Johnny Hallyday pour 2 millions d’euros sur nos impôts (qu’il ne veut pas payer)

par Olivier Bonnet
mercredi 15 juillet 2009

 

Sa Majesté Sarkozy est trop bonne avec ses sujets : peu après son sacre, elle a décidé que se tiendrait un grand concert sous la tour Eiffel à l’occasion de la fête nationale. Gratuit pour la plèbe, donc payé sur nos impôts. Il y a deux ans, le chef de l’État l’avait vainement proposé à Yannick Noah - tentative avortée de ce qu’il appelle "ouverture" mais n’est que débauchage -, avant de se rabattre sur Michel Polnareff. L’an dernier, les têtes d’affiche étaient Laurent Voulzy et James Blunt. Cette année, ce sera Johnny Hallyday, photographié ci-contre par Bruno Souillard pour La Provence au stade Vélodrome de Marseille lors de son concert du 12 juillet dernier. On sait les liens qui unissent le vieux chanteur et le président, qui l’avait par exemple invité à sa sauterie du Fouquet’s au soir de son élection. C’est Le Point qui révèle l’information le 25 mars dernier, reprise ensuite par Le Figaro ou 20 minutes et non démentie par la Château : "Le concert du 14 juillet au Champ-de-Mars accédera cet été au rang de tradition républicaine : à la demande de Nicolas Sarkozy, les cérémonies de la Fête nationale seront une nouvelle fois enrichies d’un grand spectacle gratuit, deux ans après le concert exceptionnel de Michel Polnareff qui avait réuni un million de spectateurs sous la tour Eiffel. À la fois ordonnateur et programmateur, le président de la République a, cette fois encore, choisi lui-même la tête d’affiche : ce sera Johnny Hallyday, avec qui il entretient de longue date des relations amicales - et qui lui a apporté son soutien durant la campagne présidentielle. Comme en 2007 aussi, l’organisation du concert a été confiée au producteur Jean-Claude Camus dans le cadre d’un accord de gré à gré - c’est-à-dire sans appel d’offres - et sera financée sur le budget du ministère de la

Culture et de la Communication, au titre des "fournitures pour les fêtes nationales". Le coût de la manifestation est estimé à 1 million d’euros (...). Ainsi décrété par le président de la République, le privilège consenti au chanteur d’Allumer le feu d’artifice risque de susciter la polémique : Johnny Hallyday s’était installé en Suisse à l’hiver 2006 sans dissimuler que son expatriation obéissait avant tout à des considérations fiscales. "Je suis d’accord de payer des impôts, mais il y a une limite", déclarait-il encore au début du mois au journal suisse Le Matin."

Puisque vous aurez décidément tout lu sur Plume de presse, une citation de Gala, d’ordinaire plus hagiographique que perfide, qui surtitre Johnny cachetonne pour l’État : "La Fête de la fin des privilèges n’enlève pas celui du choix à Nicolas Sarkozy". Bien vu ! On apprend enfin dans Le Monde du 11 juillet que le coût du concert est en réalité presque deux fois plus élevé que ce qu’écrivait Le Point : "1,9 million d’euros entièrement sur les deniers du ministère de la culture. "C’est la même enveloppe que l’an dernier, fait valoir l’Elysée. Johnny a accepté de prendre un tout petit cachet." Le chanteur, qui entame sa tournée d’adieux, se contentera de 30 000 euros". Pour moins de trois heures de spectacle, ça nous fait quand même dans les 10 000 euros de l’heure ! (mise à jour : deux heures, en fait) Mais comme l’écrit Gala (encore !) : "alors que tout augmente, le pouvoir d’achat reste une priorité nationale"... Cette question du cachet palpé personnellement par la vedette fait débat : Le Point annonçait en mars pas moins de 500 000 euros - précisant qu’il en touche pour chaque concert de sa tournée 200 000 -, bien loin des 30 000 dont parle Le Monde. Coup de griffe au passage au Télégramme, qui écrit : « C’est la même enveloppe que l’an dernier. Johnny a accepté de prendre un tout petit cachet », précise l’Elysée sur LeMonde.fr. Mais on ignore toujours ce que l’Elysée entend par « petit cachet ». Incroyable : le quotidien régional cite l’article du Monde en prétendant ignorer le montant pourtant précisé par ce même article ! Il y a vraiment des confrères qui font n’importe quoi.

Quelle que soit la somme perçue par Hallyday, le mystère plane donc finalement sur la cause de l’écart du coût global du concert, passé d’un million à 1,9 million d’euros entre mars et juillet. Et encore ne figurent pas dans cette somme les 600 000 euros que coûterait le remplacement des pelouse du Champ-de-mars si elles étaient par malheur endommagées (précision apportée par Le Monde : "On met des cierges pour qu’il ne pleuve pas !", rigole un conseiller"). Sans doute qu’il n’était pas à l’origine prévu que soit présenté le même spectacle que celui du Stade de France - ce qui sera le cas, ainsi que le précise au Télégramme le producteur Jean-Claude Camus. Un show à l’esbrouffe, très coûteux, avec force effets spéciaux, comme ce monumental aigle (ici photographié au Vélodrome). Mais c’est bien connu : quand on aime, on ne compte pas, même si "les caisses sont vides". Et Johnny, Sarko aime. D’où ce désagréable sentiment de fait du prince, le président décidant seul du choix d’un artiste qui lui est politiquement tout acquis et ne mégottant pas avec les deniers de l’État, donc avec nos impôts, quand bien même le chanteur en question ne veut pas en payer. Lors de la campagne présidentielle, Johnny avait pourtant promis de revenir en France si Sarkozy instaurait son bouclier fiscal. Domicilé à Gstaad (Suisse) et Los Angeles, il n’a pas tenu parole. Il est néanmoins convié ce soir à célébrer notre fête nationale, avec notre argent. Sarkozy, mécène de ses amis !

 


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