Joffrin est complotiste !

par Ariane Walter
mercredi 14 septembre 2011

 Ouf !

On a eu chaud !

Vendredi 9 septembre, branle bas de combat sur le front des medias de l’armada : Laurent Joffrin, directeur de rédaction du « Nouvel Observateur », publie une tribune buzz intitulée :

" Pourquoi les complotistes sont les ennemis de la démocratie  ».

Fichtre !

Aussitôt c’est l’ouragan, le tsunami, 469 lecteurs lui répondent, en l’arrosant, dans leur immense majorité, à la kalachnikov :

« Cet article est une insulte à l’intelligence humaine. »

« Qualifier n'importe quel citoyen en droit de se poser des questions de négationniste n'est ce pas un peu trop monsieur Joffrin... ? Nous sommes donc en droit de nous poser des questions quand il s'agit d'un troussage de domestique dans un hôtel de Manhattan mais pas lors de la plus grande opération d'intoxication médiatique montée ces dernières années ??? Le XXI ème siècle commence contre un grand complot contre les libertés ! »

« Aucune opération terroriste ne peut arriver à des résultats défiant la physique : c'est une opération de type militaire. »

« Si le groupe Bilderberg n'est qu'une petite frappe des groupes qui tirent les ficelles, le Siècle est une petite frappe locale, et Monsieur Joffrin en est un petit sbire. »

« Figurez vous que cette histoire ne m'intéressait pas mais que ce sont les coups en dessous de la ceinture du Monde contre Meyssan qui m'ont fait m'intéresser à l'affaire a l'époque. »

« A lire cet article je ne peux plus voter socialiste car il me dit que la démocratie est de fermer sa gueule. »

« J'ai vraiment l'impression, M. Joffrin, que vous nous demandez d'êtres des moutons imbéciles et d'accepter la parole divine car les voies du terrorisme sont impénétrables. »

 (Et pour ceux qui penseront que je fais un choix orienté, lisez ces posts : je me suis ici contentée de la première page en date du 13 09.)

 

Face à cette vague virulente de protestations, Joffrin, rejeté, vert de rage, ressert pourtant la même soupe le lendemain. Sans rien perdre de sa superbe.

« 11 septembre : réponse aux conspirationnistes. »

Une brève réponse à mes nombreux contradicteurs, dont pratiquement aucun, pourtant, n'a cherché à réfuter mes arguments, tant la foi des croyants se passe de raisonnements. Je réitère donc mes questions et je mets au défi les conspirationnistes d'y répondre sérieusement.

M. Joffrin le prend donc avec cette hauteur qui caractérise la classe supérieure et 281 personnes lui répondent. Il faut reconnaître que la modé fait enfin son travail car quelques pro-VO sont sur le front. Mais il n’empêche que la fureur des conspirationnistes déchiquète encore le pauvre Joffrin !

« M Joffrin, vous traitez ceux qui doutent et qui demandent une nouvelle enquête, de négationnistes. C'est très grave, et on ne peut vous excuser d'une telle diatribe. »

« Qu'y a-t-il donc à défendre avec autant de mauvaise foi pour stigmatiser les opposants à la thèse officielle sur les événement du 11-Septembre en les qualifiant de négationnistes ? Troublant..

 

Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer article plus maladroit, plus partisan, plus lourdingue, destiné, en priorité, à un public lobotomisé qui a besoin d’être rassuré. Ce n’est pas aux complotistes que ce discours s’adresse mais aux froussards qui ne veulent pas voir dans quel monde ils vivent. Il faut leur montrer que la grande presse, sans oublier « Sciences et vie »,( des éditions Mondadori qui publient également « Télé-poche », « Modes et travaux » et « Nous deux ») est de leur côté. Qu’il y a encore des gens qui croient que Busk, Sarko et Obama sont des gens bien qui ne mentent jamais. La sainte Trinité. Amen.

Pourtant, comme il ne faut jamais condamner sans savoir, j’ai téléphoné personnellement à Joffrin pour connaître le fin mot de l’histoire. Je vous transmets la conversation :

 

AW : Allo ? Lolo ? C'est Ariane ! D'Agoravox !

LJ : Bonjour ma chérie ! Comment vas-tu ?

AW : Je te téléphone au sujet de ta rubrique sur les complotistes ! Attends tu perds la tête ! Quelle merde ! Tu veux passer pour un bourrin ! Tu as vu les réactions ! Je ne comprends pas ? On a déjà parlé de ça ensemble et tu m'avais dit...

LJ : Chut, chut, chut ...Attends je prends le potable de ma fille ! Ne bouge pas. Je te rappelle tout de suite.

Et deux minutes après…

LJ : Ne m'en parle pas ! Quelle merde, tu as raison ! Mais tu les connais ! J'étais sûr que ça allait me tomber dessus et crois-moi, ça n'a pas manqué !

AW : Mais c’est quand même toi le directeur de rédaction !

LJ : Oui, tu parles, c’est comme si tu me disais qu’un chauffeur est le proprio de sa voiture. Tu le vois au volant mais il va où on lui dit d’aller !

AW : On t’a demandé de le faire ?

LJ : Le patron ! En personne ! Il m'a même donné le titre "Pourquoi les complotistes sont les ennemis de la démocratie ». J’ai cru tomber sur le cul !

AW : Tu me rassures ! C’est tellement nul !

LJ : Ca pour être nul ! Je lui ai même dit "Oh ! Bill !" (il se prend pour Buffalo Bill !) On n’est pas au Texas ici !

AW : Hihihihihi !!

LJ : En ce moment, avec ces élections, on les a sur le dos, je te dis pas ! La Libye, à côté de la rédac, c’est calme ! Donc Bill me dit : « Figure-toi qu’il y a de plus en plus de gens qui pensent que le gouvernement US est à l’origine des attentats. Et l’armée par-dessus le marché ! La NSA voit ce chiffre monter en flèche. »

AW : La NSA ? L’ agence de renseignement qui espionne le net ?

LJ : Exact ! La CIA number two !

AW : J’ai même lu qu’elle avait un budget de deux milliards de dollars et 24 000 employés !

LJ : Et un pour toi ! Tu peux lui dire « bonjour », il t’écoute !

AW : Bonjour la NSA ! Et toi personne ne t’écoute ?

LJ : Ce que je dis aux copains, ils s’en foutent. C’est ce que j’écris qui compte. Tu penses ce que tu veux . Si tu les sers, c’est bon. On est en démocratie, n’oublie pas ! Ahahahahah ! T’as remarqué que « démocratie » est dans mon titre ?

AW : Bien sûr !

LJ : Obligé ! C’est le mot qu’il faut mettre à toutes les sauces. Ecoute-les, ils n’ont que ça à la bouche : « Démocratie ! » Moins il y a de liberté dans les rues, plus il y a de démocratie dans les discours ! Et en ce moment, on bat tous les records ! Donc quand l’autre m’a donné ce titre avec « démocratie », il m’a tellement énervé que j’ai voulu me le faire. Je lui ai dis : « Normal que les gens croient que c’est le gouvernement US qui a préparé les attentats avec ces connards, Bush and C°, ils auraient pu être plus sioux ! »

Bill : Comment ça ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu veux nous trahir ?

LJ : J’ai cru que j’allais le perdre d’un infarctus ! « Non, non, Bill. Je veux simplement dire que ce foutu Powell est quand même allé à l’ONU avec une fiole de bicarbonate en disant que c’était de l’anthrax et que l’autre minus sapiens de Bush a aussi dit qu’il avait raconté n’importe quoi. Ce que je veux donc dire c’est que quand tu mens une fois, c’est comme crier « Au loup ! » Après les gens ne te croient plus !

Bill : On s’en fout de ça ! Les gens, les gens ! Faut leur bourrer le mou aux gens ! Tu es payé pour ça ! Tu sais combien il coûte ton journal de merde ? Il faut quand même que ça rapporte un peu ! Donc, les chefs ils veulent que tu répètes autant que possible dans ton article la phrase : « Ce n’est pas le gouvernement des US qui a fait cet attentat. » Et ceux qui le croient ce sont des psychopathes, des soucoupistes, des malades mentaux, une honte pour l’espèce humaine ! » Et tu en rajoutes, tu en rajoutes !

AW : Il a dû être content, Bill ! Tu n’y es pas allé avec le dos de la cuillère ! J’ai noté : « délires honteux », « élucubrations louches et insinuantes », « incroyables errements », « balivernes exposées » , « argumentations délirantes », « complots ténébreux », « ces gogos de Google », « ces négationnistes ! » On dirait un exorciste qui balance de l’ail à la gueule des vampires !

LJ : Oui, j’en ai fait des tonnes pour qu’on comprenne qu’on me forçait la main ! Qui pourrait croire qu’un être sensé puisse écrire autant de foutaises !

AW : Vu les réactions, j’ai l’impression que personne n’a rien compris ! Tu as vachement déçu tes lecteurs ! Ils en étaient resté à ton coup d’éclat de mai dernier quand tu avais claqué la porte du « Siècle » en disant qu’on était en 1788 et qu’on était dirigé par une oligarchie ! Là, je me suis dit : « Jojo, le gauchiste, est de retour ! »

LJ : Tu rigoles ! Encore une de leurs idées à la flan ! S’il y avait dans ma vie un rendez-vous sympa c’était ce repas du Siècle ! Je me retrouvais avec des potes, on était entre nous. Mais non, encore une idée de Bill. Comme ils lâchent le Sarko et qu’ils veulent soutenir les socios, il fallait que l’Obs ait un air de gauche, pur jus ! Alors ils m’ont commandé ce numéro contre l’oligarchie ! Putain, y a des copains qui l’ont mal pris !

AW : Du siècle ?

LJ : Evidemment ! Je les ai traités de vieux bonzes ! J’ai eu beau leur expliquer que j’étais en service commandé, il y en a qui me font la tête ! Et qui est privé de son petit repas avec les potes : c’est moi !

AW : Et quand tu as explosé Badinter en défendant Diallo ? C’était du bluff ?

LJ : Oh ! la ! la ! Quelle histoire ! Qu’est-ce qu’ils m’ont pas fait faire, là aussi ! J’avais mangé la veille avec Badinter et je lui avais tenu le mouchoir toute la soirée ! Son DSK ! Et là je lui sors ça en direct. J’ai cru que j’allais le tuer ! Je ne te dis pas ensuite, pour rattraper le coup, combien j’ai dû laisser passer sur le NO d’articles bidons favorables à DSK ! 

AW : DSK, c’était le bouquet ! Je voulais te le dire, non là, c’est trop ! C’était trop partisan ! Vous avez été ridicules ! Ils le veulent au panthéon, le DSK, tes patrons ? 

LJ : Crois pas ça. Ils peuvent pas l'encadrer ! Ils sont fous de voir que ce connard avec sa bite en feu leur a fait rater leurs affaires ! Ils étaient prêts à lui faire une campagne d'enfer, ils ont mis un pognon pas possible sur lui et l’autre, avec son chalumeau, qui nique une négresse ! Apocalypse now ! Le lendemain ils n'arrêtaient pas de dire "Mais quel con ! Mais quel con !" Mais il y a des potes à sa meuf qui veulent qu'on essaie de lui sauver la mise ! Il y en a d’autres qui veulent tout lui couper ! Je te dis pas l’ambiance !

AW : Vu de l’extérieur, c’est plutôt minable !

JL : Je te comprends ma caille mais c’est le job. Je ne sais plus où j’en suis là ! Je sors à peine de l’épisode Libyen . Il y en a qui croient que le Kadhafi il s’est carapaté tout seul. Tu parles ! En vélo comme le mollah Omar ! Mais c’est qu’il en a des secrets le Kadhafi ! Sur le 11 septembre et sur tous les jours de l’année ! Ils ont dû négocier ça. Ni vu, ni connu, je t’embrouille ! Il s’est tiré tout seul au Niger ! Je rigole !

 

 Pendant qu’il parle, j’ai sous les yeux son article que je relis et moi je ne rigole pas ! C’est grave quand même. 

 

Dix ans après, les citoyens internautes attachés aux valeurs démocratiques devraient au moins se mettre d’accord sur un point : le seul complot qui émerge de l’affaire du 11 septembre, c’est celui des conspirationnistes qui empoisonnent la mémoire de ce cruel événement et cherchent à faire passer le gouvernement américain de l’époque, fort critiquable par ailleurs, pour une bande d’assassins cyniques et irresponsables.

On dira que c’est déjà faire la part belle à ces délires que de leur consacrer un article. Peut-être, mais lorsque l’on tape "11 septembre" sur le moteur de recherches Google - qui devrait avoir honte de sa complaisance, hypocritement cachée derrière une soi-disant neutralité technique - la moitié des occurrences qui apparaissent sur la première page émanent de groupes ou d’auteurs qui remettent en question l’explication raisonnable et étayée de l’événement, au profit d’élucubrations louches et insinuantes. Il faut donc revenir encore une fois sur ce dossier pour en rappeler les données de base fournies par l’examen froid des éléments factuels.

1) Les contestataires parlent d’une "thèse officielle". Avant de l’examiner, il faut rappeler avec force que ce vocable a pour fonction unique de nier la légitimité des enquêtes effectuées, non seulement par les autorités américaines, mais aussi par une multitude de journalistes indépendants et reconnus, travaillant dans les meilleurs journaux, et par une myriade d’experts respectés qui n’ont aucun intérêt dans l’affaire, ni le moindre lien avec le gouvernement de Washington. Il faut aussi dire très haut que les contempteurs de la « thèse officielle » sont infiniment moins crédibles que ceux qui la défendent. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer leurs incroyables errements.

Le plus connu des négationnistes s’appelle Thierry Meyssan. Il a acquis la célébrité en niant qu’un avion de ligne se soit jamais écrasé sur le Pentagone. Armé de deux ou trois photographies de débris, mesurant la brèche faite dans le mur du bâtiment, nettement plus étroite que l’envergure de l’avion projeté sur le siège du ministère américain de la Défense, Meyssan a proclamé à tous vents que le Pentagone avait été endommagé non par l’avion du vol American Airlines 77, mais par un missile bourré d’explosif.

Une fois cette baliverne exposée – et vendue à des centaines de milliers d’exemplaires dans le monde - l’imagination pouvait battre la campagne : si on avait menti sur la nature du projectile, suggérait-il, c’est qu’on cherchait à camoufler une vérité monstrueuse, à savoir que l’attaque contre le Pentagone avait été perpétrée, non par Al Qaida, mais par une organisation militaire agissant secrètement. Et quelle organisation pouvait mener à bien cette opération au cœur des Etats-Unis, sinon l’armée américaine elle-même ? Ainsi, à partir de deux ou trois arguments techniques non-vérifiés, on formulait l’accusation décisive qui allait devenir le leitmotiv explicite ou implicite des négationnistes du 11 septembre : le gouvernement américain a lui-même organisé les attentats du 11 septembre pour justifier les guerres d’Afghanistan et d’Irak.

Or, au moment même où Meyssan développait son argumentation délirante, les agents du FBI retrouvaient dans les décombres du Pentagone les corps déchiquetés des passagers du vol 77, rassemblaient les objets personnels des victimes pour les rendre à leur famille et ramassaient un à un les débris de l’appareil, y compris les boîtes noires de l’avion dont les négationnistes affirmaient qu’elles n’existaient pas. Pour quiconque examine honnêtement le dossier, l’évidence s’impose : le vol 77 a bien été détourné et il s’est bien écrasé sur le Pentagone, là où des dizaines de témoins l’ont vu voler en rase motte avant de percuter le mur d’enceinte. Les noms des victimes sont connus, leurs familles apparaissent régulièrement dans des émissions consacrées au 11 septembre, les preuves de l’attentat du Pentagone sont surabondantes et incontournables. Et la largeur du trou ? Dans un choc de cette violence, l’appareil se désintègre entièrement, ce qui explique fort bien l’étroitesse de la brèche au point d’impact.

Autrement dit, non seulement Meyssan trompait les millions de téléspectateurs qui l’ont vu déblatérer sans contradicteur à l’invitation de Thierry Ardisson – jour noir dans l’histoire de la télévision française – mais il insultait aussi les familles des victimes, frappées par un deuil aussi absurde que cruel pour être ensuite niées et salies par un escroc intellectuel sans foi ni loi. Ceux qui pourraient encore douter de la réalité de cet événement se reporteront au documentaire réalisé pour France 3 par Daniel Leconte et diffusé jeudi dernier.

2) Cet exemple n’est pas choisi au hasard : la technique de Meyssan se retrouve peu ou prou dans tous les articles, les livres ou les films issus des milieux négationnistes. Au lieu d’aborder sans préjugé l’ensemble du dossier et de rechercher les faits les plus sûrs pour explorer ensuite les zones d’ombre, on inverse le processus. On passe sous silence les preuves les plus flagrantes et on se concentre sur quelques éléments bizarres, inexpliqués ou douteux, de manière à jeter la suspicion sur l’ensemble de l’affaire. Meyssan fait abstraction des passagers, de l’itinéraire de l’avion, des débris retrouvés, de la personnalité du pilote, des témoins qui ont vu l’avion.

Il se contente de mesurer un trou dans un mur et de reproduire des photos chipées sur Internet. Une fois ces éléments isolés, il range tous les autres arguments, quelle que soit leur évidence factuelle, sous l’étiquette dépréciative de "thèse officielle", version par définition mensongère, bien moins excitante, de surcroît, que l’hypothèse d’un complot ténébreux.

3) Cette tricherie logique, qui consiste à retenir les seuls éléments qui vont dans le sens du complot, comme on le voit dans le film conspirationniste "Loose Change", si prisé des internautes, est enrobée dans des arguments de vraisemblance, qui impressionnent souvent les gogos de Google.

Il est invraisemblable, dit-on, qu’une poignée de terroristes armés de cutters aient pu perpétrer un attentat de cette ampleur ; il est invraisemblable que l’US Air Force n’ait pas intercepté les avions ; il est invraisemblable que ces tours aient pu s’effondrer aussi vite, alors que les gratte-ciels incendiés ailleurs sont toujours restés debout ; il est invraisemblable qu’un terroriste inexpérimenté ait pu piloter un Boeing avec autant de précision ; il est invraisemblable que le troisième immeuble du World Trade Center (WTC 7) soit tombé lui aussi, alors qu’aucun avion ne l’a percuté. Certes, mais cela s’est produit.

Quelle est la thèse opposée, celle des conspirationnistes ? Ils affirment ou bien sous-entendent avec insistance que le gouvernement américain est à l’origine des attentats. Mais alors qu’ils sont intarissables sur l’invraisemblance de la « thèse officielle », ils n’examinent jamais la vraisemblance de leurs propres affirmations.

Ainsi, consciemment ou inconsciemment, les complotistes abusent le public, profitant du relativisme régressif qui sévit si souvent sur Internet et dans la tête d’une partie de l’opinion. Ils tendent à accréditer l’idée que les grandes démocraties sont des théâtres d’ombre agis par des forces obscures, où le citoyen est un pion dans un jeu qui le dépasse de très loin. La fonction politique de ces thèses délirantes est évidente : détruire la confiance des citoyens dans leurs propres institutions, accréditer l’idée que les démocraties, après tout, ne sont pas plus fiables ou morales que les dictatures  ; légitimer par contrecoup les thèses extrêmes, de droite ou de gauche.

 

Les négationnistes du 11 septembre sont des ennemis de la démocratie ou, au mieux, les idiots utiles de l’extrémisme. Ils doivent être dénoncés comme tels.

 

Les complotistes sont des Breivick ! Alors que ce sont eux qui nourrissent des fous pareils ! Je l’interromps.

 

AW : Il est quand même abject ton article, quoi que tu dises.

LJ : Tu plaisantes ! Ah ! Non ! Tu me gonfles, là ! Tu es injuste ! J’ai fait ce que j’ai pu, vu les circonstances ! Tu n’as pas vu la fin ? Je termine sur une suite de questions dont tout le monde connaît les réponses. Là, on voit bien de quel côté je suis ! Je tends d’énormes perches. Je dis :

Pour que le 11 septembre fût l’œuvre des autorités américaines, il eût fallu :

- que le commando ait été manipulé par les services secrets américains

C’est le cas ! La CIA et AL Qaïda travaillent ensemble ! Tout le monde le sait !

- que l’US Air Force ait été prévenue pour laisser passer les avions.

C’est le cas ! Rumsfeld qui était le seul ce jour-là à pouvoir donner des ordres n’en a donné aucun. Pendant 20 mn, alors qu’il se baladait sur la pelouse du Pentagone il a été injoignable. Ca se dit partout !

- que l’armée américaine ait organisé le tir meurtrier sur le Pentagone

C’est le cas. Sinon, nous aurions une photo d’avion. Au moins une. Tout le monde le sait !

- que les tours aient été préalablement minées par telle ou telle branche des services secrets

C’est le cas. La transformation de la matière, l’implosion , sa pulvérisation le prouve.

- que le Président, ses principaux collaborateurs et des responsables très haut placés dans la hiérarchie militaire et dans celle du renseignement soient du complot

C’est le cas. Ils sont d’ailleurs, dans le plus grand secret de tous les complots depuis cinquante ans. En particulier, depuis le 11 septembre 1973 où la CIA a fait assassiner Allende pour le remplacer par Pinochet !

- que les experts officiels et la commission désignée pour enquêter soient également complices.

Il y en a en tout cas qui ont démissionné tant ils étaient débectés par la tournure que prenaient les évènements !

Alors ? je n’ai montré là de quel côté j’étais ? Je me suis sacrifié ! Je me suis ridiculisé pour ridiculiser leur thèse !

AW : Tu veux une statue ?

LJ : C’est ça, fous-toi de moi ! Ca a été un dur moment à passer, aussi dur que lorsque j’ai écrit une tribune pour demander à Khan de ne pas abandonner le métier !

AW : Pour l’histoire de troussage de domestique ?

LJ : Ouais ! Ce vieux clown gâteux de Khan ! Si on savait ce que je me fous de Khan ! 

AW : Je voudrais te dire deux choses.

LJ : Vas-y, ma poule.

AW : La première c’est que le gouvernement US a été débordé par le phénomène internet. Il pensait que ces images du 11 septembre, pour eux pétantes de vérité, seraient respectées comme des icônes. Que personne ne les discuterait. Comment auraient-ils pu imaginer qu’elles seraient passées, repassées, étudiées, commentées, postées, disséquées, que des familles des victimes, des techniciens, des députés, des scientifiques, des peuples entiers, tous, s’uniraient , que tous les gogols de Google s’enverraient des liens ,commenteraient inlassablement ces évènements dans une passion de vérité qui ne cesse pas et qui ne cèdera jamais. Ils ne peuvent plus faire n’importe quoi. Ils sont face à des armées de fouineurs et de spécialistes. Quand la photo de Ben Laden mort est sortie sur le net elle a été si vite rétamée par tous les photoshopers qu’ils l’ont virée aussi sec. Et celle où il regarde la télé de dos dans son antre ! Où l’on a étudié la nature des prises par terre qui ne correspondent pas au Pakistan ! Est-ce pour plus de certitudes, quand toutes les certitudes leur échappent, qu’ils ont été obligés de descendre dans un accident le commando qui avait tué Ben Laden ? Voilà pourquoi ils ne sortent pas de photo de l’avion volant en rase-motte devant le Pentagone. Parce qu’il n’y en a pas. Ils savent bien que leur fake serait aussitôt étudié et démonté. Ils sont bloqués les tout puissants. Techniquement, socialement, internet les met à genoux. Voilà pourquoi ils pleurent sous ta plume. Parce qu’ils se sentent démasqués et qu’ils n’ont aucune preuve à montrer ! On nous dit qu’ils préparent une attaque d’extra-terrestres pour tenir toute l’humanité sous la coupe d’une même menace ! Ah ! Ils ont intérêt à les chiader leurs soucoupes volantes avant de retrouver leurs projos à hologrammes sur facebook !

La seconde, c’est que les « Complotistes » sont les nouveaux chrétiens de ce temps. Ils savent que Néron a fait brûler Rome. Ils ont leur Evangile. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ils en ont assez de ce monde binaire des Zuniens, fracassant Liberté contre communisme ou Islamisme. Ils veulent paix et compréhension. Tu ne mentiras point : ils en ont assez de ces secrets d’Etat qui cachent des montagnes d’intérêts privés, le bal des mafias et du terrorisme fait maison, de cette propagande à laquelle tu appartiens, de ces lobbys qui mentent sur le nucléaire ou l’agro-alimentaire. Tu ne voleras point : ils en ont assez de ces banksters qui poussent le monde à la ruine. Tu ne tueras point : Assez, plus qu’assez, de ces guerres humanitaires qui utilisent les pires armes de mort, agent orange pour le Viet-nam, uranium appauvri pour l’Irak et la Libye qui laissent des marques que le temps n’efface pas !

C’est cette pensée là qui est en train de naître et que rien ne pourra étouffer. Parce que ce qu’ils proposent à la place pue et est pourri. Mortel pour les peuples vers lesquels ils s’avancent avec leur tête de cadavre.

Le NSA peut bien constater combien d’hommes chaque année deviennent « complotistes ». Ils sont comme ceux qui constatent la montée des eaux et qui ne peuvent rien contre ce phénomène. 

LJ : Tu crois que je ne le sais pas ?

AW : Une dernière question. Tu es de gauche ou de droite, Lolo ?

LJ : Lo est de gauche et Lo est de droite. Je suis dans un système. Je ne vais quand même pas me retrouver sur Agoravox ! Combien tu gagnes sur Agoravox ?

AW : 1500 euros par article, 1 euro par post et 5 euros par post insultant.

LJ : Hé pas mal ! Je me serai fait un sacré paquet avec tout ce que j’ai ramassé l’autre jour !

AW : Et tu n’as pas de problème de conscience ?

LJ : Un peu comme un rhumatisme. Au réveil. Puis quand on marche, ça s’estompe. J’ai surtout un toit à refaire. Ah ! Désolé ! Il faut que je te laisse. On m’appelle. En ce moment ils coulent Hollande et font monter Royal. D’ici qu’ils veuillent l’offrir à Sarkozy ! Tu as vu les trois titres aujourd’hui ? « Fonds occultes : Royal promet de faire le ménage en France. » « Accident de Marcoule : Royal exige la vérité sur les risques. » « Hollande : le piège de l’immobilisme. » Tout va si vite. Les maîtres d’hier rampent aujourd’hui et ceux de demain commencent à faire chier ! Bye bye, belle ! Le job continue !

 

C’était Laurent Joffrin du « Nouvel Obs ». Soutien du parti socialiste, ami des Américains et du libéralisme, tout en étant de gauche. Un des grands journaux de notre France démocratique.


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