John Wayne Gacy : le tueur et violeur en série dans la peau d’un clown
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
jeudi 3 avril 2025
Dans l’ombre des rues paisibles de Chicago, un monstre grimé en clown a semé la terreur dans les années 1970. John Wayne Gacy, homme d’affaires respectable et amuseur d’enfants, a violé, torturé et assassiné 33 jeunes hommes, cachant leurs corps sous sa maison ou dans une rivière voisine. Arrêté en 1978, il a laissé une Amérique horrifiée face à la duplicité humaine.
Une enfance sous le joug de la violence
John Wayne Gacy voit le jour le 17 mars 1942 à Chicago, dans une famille ouvrière d’origine polonaise et danoise. Fils de John Stanley Gacy, un vétéran de la Première Guerre mondiale devenu machiniste, et de Marion Elaine Robinson, une femme au foyer dévouée, il grandit entre l’amour maternel et la brutalité paternelle. Son père, alcoolique, le bat régulièrement avec une ceinture et l’humilie, le traitant de "tapette" ou de "pédé", des mots qui résonnent comme des coups dans l’esprit du jeune garçon. Malgré cela, Gacy idolâtre cet homme qu’il rêve de rendre fier, une quête vouée à l’échec.
À neuf ans, un traumatisme vient s’ajouter à cette enfance chaotique : un ami de la famille, sous couvert d’affection, le viole. Gacy, terrifié à l’idée d’être blâmé par son père, garde le silence. À onze ans, un accident à la balançoire provoque un caillot sanguin dans son cerveau, découvert des années plus tard après des évanouissements répétés. Fragile, en surpoids et souvent malade, il devient une cible facile pour les moqueries, un garçon qui préfère cuisiner avec sa mère plutôt que de jouer au baseball avec des copains.
Cette période marque les fondations d’un homme complexe. Gacy quitte le lycée à 17 ans, fuyant un foyer oppressant pour Las Vegas, où il décroche un emploi de concierge dans un funérarium. Là, une fascination morbide s’éveille : il avouera plus tard avoir caressé un cadavre d’adolescent, un acte qui le trouble et le pousse à rentrer à Chicago. Ces premières années révèlent un garçon brisé, cherchant désespérément une identité dans un monde qui ne lui offre que rejet et mépris.
Le masque du citoyen modèle
De retour à Chicago, Gacy se réinvente. Diplômé d’une école de commerce, il gravit les échelons, devenant gérant d’un magasin de vêtements puis directeur de trois restaurants KFC dans l’Iowa. En 1964, il épouse Marlynn Myers, une collègue, et devient père de deux enfants. À l’extérieur, il incarne le rêve américain : entrepreneur prospère, membre actif du Parti démocrate, il organise des kermesses et se déguise en "Pogo le Clown" pour divertir les enfants malades. En 1975, il serre même la main de la Première Dame, Rosalynn Carter. Une photo qui lui vaut une aura de respectabilité.
Mais sous ce vernis, la noirceur couve. En 1968, Gacy est arrêté dans l’Iowa pour avoir agressé sexuellement un adolescent, Donald Voorhees. Condamné à dix ans de prison, il n’en purge que dix-huit mois, libéré pour bonne conduite après avoir joué les détenus modèles et il se déguise même en Père Noël pour ses codétenus. Son mariage s’effondre, et il retourne à Chicago en 1971, où il fonde une entreprise de construction, PDM Contractors, et se remarie avec Carole Hoff. Elle découvrira plus tard des magazines gays, des sextoys et des vêtements d’adolescents chez eux, prémices d’un divorce en 1976.
Gacy excelle dans l’art de la manipulation. Ses voisins le décrivent comme affable, toujours prêt à rendre service. Pourtant, il rôde la nuit dans des quartiers comme "Bughouse Square", un lieu connu pour marginaux et ses prostitués. Ce double visage – clown jovial le jour, prédateur la nuit – lui permet de prospérer dans l’ombre, insoupçonnable aux yeux d’une communauté qui ne voit que son sourire.
La descente aux enfers
Le 1er janvier 1972, John Wayne Gacy franchit un seuil irréversible. Timothy Jack McCoy, un garçon de 16 ans aux traits juvéniles et à la voix douce, entre dans sa vie par hasard, croisé dans une gare routière de Chicago. Fuyant son Nebraska natal, il accepte l’offre de Gacy : un repas chaud, un lit pour la nuit. Dans la maison de Norwood Park, l’ambiance bascule. Gacy, pris d’une impulsion qu’il décrira comme un "malentendu", poignarde Timothy en plein thorax après une dispute confuse. Il prétendra que l’adolescent était menaçant et tenait un couteau. Mais avant cette fin brutale, Timothy endure l’innommable : Gacy le viole alors qu’il est encore vivant, menotté, incapable de se défendre. Le corps, vidé de son souffle, est traîné dans le vide sanitaire, première pierre d’un tombeau souterrain. Gacy confessera plus tard avoir ressenti une "montée d’adrénaline" en tuant, un plaisir morbide qui scelle irrémédiablement son destin.
Ce premier meurtre devient un modèle. Gacy rôde dans les gares, les ruelles sombres ou les parkings, ciblant des jeunes hommes vulnérables : fugueurs, prostitués, employés de sa société PDM Contractors. Il les attire avec des promesses d’argent, d’alcool, de drogue ou de travail, son charisme désarmant masquant ses intentions. Une fois chez lui, le piège se referme. Il les menotte sous couvert d’un "tour de magie", riant de leur confusion, puis les soumet à une torture ritualisée. La cire brûlante goutte sur leur peau, les plongeons répétés dans une baignoire les laissent à bout de souffle, et les viols, perpétrés alors qu’ils sont encore conscients, brisent leur esprit avant leur corps. La mort vient ensuite, lente et délibérée : strangulation avec une corde ou un garrot, parfois un chiffon enfoncé dans la gorge jusqu’à l’asphyxie. Mais Gacy ne s’arrête pas toujours là. Certains, comme il l’admettra lors du procès, subissent des outrages post-mortem, leur corps profané dans une ultime démonstration de contrôle. Les dépouilles s’entassent dans le vide sanitaire, recouvertes de chaux pour ralentir la décomposition, un charnier où l’odeur devient insoutenable.
Les victimes s’enchaînent, chacune portant une histoire arrachée à la vie. John Butkovich, 18 ans, employé chez PDM, disparaît en juillet 1975 après une querelle sur son salaire. Gacy l’attire chez lui, le menotte et le viole pendant qu’il se débat, hurlant en vain. La strangulation suit, un garrot serré jusqu’à ce que le silence retombe. Michael Bonnin, 17 ans, un garçon discret rêvant de travailler le bois, est enlevé en juin 1976. Attaché, il endure des heures de sévices – brûlures, viols répétés – avant d’être asphyxié, son corps encore chaud jeté sous le plancher de la cuisine. John Szyc, 19 ans, aux boucles brunes et au sourire timide, croise Gacy en janvier 1977. Drogué au chloroforme, il est violé alors qu’il sombre dans l’inconscience, puis étranglé. Gacy, dans un accès de nécrophilie qu’il avouera à demi-mot, profane le cadavre avant de le cacher sous sa maison, revendant ensuite l'automoble de John pour brouiller les pistes.
D’autres noms hantent cette litanie macabre. Darrell Sampson, 18 ans, un fugueur aux yeux tristes, tombe dans le piège en avril 1976. Menotté et bâillonné, il subit des viols brutaux pendant qu’il supplie, avant que Gacy ne l’étrangle avec une corde, son corps retrouvé avec des marques de strangulation si profondes qu’elles ont brisé son larynx. Randall Reffett, 15 ans, et Samuel Stapleton, 14 ans, deux amis inséparables, sont enlevés le 14 mai 1976. Gacy les torture ensemble, les violant l’un après l’autre alors qu’ils crient, puis les tue à quelques heures d’intervalle : Randall par strangulation, Samuel asphyxié avec un tissu. Les rapports d’autopsie suggèrent que Samuel a été abusé après sa mort, un détail qui glace les enquêteurs. William Carroll, 16 ans, gamin des rues au regard dur, disparaît en juin 1976 ; violé, il est étouffé sous le poids de Gacy, qui le laisse sous une dalle de béton.
La spirale s’accélère. James Haakenson, 16 ans, fugueur du Minnesota, arrive à Chicago en août 1976. Gacy le drogue, le viole alors qu’il gémit faiblement, puis l’étrangle avec une précision mécanique. Son corps, identifié en 2017 par ADN, ne montre pas de traces post-mortem, mais l’horreur de ses dernières heures suffit. Gregory Godzik, 17 ans, employé de PDM et mécanicien doué, est tué en décembre 1976. Après avoir réparé la voiture de son bourreau, il est menotté, violé pendant qu’il lutte, puis étranglé ; Gacy, dans un accès de rage, le mutile après sa mort. Rick Johnston, 17 ans, fan de rock parti voir un concert, disparaît en août 1976. Chloroformé, il est violé alors qu’il perd connaissance, puis asphyxié. Son autopsie révélera des ecchymoses suggérant des abus prolongés, même après le dernier souffle. Les rares survivants, comme Jeffrey Rignall, 26 ans, drogué et violé en mars 1978, échappent à la mort mais pas au traumatisme, leurs récits confirmant la sauvagerie de Gacy.
Entre 1972 et 1978, la maison de Gacy devient une usine de mort. Il tue parfois deux fois par semaine, entassant 26 corps dans le vide sanitaire. Un espace si exigu que les os se chevauchent. Quand la place manque, il jette les dépouilles dans la rivière proche, les regardant flotter comme des souvenirs qu’on efface. Chaque meurtre est un acte de pouvoir, chaque viol une affirmation de sa domination sur ces garçons qu’il méprise et désire à la fois. Les voisins, incommodés par une puanteur croissante, entendent ses excuses – "des égouts bouchés" – tandis qu’il coule du béton sur son secret. Gacy, en clown le jour, sculpte la nuit un enfer souterrain, un royaume où ses victimes, vivantes ou éteintes, ne lui échappent jamais.
L’étau se resserre
Le 11 décembre 1978, Robert Piest, 15 ans, disparaît après avoir dit à sa mère qu’il allait discuter d’un job avec un entrepreneur local – Gacy. Employé dans une pharmacie où Gacy avait un contrat, le garçon devient la clé de l’enquête. La police, alertée par des incohérences dans les explications de Gacy, obtient un mandat de perquisition le 13 décembre. Dans la maison, une odeur pestilentielle et des indices troublants – menottes, vêtements d’adolescents – mettent les enquêteurs sur la piste.
Le 21 décembre, après des jours de surveillance, Gacy craque. Il avoue avoir tué « une trentaine » de personnes, guidant les policiers vers les corps. Vingt-six squelettes sont extraits du vide sanitaire, trois autres trouvés sur la propriété, et quatre repêchés dans la rivière Des Plaines. L’horreur est indescriptible : des corps ligotés, un tissu enfoncé dans la gorge, dans un espace exigu où les techniciens risquent l’asphyxie par le méthane. Gacy, arrêté, oscille entre déni et confessions décousues, accusant un alter ego, "Bad Jack".
L’enquête révèle de nombreuses failles et négligences. Gacy avait été signalé pour des agressions dès 1971, mais relâché faute de preuves. Sa respectabilité avait endormi les soupçons et les disparitions de jeunes marginalisés n’avaient pas alarmé outre mesure. Robert Piest, issu d’une famille stable, brise ce schéma, forçant ainsi les autorités à agir avec détermination. L’arrestation marque la fin d’un cauchemar, mais ouvre une plaie dans la conscience collective.
Un monstre face à la justice
Le procès s’ouvre le 6 février 1980 à Chicago. Gacy, défendu par Sam Amirante et Robert Motta, plaide la folie, invoquant des troubles multiples – personnalité borderline, schizophrénie paranoïde. Les psychiatres s’opposent : certains y voient un déséquilibré, d’autres un calculateur lucide, capable de mener une double vie. Les témoignages des survivants, comme Rignall, et les descriptions des corps – certains identifiés via des dossiers dentaires – accablent l’accusé.
Le jury délibère dix heures. Le 13 mars 1980, Gacy est reconnu coupable de 33 meurtres, un record dans l’histoire judiciaire américaine. Condamné à 21 peines de prison à vie et 12 peines de mort, il est envoyé dans le couloir de la mort au Stateville Correctional Center. Sa défense s’effondre face à la premeditation évidente : il avait construit un piège dans sa maison, un tombeau pour ses victimes. Jusqu’au bout, il proclame son innocence, accusant ses employés ou les victimes elles-mêmes.
L’identification des corps, un calvaire pour les familles, se poursuit. Six victimes restent anonymes à ce jour, malgré les avancées en ADN. Les proches pleurent des fils, des frères, des amis, souvent des laissés-pour-compte que Gacy avait su facilement repérer. Le procès, médiatisé à outrance, expose une société confrontée à sa propre cécité face au mal tapi dans ses rangs.
Le 10 mai 1994, Gacy est exécuté par injection létale. Ses derniers mots, "Embrassez mon cul", reflètent son mépris. Mais son ombre persiste. La figure du clown, symbole de joie, devient synonyme de terreur. Stephen King, inspiré par Gacy, crée Pennywise dans Ça (1986), un roman qui cristallise cette peur et qui fera l'objet de plusieurs films.