Juifs et antisionistes

par Malpensant
vendredi 8 janvier 2010

Aujourd’hui l’antisionisme est une position politique diabolisée, suspectée d’être le cheval de troye d’un nouvel antisémitisme. Le sionisme n’est pourtant qu’une idéologie politique récente et colonialiste à laquelle adhèrent des juifs comme des non-juifs. L’amalgame antisionisme/antisémitisme n’est en fait qu’une nouvelle manoeuvre de terrorisme intellectuel visant à discréditer toute prise de position allant à l’encontre des intérêts d’un pays étranger : Israël.

Pour couper court définitivement à ce contresens, il est bon de se souvenir de ces juifs antisionistes qui se sont élevés ou s’élèvent encore contre la création d’un Etat d’Israël et sa politique raciste et colonialiste depuis 60 ans.

La propagande sioniste diffusée par les lobby pro-israéliens en France et dans le monde occidental parle rarement de l’apparition du sionisme et des controverses qu’il a suscitées chez les juifs du monde entier à l’époque.

Le sionisme est une idéologie politique récente, inventée par l’écrivain journaliste Theodor Herzl à la fin du XIXème siècle ayant pour but la création d’un foyer juif laïc quelque part dans le monde (à l’origine pas forcément en Palestine, d’autres possibilités étaient envisagées).

Avant même le premier congrès sioniste à Bâle en Suisse en 1897, la plupart des rabbins condamnaient sans ambiguïté le sionisme. Voici la résolution adoptée à la conférence des rabbins américains en 1869 :

Le but messianique d’Israël n’est pas la restauration de l’ancien Etat juif(...), ce qui impliquerait une deuxième séparation d’avec les autres nations mais l’union de tous les enfants de Dieu qui confessent le Dieu unique, afin que soit réalisée l’unité de toutes les créature douées de raison, et leurs aspirations à la sanctification morale.

De même en 1885 lors de la conférence de Pittsburg aux USA :

Nous ne nous considérons plus comme une nation, mais comme une communauté religieuse. Nous ne sommes donc pas dans l’attente ni d’un retour en Palestine, ni d’un culte sacrificatoire sous l’administration des fils d’Aaron, ni d’une restauration d’aucune des lois concernant un Etat juif.

Malgré ces nombreuses voix dissidentes, les pionniers du sionisme continuaient à diffuser leur idéologie.

S’adressant à son modèle Cecil Rhodes, fondateur de la Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe), Theodor Herzl déclara :

Mon programme est une programme colonial.

Ou encore dans "L’Etat Juif", il préconisait :

la colonisation de la Palestine par des cultivateurs, des artisans et des commerçants juifs.

Le sionisme est donc un colonialisme à l’instar des politique coloniales européennes du XIXème siècle.

Et si le sionisme concerne la création d’un foyer juif, il n’en est pas moins une politique détachée du judaïsme. Il déclara à ce sujet dans "Jewish Chronicle" le 11 août 1911 :

pour lui, les croyances religieuses tissées autour de la Terre Sainte n’étaient utiles que comme une manoeuvre valable pour protéger les précieuses fotes naissantes du nationalisme contre les éléments dévorateurs de l’assimilation.

La création d’un Etat d’Israël serait donc fondée non pas sur la religion mais sur une "race juive" :

Les juifs, matériellement et intellectuellement supérieurs avaient perdu tout à fait le sentiment de leur solidarité de race. (...) Les juifs forts reviennent fièrement à leur race lorsque éclatent les persécutions.

Le foyer juif laïc que Theodor Herzl voulait créer serait alors un :

bastion avancée de la civilisation occidentale en face de la barbarie d’Orient.

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Theodor Herzl

 

Avec de tels projets on comprend mieux que le projet sioniste ait été encouragé par les occidentaux et les Etats-Unis.

On comprend surtout mieux la vive opposition qu’on montrée la plupart des rabbins de l’époque. Dès que le projet sioniste fut adopté beaucoup d’entre eux firent le maximum pour s’opposer à cette entreprise. Au congrès de Montréal en 1897, fut voté la mention suivant sur proposition du rabbin Isaac Meyer :

Nous désapprouvons totalement toute initiative visant à la création d’un Etat juif (...) Nous affirmons que l’objectif du judaïsme n’est ni politique, ni national, mais spirituel, et qu’il se charge d’accroître la paix, la justice, et l’amour pour les hommes.

Malgré ces vives oppositions, l’antisionisme déclina jusqu’à la création de l’Etat d’Israël en Palestine et encore depuis.

Mais beaucoup continuèrent le combat. En 1969, Rabbi Emmanuel Lévyne écrivit dans "Judaïsme contre Sionisme"

Nous, juifs antisionistes, nous avons choisi la Paix. C’est pourquoi nous n’avons pas voulu la création de l’Etat d’Israël et nous souhaitons sa disparition (par le renoncement du peuple juif et évidemment non pas par la guerre et le massacre des populations), car son existence - comme celle de tout autre Etat particulier - menace la paix mondiale.

Parallèlement, de nombreux intellectuels et scientifiques juifs rejoignirent le combat des rabbins antisionistes.

En 1930, Sigmund Freud refusait de signer l’appel de l’association sioniste de Jerusalem Keren Hajessod, contre les entraves faîtes par les Arabes de Palestine à l’exercice du culte juif dans la ViIle sainte. Freud lui répondit :

Je ne pense pas que la Palestine pourra jamais devenir un Etat juif et que les mondes chrétien et islamique seront jamais disposés à voir leurs lieux sacrés sous le contrôle juif. J’aurais trouvé plus sensé de fonder une partie juive sur une terre moins grevée d’histoire. Mais je reconnais qu’un point de vue aussi rationnel aurait peu de chances d’obtenir l’enthousiasme des gens et le soutien financier des riches

Freud mettait en plus le doigt sur l’apport financier de l’oligarchie bancaire à l’aide à la création de l’Etat d’Israël.

De même Albert Einstein cosigna avec la philosophe Hannah Arendt et 26 autres personnalités juives une lettre envoyée au rédacteur en chef du New York Times publiée le 4 décembre 1948.

Il est inconcevable que ceux qui s’opposent au fascisme à travers le monde, s’ils sont bien informés des actes et des projets de [Menahem] Begin, puissent soutenir avec tout le poids de leur noms le mouvement qu’il représente. Le public américain doit être informé des actes et des projets de Begin avant que l’irréparable ne soit commis au moyen de contributions financières, de manifestations publiques en sa faveur, et la création en Palestine de l’impression qu’un large secteur de l’Amérique soutient les élément fascistes en Israël. Les déclarations publiques de du parti de Begin ne sauraient nous renseigner sur sa véritable nature. Aujourd’hui, ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que naguère ils prêchaient ouvertement la doctrine de l’Etat fasciste. C’est à travers ses actes que le parti terroriste trahit sa vraie nature. C’est à travers ses actions passées que nous pouvons juger de ce qui va se produire dans l’avenir.

Menahem Begin étant le chef des troupes de l’Irgoun qui massacrèrent une centaine d’habitants tous musulmans dans le village de Deir Yassin le 9 avril 1948.

En 1954, il écrivit dans "Ideas and Opinions" :

Je verrais plutôt un accord raisonnable avec les Arabes sur la base d’une coexistence pacifique que la création d’un Etat juif. En dehors de considérations pratiques, ma conviction relative aux fondements du judaïsme répugne à l’idée d’un Etat juif avec des frontières, une armée et une part de pouvoir temporel, aussi réduit soit-il. Je crains que le judaïsme puisse un jour souffrir intérieurement surtout du développement en notre sein d’un nationalisme étroit, contre lequel nous avions dû nous battre sans un Etat juif.

Plus récemment, Yeshayahou Leibowitz qualifia en 1994 les soldats de l’armée israélienne et les colons des territoires occupés de "judéos-nazis". Dans "Leibowitz, Israël et judaïsme" en 1987 il déclarait :

L’Etat d’Israël perd progressivement de sa signification pour ce qui concerne les problèmes existentiels du peuple juif et du judaïsme, dit-il. Il cesse en fait d’être l’Etat du peuple juif pour devenir l’appareil de l’oppression juive sur un autre peuple. Aucun des problèmes actuels du peuple juif ne peut être traité dans le cadre de l’Etat d’Israël. (...) L’Etat d’Israël est devenu un appareil de violence !

En France quelque voix juives antisionistes commencent à se faire entendre.

Ainsi Rony Brauman ancien président de Médecins sans frontières condamne dès qu’il le peut la politique d’Israël.

http://www.malpensant.fr/video-rony-brauman-condamne-israel-1332

http://www.malpensant.fr/video-rony-brauman-contre-le-sionisme-chez-ardisson-1328

Récemment, Pierre Stambul se déclare juif antisioniste et créée l’UJFP, l’Union Juive Française pour la paix et dénonce très sévèrement le sionisme.

http://www.malpensant.fr/video-pierre-stambul-juif-francais-et-antisioniste-ujfp-2358

Le groupe de juifs antisionistes Naturei Karta, religieux et pro-palestiniens participent à de nombreuses conférences à travers le monde et répondent à l’invitation de Dieudonné en 2004 pour une conférence de presse au théâtre de la main d’or.

http://www.malpensant.fr/video-rabbins-antisionistes-de-neturei-karta-chez-dieudonne-2891

En voyant tous ces exemples, on comprend bien que l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme n’est qu’une manoeuvre de manipulation malhonnête utilisée par le régime sioniste occupant actuellement la France (politique et médiatique) pour discréditer ses adversaires. Et cela dans le but d’apporter un soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël menant une politique de plus en plus colonialiste, raciste et criminelle depuis sa création.

Pour finir, une citation de David Ben Gourion qui proclama l’indépendance de l’Etat d’Israël en 1948 :

Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous leur avons pris leur pays... Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais en quoi cela les regarde-t-ils ? Ils ne voient qu’une seule chose : nous sommes venus et nous leur avons pris leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? Il se peut qu’ils oublient au bout d’une ou deux générations, mais pour le moment ils n’oublieront pas. C’est donc bien simple : Nous devons être fort et ériger une armée puissante.
Cité par Nahum Goldman dans Le Paradoxe juif

 

Note : la plupart des informations de cet article sont reprises de l’excellent livre de Paul-Eric Blanrue : "Sarkozy, Israël et les Juifs", édité récemment et que je vous recommande chaudement.


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