox, suite à mon article http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jesus-un-phenomene-etonnant-qui-165983?pn=1000#forum4292419, concernant le procés de Jésus devant Pilate que relate l'évangile de Jean.

Tout d'abord, je tiens à préciser que le terme de "phénomène" de mon titre n'a rien de péjoratif, qu'il faut le comprendre dans son sens philosophique ; que, d'autre part, je ne suis motivé que par une meilleure recherche de la vérité historique en essayant de mieux comprendre ce que les auteurs des évangiles ont voulu dire dans leurs textes que Paul qualifie de "voilés". Si notre évangile est encore voilé, c’est pour ceux qui périssent, pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l'intelligence pour que la lumière de l'Évangile de la gloire du Christ, qui est l'image de Dieu, ne resplendisse pas pour eux (2 Cor 4, 3-4).

Je reprends donc, presque mot pour mot, les passages que mon commentateur cite, mais en proposant une possible lecture "en clair".

Pilate sort donc pour aller à eux (Pilate est à Césarée. Il "sort" de Césarée pour aller siéger à Jérusalem rendre la justice et régler les différends). Il dit : quelle accusation portez-vous contre ce conseil essénien, grand ou restreint, alias communauté, (qui siège à Gamala) ?... Il dit : allez le prendre vous-mêmes, et jugez-le selon votre loi. Les Juifs disent : il ne nous est pas permis de mettre personne à mort... Pilate rentre dans le prétoire (de Césarée ou de Jérusalem ?), il interpelle le conseil essénien (de loin ?), et lui dit : Es-tu roi des Juifs ?... Ta nation et les principaux sacrificateurs t’ont livré à moi ... Tu es donc roi ? Jésus/le conseil répond : tu l'as dit, je suis roi (dans la filiation du roi David qui était un conseil, comme Salomon qui l'était aussi, comme Abraham, de même). Je suis né roi dans cette filiation (étant descendants des exilés de Babylone). Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité historique. Quiconque est de la vérité écoute ma voix... Pilate dit : Qu’est-ce que la vérité historique ? Après avoir dit cela, il sort de nouveau (de Césarée) pour aller vers les Juifs (de Jérusalem), et il leur dit : Je ne trouve aucun crime dans ce conseil. Alors Pilate fait emprisonner et battre de verges des Esséniens (pour être sûr qu'ils n'ont aucune faute cachée à avouer). Pilate sort de nouveau et dit aux Juifs : Voici, je vous l’amène dehors (il les libère), afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Jésus/conseil sort, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre. Pilate dit : Voici l’homme ! Lorsque les principaux sacrificateurs et les huissiers le voient, ils s’écrient : crucifie ! crucifie ! Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes,et crucifiez-le ; car moi, je ne trouve point de crime dans ce conseil.

Les Juifs lui répondent : Nous avons une loi ; et, selon notre loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. (Les prêtres juifs mentent ; c'est Pilate qui a dit que le conseil essénien était fils de Dieu). Quand Pilate entend cette parole, sa frayeur augmente. Pilate dit au conseil : Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier, et que j’ai le pouvoir de te relâcher ? Jésus/conseil répond : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut. C’est pourquoi le sanhédrin de Jérusalem qui me livre à toi commet un plus grand péché. 
Dès ce moment, Pilate cherche à le relâcher. Mais les Juifs crient : Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César. Quiconque se fait roi se déclare contre César. Pilate, ayant entendu ces paroles, amène Jésus/le conseil dehors ; et il s’asseoit sur le tribunal, au lieu appelé le Pavé, et en hébreu Gabbatha. C’était la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : Voici votre roi. Mais ils s’écrient : ôte, ôte, crucifie-le ! Pilate leur dit : Crucifierai-je votre roi ? Les principaux sacrificateurs répondent : nous n’avons de roi que César (le sanhédrin est le conseil religieux légal qui siège à Jérusalem ; il ne peut accepter qu'un conseil essénien le conteste en arguant de sa fliation davidique, dans la descendance des exilés de Babylone). Pilate fait une inscription, qu’il place sur la croix, et qui est ainsi conçue : Jésus de Nazareth, roi des Juifs...

Mon commentateur ajoute : l’Evangile de Jean ne cite jamais le nom d’Hérode, contrairement à Matthieu, Marc et Luc qui désignent Hérode comme « le tétrarque de la Galilée » et comme celui ayant emprisonné et exécuté Jean le Baptiste.

En effet, lorsque cet évangile de Jean, premier évangile, est rédigé vers l'an 30, Jean-Baptiste est toujours vivant et libre. Comme l'écrit Flavius Josèphe, il converse avec Hérode Antipas. Il faudra attendre Marc, deuxième évangile, vers l'an 34, pour savoir qu'Hérode l'a fait décapiter. Mais dans l'évangile de Jean, Hérode Antipas n'est pas mis en cause ; il n'est pas cité dans le procés. Manifestement, Jean, Jean-Baptiste, le ménage.

Mon commentateur ajoute : L’exécution de Jean le Baptiste est présentée comme une décision individuelle et non collective et semble motivée par une considération toute personnelle.

En effet, et c'est pourquoi je me demande si, dans l'évangile de Jean, la crucifixion a bien eu lieu ou si ce n'était qu'une prophétie que l'évangile de Jean demandait au conseil essénien de cette époque d'accomplir pour authentifier comme véridique tout l'enseignement précédemment donné. Dans cette hypothèse, Hérode Antipas avait tout intérêt à faire mentir la prophétie, ce qui pourrait expliquer qu'il ait choisi la décapitation pour Jean et la destruction de la communauté de Qumrân, que constate l'archéologie, par le glaive plutôt que par la crucifixion.

Mon commentateur cite Matthieu : En ce temps-là, Hérode le tétrarque, ayant entendu parler de Jésus, dit à ses serviteurs : c’est Jean Baptiste ! Il est ressuscité des morts, et c’est pour cela qu’il se fait par lui des miracles.

En effet, si l'évangile de Jean fait dire cela à Hérode Antipas, n'est-ce pas une façon détournée de dire que Jésus se trouvait en Jean-Baptiste, en sa communauté des Jean, et qu'il est ressuscité bien qu'exécuté par le glaive et non par la croix comme prophétisé ?

Mon commentateur pense qu'Il faut chercher la cause de la destitution de Pilate ailleurs que dans les évenements que rapporte Jean l’évangéliste. Or, citant l'Encyclopédia Universalis, il écrit : Pilate, cependant, s’attire l’inimitié des Juifs qui lui reprochent d’insulter leur sentiment religieux : il aurait ainsi laissé exposer dans Jérusalem des images de l’empereur et fait battre des monnaies portant des symboles religieux païens.

En effet, et il faut remarquer que ses successeurs ont été beaucoup plus prudents pour ne pas froisser la sensibilité religieuse des Juifs. Enfin, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il ne faut pas tout mélanger. La répression des Samaritains du mont Garizim en 36 n’est en aucun cas liée à la mort de Jean le Baptiste. Ce sont des évènements distincts et dans le temps, et le lieu, et les motifs. Les habitants de Samarie, d'origine majoritairement persane tout au moins dans leur élite, s'étaient opposés aux Juifs de Judée. Ils refusaient de sacrifier et de payer les contributions dans le temple de Jérusalem. En outre, ils avaient conservé leur libre arbitre dans la façon dont ils interprétaient la loi de Moïse. C'est pourquoi les Juifs (de Jérusalem et d'ailleurs, Esséniens compris) les traitaient d'hérétiques. Ils les accablaient de leur mépris. Dans l'évangile de Jean, l'entretien de Jésus essénien avec la Samaritaine est une tentative de conversion au mouvement essénien dont rien ne dit qu'elle ait réussie.

Voyez également mon article Le Christ est-il ressuscité à Jérusalem ou à Tibériade ?http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-christ-est-il-ressuscite-a-128903 où je donne une explication semblable, l'affaire se déplaçant de toute évidence à Tibériade, nouvelle Jérusalem, autour du lac de Tibériade. En effet, il n'est pas possible qu'il y ait eu deux grands prêtres, en même temps, à Jérusalem, Anne et Caïphe. Caïphe ne peut se trouver qu'à Tibériade, Dans cette hypothèse, le procés aurait pu avoir lieu dans la nouvelle ville récemment fondée. Il s'agit d'une affaire principalement galiléenne vu qu'elle ne concernait que le tétrarque de Galilée, Hérode Antipas.

Merci au commentateur "Jean-Jacques Rousseau" d'Agoravox d'être entré dans le débat ?

E. Mourey le 17 avril 2015, www.bibracte.com, d'après mes deux "Histoire du Christ" publiés en 1996.


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